Rouge et jaune. Au Vieux Nice, l’union des couleurs s’est toujours faite ainsi à l’image des façades du quartier. Et pourtant, depuis déjà quelques années, leurs consoeurs de l’arc-en-ciel ont aussi fait parti du mariage. Quoiqu’on en pense, Rose, mauve, violet et vert filent le parfait amour avec jaune et rouge. Sur un petit coin en bas des vitrines, ou sur les brochures près des pas de portes de magasins, elles se couplent discrètement mais visiblement sous l’oeil de leurs propriétaires homosexuels. Au premier abord, ça peut surprendre. Et puis, les voisins et badauds se font à ce petit drapeau, symbole de la communauté homosexuelle.
» Je suis dans la rue des gays. C’est un état de fait. Mais, je n’ai jamais cherché le regroupement, » explique Philippe Ferrandis, propriétaire du Rendez-vous underwear, la boutique de lingerie pour homme, rue Francis Gallo. Chaque matin, ce commerçant ouvre les portes de son magasin en saluant ses confrères, adeptes de la même préférence sexuelle. Drôle de scénario ! Et pourtant, c’est une réalité. En plus de son magasin, la rue regroupe un salon de coiffure, une boutique de vêtements, et dans le croisement, rue Colonna d’Istria, une boîte de lesbiennes. Tous, signés de l’empreinte gay.
« Avant d’être une rue gay, c’est un coin branché, raconte Luc Carrolo, ici, la clientèle est mixte et personne ne souhaite en faire un petit marais. » Un son de cloche qui résonne partout dans la rue comme si finalement son particularisme revendiqué n’avait jamais existé. Pour Philippe Ferrandis, tabler sur une clientèle variée est une évidence commerciale. Il concède d’ailleurs : « Aujourd’hui, il n’y a plus de look gay, ni d’avant-gardisme homo. Il y a des looks particuliers et branchés. Et les hétéros en sont pour quelque chose. Mon magasin, par exemple, possède une clientèle majoritairement hétéro. »
Des boutiques au style gay et à la clientèle hétéro, voilà un renversement de situation. On finirait par croire que cette préférence sexuelle, n’a jamais posé problème. En tout cas, l’époque où l’homosexualité rimait avec hérésie est bien révolue. A l’agence immobilière rue Raoul Bosio, même si on refuse de donner son nom, le fait d’être entouré par des bars homosexuels ne pose aucun problème. « On a jamais eu de litige avec nos voisins. Les propriétaires sont même très sympathiques », lance la secrétaire.
Alors, même si tout semble se passer pour le mieux et dans le meilleur des mondes, ce regroupement ou cette volonté d’afficher une sexualité à son commerce fait réfléchir. Du reste, un petit fascicule rose répertoriant tous les commerces gay de Nice circule dans les forums de promotion de la culture homo, incitant bien évidemment le déplacement en cas de séjour sur la Côte d’Azur. Il y a donc de quoi décourager les vrais républicains s’acharnant à obtenir un traitement égalitaire pour toutes les différences, préférences et attirances sexuelles incluses, plus nombreuses encore que les couleurs de l’arc-en-ciel.
