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29 avril 2024

Une Catherine Fradier « David » contre un Opus Dei « Goliath »

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fradier-opus-dei.jpg Opus Dei, « Œuvre de Dieu » en latin, fondée en 1928 par un prêtre ibérique Josémaria Escriva de Balaguer avait déjà été épinglé par le fameux roman de Dan Brown « Da Vinci Code » mais le mouvement traditionaliste catholique avait, à l’époque et sans doute par connaissance de la puissance de l’adversaire, finalement décidé de ne pas porter plainte préférant plutôt une vaste campagne de communication et d’information sur le Christ et l’Eglise. Mais cette fois, c’est bien dans le camp juridique que l’Opus Dei a placé une balle qui pourrait bien « trouer » une jurisprudence préjudiciable à la liberté d’expression, tout au moins aux livres portant atteinte à cette association critiquée par d’anciens membres et par certains hommes d’église.

Catherine Fradier, qui connaît bien la Côte d’Azur au sein de laquelle se déroule l’action de l’un de ses meilleurs ouvrages « La colère des enfants déchus » n’en revient pas de cette action en justice : « On m’accuse de complicité, c’est marrant pour une ancienne flic. ».

Le dilemme est posé et un mouvement s’est créé face à cette action en justice d’un Opus Dei, répertorié par la Commission Parlementaire Belge comme une secte mais ne jouant pas dans cette même catégorie en France n’étant pas classifié comme un mouvement de type sectaire. Les sommes demandées à une jeune maison d’édition rendent encore un peu plus ridicule cette initiative totalement disproportionnée contre un roman stipulant bien qu’il s’agit d’une fiction.

fradier-camino.jpg « Mon premier polar, Un Poison nommé Rwanda traite du génocide rwandais et de l’implication des militaires français dans ce génocide. Ce livre est étudié dans les lycées, et à travers cette histoire, les jeunes comprennent ce qui s’est passé au Rwanda. Nous sommes les passeurs des histoires du monde dans lequel on vit » Catherine Fradier est amère mais celle qui a été l’une des premières femmes à travailler en brigade de nuit dans la police en a vu d’autres et elle espère bien venir à bout de cette histoire qu’elle n’a pas écrite mais dont elle voudrait bien signer la fin. Certes, cette fin ne justifie pas des moyens qui font justement défaut et à ce titre l’auteur et la maison d’édition ont lancé une souscription pour faire face à des frais de justice plutôt malvenus.

Alors, diffamation ou fiction ? Accusation ou investigation ? La justice française se trouve une fois de plus devant un sujet épineux qui fera certainement couler une encre aussi noire que le thème de leurs auteurs.

INTERVIEW DE CATHERINE FRADIER

Nice Premium : Catherine Fradier, l’Opus Dei vous attaque en justice pour votre dernier roman CAMINO 999. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Catherine Fradier : Mon éditeur et moi-même sommes poursuivis pour diffamation. Jean-Jacques Reboux comme auteur principal et moi comme complice.
Complice… pour un ancien flic, ce terme a une drôle de résonnance.

NP : Qu’est-ce qui est reproché à votre publication ?

On me reproche entre autre d’avoir mêlé la réalité à la fiction sans précaution particulière. Si la précaution est de signaler en bas de page le vrai du faux, je ne vous raconte pas la gueule des prochains polars si nous devions perdre…

NP : Cette assignation, si elle faisait jurisprudence, ne pourrait-elle pas menacer de nombreux écrivains à l’avenir ?

CF : Oui, bien sûr. Depuis les débuts de l’histoire du roman noir, les auteurs mêlent la réalité à la fiction. C’est notre façon d’écrire. L’auteur de roman noir pointe du doigt les dysfonctionnements de notre société, on va là où ça ne sent pas très bon. Derrière chaque roman, il y a un énorme travail de recherche, d’investigation, d’analyse.

Sur Camino, j’ai été très vigilante dans la manière de traiter mon histoire. J’ai lu et relu les ouvrages de références. Mais j’ai été attaquée là où je ne m’attendais pas.

Mon premier polar, Un Poison nommé Rwanda traite du génocide rwandais et de l’implication des militaires français dans ce génocide. Ce livre est étudié dans les lycées, et à travers cette histoire, les jeunes comprennent ce qui s’est passé au Rwanda. Nous sommes les passeurs des histoires du monde dans lequel on vit.
Si l’Etat français avait réagi comme l’Opus Dei, il m’aurait également poursuivi.

NP : L’Opus Dei contre une petite maison d’édition. C’est David contre Goliath non ?

CF : On ne m’enlèvera pas de l’idée que cette puissante organisation nous a choisis, nous, parce que nous sommes des « petits ». Après la Lune, petite maison d’édition. Catherine Fradier, un auteur qui n’a pas la notoriété d’une Vargas ou d’un Daëninckx. Nous sommes des cibles faciles, avec des moyens de défense très limités et si nous perdons le procès, cela fera jurisprudence, et plus aucun auteur ne pourra écrire une fiction impliquant cette organisation.

NP : Quelle sont les actions que vous avez entreprises pour faire face à cette attaque ?

CF : Nous avons un avocat, le meilleur pour ce type d’affaires. Et surtout, nous ne sommes pas seuls. Nous faisons partie d’une grande famille et derrière nous, il y a les auteurs, les lecteurs, et tous ceux qui pensent qu’on ne doit pas porter atteinte à la liberté d’expression.

C’est extraordinaire la mobilisation qui est en train de voir le jour. Tout le monde se sent concerné et c’est un vrai soulagement que de le savoir.

Seuls, Jean-Jacques et moi, on ne faisait pas le poids face à cette énorme machine de guerre.

NP : Enfin, que répondez-vous personnellement à cette accusation ?

CF : Je réponds que je ne comprends pas parce que ça remet en question tout mon travail.

Je travaille actuellement sur les multinationales des pesticides et des OGM.
Je remonte à l’agent orange qui a été massivement répandu sur tout le territoire vietnamien dans les années 60. Je vais citer les multinationales qui ont fabriqué cet agent. Je vais mêler la fiction à la réalité. Dois-je m’attendre à ce que Monsanto m’assigne devant le TGI de Paris pour diffamation ?

Je me pose sérieusement la question.

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