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15 mai 2024

La laïcité face à l’Islam d’Olivier Roy

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Un « hadith », un des nombreux « dits » du Prophète Mahomet, l’affirme : « L’homme est l’ennemi de ce qu’il ignore ». On s’inspirera donc de cette invite d’essence toute platonicienne, pour plonger sans retenue dans les eaux profondes de la réflexion avec l’ouvrage d’Olivier Roy, « La laïcité face à l’islam ».

Numeriser0013.jpg Dès son introduction, l’auteur voudrait nous faire partager son malaise sur les « attaques en règle » dont les Musulmans feraient, selon lui, l’objet. Au point de favoriser dans l’opinion publique l’idée d’un « danger islamique », présenté comme une menace frontale à l’identité française. Et l’auteur d’engager une analyse sur la laïcité, en passant ce concept au tamis de la politique, du droit, de la philosophie et de l’histoire pour aboutir in fine à cette conclusion : forgée dans la polémique, « enfant du divorce de l’Etat et de l’Eglise », le premier cherchant à dégager la société de l’influence de la seconde, la laïcité ne peut se définir que « par le négatif ». Elle ne saurait remplacer le discours religieux « par une « nouvelle éthique » ou pire une nouvelle « idéologie ». Impossible, inutile même, dans ces conditions et selon l’auteur, de chercher à l’opposer à l’Islam. Certains des arguments d’Olivier Roy parviennent à forcer notre conviction. C’est notamment le cas lorsqu’il évoque la crise identitaire de la société française révélée – « en miroir », nous dit l’auteur – par une éventuelle communautarisation du pays qui serait évidemment favorable à la religion musulmane. Son attirance manifeste pour l’expérience anglo-saxonne ou nordique du communautarisme ne se tempère toutefois pas des déconvenues sur le modèle en question, exprimées par ces pays dans le rapport de la Commission Stasi sur la laïcité.

Nous pourrions également faire nôtre le constat qu’il dresse d’un large éventail des critères – donc discutable – de la laïcité, même si c’est oublier un peu vite l’acception généralement admise par les défenseurs du concept : juxtaposition de toutes les religions sans qu’aucune d’entre elles ne puisse prendre une place prééminente dans l’Etat républicain au point de remettre en cause ses principes fondamentaux. Dans ce dernier point réside peut-être une clef susceptible d’aider à mieux saisir les perceptions ambivalentes de l’Islam. Mais Olivier Roy feint de l’ignorer lorsqu’il conteste les liens susceptibles de nouer l’Islam moyen-oriental et la transposition de son influence dans les banlieues. Les animateurs du « bus d’amitié judéo-musulmane », récemment à Nice, en ont pourtant donné de nombreux exemples. L’un d’entre eux a évoqué les « deux France », celle des provinces où les participants furent généralement bien accueillis et celle de « l’Ile de France et de Paris » où ils rencontrèrent davantage une haine calquée sur l’antagonisme entre Juifs et Arabes du Proche-Orient. L’auteur abuserait presque de notre naïveté au point d’affirmer que c’est la « conscience du croyant » qui lui dicte ce qui appartient respectivement à la sphère religieuse et à la sphère politique. La conscience religieuse au-dessus de la loi ? Il est tout aussi difficile de le suivre sur une autre voie : celle qui l’amène à expliquer que l’Islam a « quitté » le Moyen-Orient en raison de régimes politiques laïcs (Tunisie, Egypte, Syrie ou Algérie..) qui font obstacle à la démocratie parce « qu’éloignés du Coran ». Pas un mot dans ce passage sur l’Iran ou l’Arabie saoudite. Olivier Roy mentionne enfin, comme autant de « preuves » possibles d’un Islam moderne, laïc et réformiste, l’école des « Mutazilites » et la pensée de l’ « Ijtihad » (Interprétation). Si les premiers ont effectivement cherché à ébranler les dogmes islamiques au IXème siècle, les partisans de cette école de pensée n’ont pas hésité à utiliser des méthodes brutales, créant notamment une forme d’inquisition (la « Mihna » inaugurée en 833) avant de disparaître à leur tour victime d’un retour en force des fondamentalistes. Quant à l’« Ijtihad » qui autorise une interprétation des textes coraniques, destinée à en faciliter l’usage au quotidien par les fidèles, cette « tentative de ré-appropriation du Coran par les plus jeunes », selon l’anthropologue Malek Chebel, semble se heurter à un « obscurantisme » de l’extérieur, dénoncé avec vigueur par le Recteur de la Mosquée de Paris. Elle n’a, semble-t-il, pas permis à l’Islam de dépasser, depuis la fin de son âge d’or, la « panne critique » évoquée, ailleurs, par Régis Debray.

On ne sait s’il faut le regretter ou s’en plaindre pour celui qui inspira, maître incontesté, des générations d’étudiants, dont l’auteur de ces lignes. Mais à force de vouloir défendre et de convaincre à tout prix, la pensée, habituellement si brillante d’Olivier Roy, donne cette fois-ci le sentiment de perdre de son acuité en devenant quelque peu prisonnière de son objet d’étude.

Olivier Roy, La laïcité face à l’Islam, Coll. Pluriel, Hachette Littératures, 2006, 172 p., 7, 50 Euros

Jean-Luc Vannier
Psychanalyste

Jlvannier@free.fr

06 16 52 55 20

Auteur/autrice

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