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29 avril 2024

La dépression fait réunion publique à Nice

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chuft-2.jpg Nice Première : Professeur Pringuey, qu’est ce qu’une dépression et quels sont les divers stades de cette pathologie ?

Pr Pringuey : C’est la maladie du désespoir qui se caractérise par la durée anormale et la permanence douloureuse d’une souffrance du vivre quotidien. C’est un trouble de l’humeur, fonction relationnelle fondamentale. Il associe une tristesse pathologique avec pessimisme (perte « du moral »), un affaissement du tonus moteur et un ralentissement (perte de « la forme ») et une atteinte du fonctionnement corporel (perte de la « fraîcheur » corporelle). Ce trouble comporte un risque majeur de suicide.

On est retenu pas l’expression psychologique du désordre mais on doit rappeler que cette constellation de pertes se structure autour de l’atteinte de la « vitalité corporelle » : capacité à agir, à manger, à dormir, à habiter, à se détendre, récupérer, occuper son rang social, communiquer, rencontre l’autre,.. en fait capacité à créer, à inventer le quotidien.

On propose des critères « minimums » pour le diagnostic de dépression à savoir la persistance sur au moins 15 jours – c’est le plus souvent depuis bien plus longtemps – d’une humeur dépressive et/ou de la perte d’intérêt ou de plaisir, et 4 des symptômes suivants : Perte ou gain de poids, Insomnie ou hypersomnie, Agitation ou ralentissement, Fatigue ou perte d’énergie, Dévalorisation ou culpabilité, Difficultés de concentration, Idées suicidaires. Ces symptômes entraînent une souffrance ou une altération du fonctionnement habituel. Mais on ne peut parler de dépression si ces symptômes se manifestent sous l’effet de substances toxiques ou lors d’un deuil.

L’importance de la prise en charge tient à la signification du trouble qui est à la fois souffrance, catastrophe, faillite, crise de la Confiance, et en même temps et au plan existentiel, stratégie « limite » d’adaptation où elle pose un défi, et atteste de l’exigence de la créativité humaine. La dépression survient plutôt à certaines époques de la vie, plutôt chez certaines personnes fragiles, souvent à l’occasion d’un événement de vie traumatique précis.

NP : Quels sont les signes avant-coureurs de cette maladie ?

Pr Pringuey : Ils sont variables selon les patients et le trouble s’installe parfois très rapidement associant les trois séries symptomatiques : fléchissement du moral, méforme, fatigue anxiété et souci, insomnie, perte de l’appétit, perte de poids ou au contraire prise de poids, irritabilité etc…. Ils sont particulièrement liés à la situation de vie du patient que la dépression « cristallise » en quelque sorte. Le début d’une récidive se manifeste souvent par un symptôme « signal » identique : insomnie ou pensées anxieuses, ou encore doutes obsédants, ou asthénie inexpliquée….par exemple.

NP : Quels sont les soins proposés pour traiter l’état dépressif ?

Pr Pringuey : La prise en charge est codifiée par « les bonnes pratiques cliniques » qui définissent une stratégie adaptée au patient, au type de dépression, aux risques de suicide ou de résistance aux traitements, aux problèmes de santé assez fréquemment associés.

Sur la base d’une alliance thérapeutique à construire ensemble, le traitement comporte « en trithérapie » (1) un support relationnel : psychothérapie de soutien, voire thérapie cognitive-comportementale ou thérapie de l’identité, (2) une pharmacothérapie : la prescription d’un médicament antidépresseur accompagné selon les besoins d’anxiolytique et d’hypnotique et (3) de mesures thérapiques corporelles diverses et adaptées au patient, à son âge, et au type de dépression. Elles visent à restaurer le rôle de lien des fonctions corporelles dans leur articulation avec l’environnement.

Comme recours en cas d’échec nous disposons de schémas de changement de médications puis, et dans les cas sévères, de l’électrochoc (sismothérapie) ou de la privation partielle de sommeil, et bientôt de la stimulation magnétique trans-crânienne…qui reste à l’étude.

NP : Pourquoi avoir organisé une réunion publique ce vendredi à l’hôpital Pasteur ?

Pr Pringuey : Nous sommes particulièrement désireux de répondre à la demande de France-Dépression association soutenue par notre collègue parisien le Dr Christian Gay. Celui-ci accomplit, dans le domaine de la psycho-éducation des troubles de l’humeur, une oeuvre missionnaire et nous sommes convaincus qu’expliquer aux gens leur souffrance peut avoir un impact thérapeutique sensible.

NP : Quels sont les chiffres de la dépression en France ?

Pr Pringuey : La prévalence de la dépression en France est évaluée à 9,1 % sur 6 mois (1) et monte dans certaines études jusqu’à 19% sur la vie entière. Elle est deux fois plus fréquente chez les femmes (H : 10,7% F : 22,4%) La maladie est le plus souvent récurrente, les récidives dépressives d’épisode dépressif majeur se situent entre 50 à 85 %.

La gravité de la dépression tient au risque de suicide : 30 à 50 % des suicides (12 000/an en France) sont attribuables à la dépression. Cette gravité tient aussi au risque de résistance thérapeutique et de chronicisation, et au rajeunissement de l’âge de début. La dépression est la 4ème cause de morbidité/mortalité en DALYs (indices de qualité de vie) et deviendra selon l’OMS la 2ème cause en 2020.

NP : Que conseilleriez-vous à un patient ou à un proche d’un patient souffrant de dépression ?

Pr Pringuey : De consulter son médecin traitant le plus tôt dans un premier temps et de suivre ses prescriptions. Il peut également souhaiter avoir recours d’emblée au psychiatre mais les délais pour obtenir des rendez-vous sont de plus en plus longs du fait de l’évolution des restrictions appliquées à la profession et il ne faut pas tarder.

NP : Enfin, comment imaginez-vous l’avenir du traitement contre l’état dépressif en France ?

Pr Pringuey : Je forme le vœu que notre dispositif psychiatrique à la française – qui peut être considéré comme unique au monde dans l’excellence d’une disponibilité que confère la règle de proximité sectorielle – perdure et épaule efficacement les soins de premier recours qu’assument parfaitement les médecins généralistes. Sans doute aussi disposerons nous de techniques plus performantes et moins gênantes. Nous devons surtout nous engager plus clairement sur les voies de la psycho-éducation, sujet que nous allons développer Vendredi avec la plus grande précision.

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