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19 mai 2024

L’Edito du Psy- Nicolas Sarkozy et l’orientation des jeunes : qui « coache » qui ?

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jpg_bobine2008-60.jpgDans son discours du 29 septembre dernier sur « l’orientation professionnelle des jeunes », Nicolas Sarkozy a indirectement mentionné la caractéristique essentielle de cette période adolescente : la poursuite de « l’autonomie ». Rappelant « l’absurdité » d’avoir à « choisir sa vie à la suite d’un seul rendez-vous », le Président de la république a fait siennes les observations des spécialistes de cette classe d’âge : l’adolescence est un cataclysme qui entraîne tant de troublantes remises en cause que, dans les années qui suivent son surgissement, l’adolescent tâtonne, recherche, expérimente et s’essaie à de nouvelles identifications qui se substituent aux anciennes, souvent parentales. « Pas de choix définitif » a-t-il ainsi résumé, préconisant même un « droit » à remettre en cause une première orientation.

Parole d’autant plus heureuse que les nouvelles formes d’organisation du travail influencent différemment le déroulement des carrières : un jeune actif ne peut aujourd’hui ignorer qu’il s’apprête à changer de métier plusieurs fois dans sa vie en fonction des opportunités et des perspectives d’évolution. Finie la progression verticale au sein d’une même entreprise, place aux mutations latérales. L’adaptabilité remplace désormais l’expertise dans les critères qui valorisent l’individu.

Les recommandations élyséennes nous laissent toutefois sur notre faim. Si plusieurs milliers de jeunes abandonnent leur cursus en cours de première année, c’est, expliquent-ils la plupart du temps, « qu’ils se sont trompés ». « Ça ne nous plaisait pas », admettent-ils spontanément avant de méditer : « mais comment savoir lorsqu’on ne se connaît pas ? ». A écouter par exemple ceux et celles qui entrent à l’IUT de Nice Sophia-Antipolis, on entend systématiquement de leur part des récriminations adressées au système de l’orientation professionnelle dans les lycées : détermination quasi exclusive des sélections en fonction des relevés de notes, aucun échange tenant compte des histoires individuelles et des désirs susceptibles d’exprimer un choix de métier, voire, horresco referens, une « passion » ! On voit bien où le bât blesse : les personnels chargés de ces questions, comme tout être humain peu préparé à recevoir les « affects » d’un semblable, se retranchent derrière un document administratif, parfois un test, intangible vérité les sauvegardant de leurs propres émois. Rappelons ici une évidence : sans interprétation clinicienne, sans un échange humain nourri où la charge affective des mots vient colorer la grisaille des pourcentages, un test, parfois brandi comme un oracle infaillible de la machine, ne possède aucune valeur.

Ce n’est pas pour rien que la formation des futurs juges comprendra une dimension psychologique : l’affaire d’Outreau a montré les limites des compétences juridiques, fussent-elles brillantes, lorsqu’un humain se trouve déstabilisé par ses propres réminiscences dans un dossier traitant de sexualité infantile. Ceux dont la tâche délicate vise à orienter des jeunes de 17 ans, ne peuvent pas faire l’impasse chez leurs interlocuteurs d’un questionnement identitaire souvent douloureux et pourtant véritable clé de voûte de leur démarche professionnelle. Encore faut-il pour cela accepter sans crainte d’être « remué », « touché » par les propos de l’autre et d’y puiser une compréhension plus affinée de leur demande. Il ne s’agit certes pas de psychanalyser l’Education nationale…Eduquer reste un « métier aussi impossible que gouverner et psychanalyser » se plaisait à souligner Sigmund Freud.

Pour cette « jeunesse multiple », a expliqué le Président de la république à Avignon, aucun « kit d’autonomie » n’existe sur le marché. Surtout pas celui de l’argent contrairement à ce que semble croire l’Académie de Créteil qui propose, à titre « expérimental », de « rémunérer les classes de lycées professionnels pour lutter contre l’absentéisme ». Une belle pierre dans le jardin élyséen de la « nouvelle morale financière », si ardemment défendue lors des derniers sommets du G20 ! Prenons ainsi garde à ce que « l’orientation performante » souhaitée par le Président de la république ne devienne pas subrepticement une orientation de la seule « performance ».

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