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9 novembre 2024

L’Edito du Psy – Triste histoire belge

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bobine-55.jpgPour une fois, les Belges ne nous font pas sourire. Depuis le 10 juin 2007, date des dernières élections législatives, Flamands et Wallons s’opposent radicalement sur l’essence de leur futur projet politique. Et ce, malgré la nouvelle mission confiée par le Roi Albert II au leader flamand chrétien-démocrate Yves Leterme censée dégager une majorité parlementaire, condition sine qua non de la formation d’un nouveau gouvernement. Tout récemment, des députés flamands ont même voté en commission du Parlement fédéral la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, divisé dans les faits entre les 19 communes de Bruxelles-Capitale où l’on parle le français à plus de 85% et les 35 communes environnantes de l’Ouest du Brabant où la proportion est complètement inversée en faveur du néerlandais.

Loin de nous désintéresser par son apparent particularisme, la crise sans précédent que traverse le Royaume de Belgique doit au contraire nous inquiéter tant elle révèle et cristallise des questions de société soulevées bien au-delà de ses frontières avec une acuité le plus souvent ignorée. La discorde fait en premier lieu ressurgir l’ancestrale distinction, qu’on croyait largement révolue, entre Etat et Nation. Le premier désigne une entité renvoyant à un ensemble organisé d’institutions politiques, économiques ou administratives régissant une communauté d’individus hétérogènes et soumis à une même législation. Dans son acception d’origine, la seconde traduit en revanche, le regroupement volontaire d’hommes et de femmes de même origine, historique, géographique, culturelle ou linguistique. « A l’Université, dans les Conciles, dans les foires, expliquent les historiens, les participants se regroupaient en « nations ». Contrairement à l’Allemagne ou à l’Italie, la France, comme l’on sait, a fait préexister l’Etat à la Nation, dogme célébré à l’époque révolutionnaire par la célèbre phrase de Stanislas de Clermont-Tonnerre: « Il faut tout refuser aux Juifs comme « nation » et tout accorder aux Juifs comme individus… ». A plus d’un titre, la confrontation entre Flamands et Wallons renvoie ainsi aux deux visions antagonistes sur l’Europe depuis sa création: une idée politique contre une pratique libérale, une mise en avant des structures contre une préférence pour une vaste zone de libre-échange.

La querelle linguistique prend, dans ces conditions, une tout autre dimension. Elle vient appuyer et nourrir une revendication identitaire, rendue plus pressante par le sentiment d’un lien social et affectif relâché, éclaté voire noyé dans l’immensité de la mondialisation. L’usage du Français peut utilement fournir aux élites un dernier maillon de résistance. Mais, n’en déplaise aux thuriféraires de la francophonie, la langue de Molière devrait, comme l’anglais, rechercher une clef d’ouverture sur le monde, et en particulier, celui des affaires plutôt que risquer un vain enkystement. Un peu à l’image du français au Liban où, selon plusieurs professeurs de collège de Beyrouth, un nombre croissant de jeunes Libanais refusent soudainement à l’adolescence tout apprentissage de la langue française, perçue « comme trop féminine par rapport aux gages de virilité offerts, selon eux, par la langue arabe ».

La sourde rivalité entre Flamands et Wallons pourrait même s’étendre à la ville de Bruxelles et revêtir demain la même connotation ethnico-religieuse que la cité de Jérusalem comme symbole de conquête et d’appartenance culturelle. Par surcroît, la réclamation d’autonomie régionale vient s’étayer sur d’implacables logiques financières: les Flamands, précise un article du « De Standaard » publié par « Courrier international », versent chaque année plus « de 10 milliards d’Euros à la Communauté francophone, soit 5% à 6% du PIB total de la Flandre, sans bénéficier d’une influence supplémentaire ni même recevoir de remerciements ». Faudra-t-il se résoudre à considérer la dispute belge comme une nouvelle illustration du dramatique conflit Nord/Sud?

« 54% des français se disent favorables au rattachement à l’hexagone des provinces francophones belges en cas d’éclatement de la Belgique », titrait récemment un hebdomadaire. Pour une Union Européenne anxieusement braquée, comme l’ONU il est vrai, sur le principe d’intangibilité des frontières, la perspective est cruelle. En ce sens, le cas belge représente un véritable test pour la puissance de cohésion et d’attraction régulièrement claironnée par l’UE. La fin d’une Belgique fondatrice du Traité de Rome pourrait tout autant donner le signal, vivement relayé par Paris, d’une redéfinition de la nature et des objectifs de la construction européenne.

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