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4 mai 2024

Roger Cukierman, ex-président du CRIF : « Sarkozy m’a déçu en politique étrangère ».

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Son âge et son expérience n’ôtent rien à la vigueur de ses propos. Roger Cukierman tient ainsi son auditoire en haleine en racontant avec force détails comment, de l’Elysée à Matignon en passant par le CSA, il est parvenu à mobiliser les plus hautes instances de la République française afin de faire interdire dans l’hexagone la diffusion de « Al Manar », la chaîne libanaise de télévision du hezbollah. En dépit de la gravité des différents sujets abordés au cours de sa conférence-dédicace, l’ancien président du Groupe Edmond de Rothschild n’en conserve pas moins une bonne dose d’humour. Forcément juif. A l’issue de sa présentation, une intervenante l’interpelle et décline une série d’actions élogieuses accomplies lorsqu’il était à la tête du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France. L’intéressé ponctue sans rire : « je regrette que ma belle mère ne puisse pas vous entendre ! ».

Roger Cukierman et Alain Belhassen (Pdt du Crif Sud-Est)
Roger Cukierman et Alain Belhassen (Pdt du Crif Sud-Est)

Venu à Nice pour dédicacer son ouvrage, l’auteur a connu la Baie des anges dans des circonstances autrement dramatiques : un départ précipité en 1943 de l’appartement du « 125 rue de France » pour échapper aux rafles nazies et un refuge trouvé chez les bonnes sœurs du Dom Bosco où il restera caché pendant un an. Le titre de son livre « Ni fiers, ni dominateurs » se veut une forme de réponse à la célèbre phrase du Général de Gaulle de 1967, un « amalgame incroyable entre juifs et israéliens » selon lui, qui n’empêcha pas une réorientation de la diplomatie française en faveur du monde arabe.

Réélu à la tête du CRIF pour un second mandat de trois ans en 2004 avec plus de 80% des suffrages, Roger Cukierman n’est pas un personnage qui a peur de son ombre. Son histoire, tragique comme beaucoup de ceux qui virent leur famille disparaître dans les camps d’extermination, lui donne probablement le goût et le tempérament de se battre. Son combat acharné contre l’antisémitisme en France n’est donc pas de pure circonstance et ne constitue pas un moyen destiné à récupérer quelques faveurs politiques. Loin des mémoires narcissiques, son livre porte le témoignage d’une action systématique autant qu’il place un curseur destiné à donner le « la » d’une vigilance en dessous duquel il invite ses successeurs à ne pas s’abaisser. Ainsi, lorsqu’il mène, au plus fort des actes antisémites de l’an 2000, une campagne active pour appeler l’attention des responsables politiques, il n’hésite pas à bousculer et les protocoles et les officiels. De gauche comme de droite Cela lui vaudra un appel « remonté » de Jacques Chirac avec lequel il débute le récit de son histoire.

jpg_livre_couvok.jpgS’il admire l’actuel Président de la république pour son esprit de rupture, il exprime toutefois ses craintes sur des évolutions qui conduisent, selon lui, « la France à devenir de plus en plus communautariste sur le modèle américain ». Dans son ouvrage, il mentionne également le fait que contrairement à son successeur, il n’aurait « pas eu l’audace » d’inviter le locataire de l’Elysée au dîner annuel du CRIF. L’homme se dit en effet « déçu de Nicolas Sarkozy en politique étrangère ». Et de préciser que le chef de l’Etat a commis, selon lui, « une erreur stratégique en accordant la respectabilité à des dictateurs comme Bachar El-Assad ». Peu importe qu’on lui fasse remarquer que les israéliens négocient en ce moment avec ce même dictateur, il tranche : « je ne vois pas ce que cela apporte » à cette négociation. Avant d’ajouter : « Il a tellement envie de peser sur les événements qu’il est capable d’aller voir Ahmadinejad ! ».

Si Rogier Cukierman se dit favorable à un accord de paix sur le Golan, il reste pessimiste sur les évolutions régionales : « Le hezbollah a mis la main sur le Liban où les chrétiens disparaissent au profit des chiites, de plus en plus puissants » assure-t-il. Quant aux possibilités de découpler Damas de Téhéran, il regrette que la France ait donné des gages de respectabilité « sans rien obtenir en échange. « Aujourd’hui, explique Rogier Cukierman, Nicolas Sarkozy n’a plus rien à offrir » à la Syrie. S’il soutient la candidature de Tzipi Livni au poste de premier ministre, la nouvelle donne de politique intérieure en Israël ne modifie pas son sentiment sur la menace iranienne : « je ne peux imaginer qu’un premier ministre responsable laisse les iraniens obtenir la bombe nucléaire ». « Et quelles qu’en puissent être les conséquences, conclut-il, le peuple israélien demeurera uni ».

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