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4 mai 2024

Rusalka à l’Opéra de Nice : fin de saison en queue de poisson pour une petite sirène !

jpg__DSC1693ok2.jpg Inspirée du célèbre conte « La Petite Sirène » d’Hans Christian Andersen (1837), Rusalka du compositeur tchèque Anton Dvorak connut à sa création au Théâtre national de Prague le 31 mars 1901, un succès immédiat : rien d’étonnant lorsqu’on sait que cette histoire d’amour malheureux entre deux mondes, née de légendes moyenâgeuses, traversa la Renaissance avant de nourrir l’imaginaire de nombreux artistes, chorégraphes et musiciens du XIXème siècle, tous animés par l’épopée romantique qui redécouvre les merveilles du fantastique. Qu’on en juge : Karl Friedriech Hensler avec « Das Donauweibchen » créé en février 1798 à Vienne, « La Rusalka du Dniepr » de Nikolaï Krasnopolski et Stéphan Davidov en 1805, « L’Ondine » de La Motte-Fouqué, jouée au Schauspielhaus de Berlin en 1816, suivie d’une nouvelle « Rusalka » de Pouchkine en 1819, d’une autre « Ondine » mise en scène au Théâtre national de Magdebourg en avril 1845, encore revisitée par une « Rusalka » russe du compositeur Dargomyjsky interprétée au Théâtre-Cirque de Saint Pétersbourg en mai 1856. Mendelssohn s’en inspirera dans son opéra de 1863 puis Wagner dans ses « Filles du Rhin ». Rimski-Korsakov fera vivre sa « Rusalka » dans la « Nuit de mai » au Théâtre Mariinsky en 1880 tandis que Charles Gounod fera surgir des « eaux du Rhône, les Trèves et autres filles mortes » dans « Mireille » de 1864. Autant dire que les interprétations de cette œuvre n’ont pas manqué.

Natalia Ushakova (Rusalka)
Natalia Ushakova (Rusalka)
D’où, a priori, la curiosité bienveillante pour le choix audacieux d’une mise en scène complètement rénovée et d’une dramaturgie originale sur lesquelles Marion Wasserman s’explique dans une note d’intention : « regarder l’histoire de « Rusalka » à travers les yeux du Prince, personnage principal…inspiré de la vie de Louis II de Bavière, roi amoureux du rêve et du fantastique, lié à la lune et à la nuit…mal être de roi et d’homme social, son besoin de solitude, son ambiguïté sexuelle et sa folie ». Pari intéressant mais risqué. Et qui aurait pu être gagné si cette Lauréate du Premier Prix du Concours international de Mise en scène Ring Award 2003 à Freiburg pour son projet sur les « Contes d’Hoffmann », était allée, si l’on ose dire, jusqu’au bout de son désir. Et si elle avait complètement transposé l’ensemble de cette œuvre dans son univers onirique.

Au lieu de cela, Marion Wasserman donne le sentiment d’avoir constamment hésité entre réalisme et symbolisme, entre classicisme et modernité, entre provocation scénique et scrupuleux respect du livret : à certains moments, sa mise en scène suggère, à d’autres, elle s’impose lourdement ballotant un spectateur jusqu’à l’abandon entre incompréhension et perte des repères dramatiques. Malgré la césure d’un décor dissociatif -le palais et l’au-delà du miroir- susceptible d’exciter une certaine créativité, cette ambivalence dramaturgique a également eu pour fâcheuse conséquence de transformer le plateau en no man’s land, désorientant des artistes contraints à d’ennuyeuses répétitions ou mimétismes scéniques.

Denisa Hamarova (Jezibaba)
Denisa Hamarova (Jezibaba)
Faut-il également incriminer la mise en scène pour les piètres qualités vocales des artistes lyriques ? Toujours est-il que les deux rôles titres n’étaient pas en mesure de susciter -une litote- le moindre enthousiasme : dans son interprétation de « Rusalka », la soprano Nathalia Ushakova est pratiquement inaudible d’un bout à l’autre des trois actes, sauf lorsqu’elle crie ses notes hautes. Face à elle, le ténor russe Vsevolod Grivnov est bien à la peine : coincé dans un rôle de dépressif et de refoulé homosexuel qu’il n’intègre pas, outre son visage faussement attristé qui en fait un redoutable sosie de Régis Laspalès, son mince filet vocal ajoute à sa souffrance générale. Et à la nôtre ! Comme souvent, ce sont les seconds rôles qui rehaussent la bonne tenue de la performance : la Basse arménienne Arutjun Kotchinian offre des graves stables et réguliers tandis que la Mezzo Soprano Denisa Hamarova interprète avec une solide conviction le double rôle de la sorcière Jezibaba et de la princesse étrangère. Une mention spéciale pour le musclor de service, le Baryton basse Adam Plachetka et la charmante soubrette qui ne s’en laisse pas conter, la Mezzo Soprano Juliette Mars. Signalons, pour être juste, l’excellente prestation lyrique et scénique des trois nymphes qui jouent, dansent et chantent, par surcroît, confortablement : Claudia Sorokina, Patricia Fernandez et Christina Greco. Les Chœurs bien maîtrisés de l’Opéra de Nice n’étaient pas de trop pour sauver l’ensemble.

Heureusement, la beauté musicale de la partition est finement restituée par l’Orchestre philharmonique de Nice, fort harmonieusement placé sous la direction de Claude Schnitzler, chef à l’imperturbable sourire malicieux, malgré tant de déconvenues.

Photos: Dominique Jaussein

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