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29 avril 2024

L’occidentalisme: une brève histoire de la guerre contre l’occident

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breve_histoire_de_la_guerre.jpg Les mots qui se terminent en « isme » ont la vie dure. Concepts aux significations parfois bâtardes, ils servent souvent à pointer des incompréhensions, à masquer des idées reçues tout en se prêtant aux généralisations excessives. Matérialisme, intégrisme, mondialisme obstruent la clairvoyance de la pensée et renvoient à ce que le politologue américain Robert Dahl nommait dans sa théorie des élites, une « régression infinie d’explications ». En somme, un aveu d’impuissance à saisir un phénomène. Il fallait bien deux auteurs reconnus mais aux horizons culturels éloignés l’un de l’autre ainsi que la complicité de la collection « Climats » chez Flammarion pour tenter l’aventure et créer un nouveau venu : l’occidentalisme. Sans prendre pour unique référence l’orientalisme du regretté écrivain palestinien Edward Saïd, les deux auteurs dépassent fort heureusement le point où tous leurs détracteurs éventuels les attendaient au tournant : L’occidentalisme ne se construit pas en seule opposition à l’islamisme. Et si aujourd’hui certaines régions du Proche et du Moyen-Orient concentrent la haine de la modernité occidentale, la « représentation déshumanisée qu’en donnent ses ennemis » selon la définition du concept par les auteurs a existé bien au-delà de cette partie du monde. C’est même en Europe qu’il convient d’en découvrir les racines. La « ville occidentale » constitue le berceau d’où grandira le rejet d’une civilisation dont elle demeure la vitrine. Le poète Juvénal n’expliquait-il pas dans ses satires consacrées à la Rome antique : « Que puis-je faire à Rome ? Je n’ai jamais appris à mentir ». L’argent, la corruption politique, les mœurs dissolues demeurent aujourd’hui encore la cible privilégiée de ceux qui vouent l’Occident aux Gémonies. Bien avant les diatribes d’Oussama Ben Laden « justifiant » la destruction des tours new-yorkaises du World Trade Center, les capitales européennes ont souvent été perçues comme d’authentiques lieux de perdition. Les pieds-noirs d’Algérie ne disaient-ils couramment d’une femme de mauvaise vie qu’elle « faisait métropole » ? Un vaste mouvement culturel japonais n’appelait-il pas en 1942 à se débarrasser de la modernité occidentale qui « avait rompu l’unité de la spiritualité orientale ? ». L’anti-américanisme associé à ce mouvement du refus de la « civilisation machine » a, semble-t-il, inspiré l’inventeur de l’expression du « troisième Reich » nazi. C’est au sein de ces cités mégapoles que naissent les idées qui « minent » les valeurs traditionnelles. Le concept de « Konfortismus » d’un auteur allemand de 1942 qui dénonce la mentalité d’une bourgeoisie uniquement attachée à son bien-être matériel fut repris dans les années soixante par un intellectuel iranien qui en forgea le terme « intoxident », l’influence pernicieuse des idées occidentales. Les auteurs auraient tout aussi bien pu emprunter à l’histoire contemporaine d’autres exemples : le complexe ancestral de la Russie vis-à-vis de l’Occident ne trouve-t-il pas quelque étonnant prolongement dans la rhétorique de Vladimir Poutine à l’égard de l’Ouest ? Le mouvement des altermondialistes ne prend-il pas appui sur la dénonciation de certaines formes de modernité économique ? C’est pourtant un pur esprit des Lumières, Voltaire, qui tenait en 1726 le commerce – forme ancienne du libéralisme – pour la condition de la liberté et d’accomplissement de la démocratie. Admirateur de la Bourse de commerce de Londres, il explique non sans humour que « juifs, mahométans et chrétiens négocient comme s’ils étaient de même confession et que le terme d’infidèle n’est donné qu’à ceux qui font banqueroute ».

Ian Buruma & Avishai Margalit, L’occidentalisme, Une brève histoire de la guerre contre l’occident, Editions Climats (Flammarion), 2006, 161 p., 16 Euros.

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