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17 mai 2024

Les arrêtés anti-burkini et l’instrumentalisation du féminisme

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Les arrêtés anti-burkini pris par certains maires entrent en contradiction avec le principe de laïcité qu’ils prétendent défendre. Rappelons que la laïcité pose la liberté de conscience et garantit le libre exercice du culte et que la République respecte toutes les croyances. Rappelons également que si les signes ostensibles sont interdits dans les établissements scolaires et si la Burqa est interdite partout pour des raisons de sécurité, les signes ostensibles sont autorisés par la loi dans l’espace public, et donc également sur les plages. Se vêtir comme bon nous semble relève d’une liberté individuelle à laquelle il ne faut pas renoncer.

Ces arrêtés municipaux s’avèrent surtout inefficaces dans la lutte contre le fondamentalisme. Sans prétendre à une typologie précise et en se gardant bien de vouloir catégoriser les personnes, nous pouvons distinguer différentes motivations de port du voile, du burkini et, de manière générale, de signes religieux ostensibles :

  • Le port volontaire non revendicatoire : certaines personnes portent un signe religieux ostensible pour vivre en conformité avec leur foi. Qu’une femme libre, indépendante de toute contrainte, porte le vêtement de son choix, du moment qu’elle ne trouble pas l’ordre public et permet son identification, est son droit le plus strict. Nier ce droit et la verbaliser ne peut que générer chez elle un sentiment d’injustice, de rejet, voir la pousser à un repli communautaire. Nous ne pouvons, y compris au nom de la condition féminine, aller contre la liberté des femmes à se vêtir comme elles l’entendent, à ne pas dévoiler leur propre corps si elles ne le souhaitent pas.

  • Le port revendicatoire : d’autres personnes portent un signe ostensible de façon clairement revendicatoire, voire provocatrice. Il s’agit pour elles d’affirmer leur identité et de mener un combat politique pour leur cause. Or l’interdit ne fait que nourrir la revendication : interdire, c’est permette aux provocateurs de se dire stigmatisés et victimes de discriminations et c’est leur donner des arguments pour convaincre d’autres personnes de les rejoindre. La loi interdisant la burqa a généré un important port revendicatoire de ce vêtement après sa promulgation. De même il semble que la vente de burkinis augmente significativement depuis la polémique…

  • Le port par contrainte : si des femmes portent un signe ostensible sous la contrainte de leur entourage, la verbalisation est alors une double peine. Elles sont victimes d’une domination oppressive leur imposant un comportement et une tenue vestimentaire et, au lieu de leur permettre de s’émanciper de cette domination, nous les sanctionnons en retour. Lorsque nous sommes confrontés à des violences conjugales ou à des dérives sectaires nous faisons tout pour permettre aux victimes de s’en extraire par un accompagnement et, si nécessaire, par des mesures de protection. Pourquoi dans le cadre d’une oppression privant des femmes de leur liberté de se vêtir et de se comporter comme elles le souhaitent, il faudrait verbaliser les victimes et laisser impunis leurs oppresseurs ? Comment peut-on, au nom de la condition féminine, verbaliser des femmes victimes d’oppression ?

On le voit, les arrêtés anti-burkini sont contre productifs : ils ne permettent pas de lutter efficacement contre la progression du fondamentalisme en France et favorisent le repli communautaire. Mais, au détour de ces polémiques, c’est le combat féministe lui-même qui se trouve instrumentalisé. Se contentant d’affirmer que le burkini est une atteinte à la condition féminine on ne cherche pas à aider les femmes en question. Dans les cas de port volontaire de signes ostensibles, tout comme certains veulent faire le bonheur du peuple malgré lui, on déciderait ici de la dignité des femmes malgré elles. Dans le cas du port de signes ostensibles par contrainte, on inflige une double peine à la victime sans jamais inquiéter l’oppresseur. Mais ce n’est pas bien grave, du moment qu’on prétend agir pour la condition féminine…

par David Nakache, président du collectif Tous Citoyens

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