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15 mai 2024

L’Edito du Psy – Remise des « Mediterranean Journalist Award 2009 » à Monaco : informer, du relativisme à l’éveil des consciences

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jpg_bobine2008-64.jpg« Entre dix heures de reportage et 140 mots sur Twitter, toujours dire la vérité ». Mais quelle vérité ? Une question à laquelle les cinq jeunes journalistes récompensés, ce jeudi 5 novembre à Monaco, par le « Mediterranean Journalist Award 2009 » de la Fondation Anna Lindh ont répondu chacun à leur manière. Histoire de rappeler aux invités que le journalisme demeure avant tout une activité humaine.

Lauréats 2009, Ethar El Katatney (Egypte), Ennio Remondino (Italie), Martin Traxl (Autriche), Chine Labbé (France), Alberto Arce (Espagne) et Lisa Goldman (Israël) étaient réunis par la « Monaco Méditerranée Foundation », organisme désigné par S.A.S. le Prince Albert II pour diriger le réseau monégasque de cette Fondation, du nom de la Ministre suédoise assassinée en 2003, et en charge de coordonner « un réseau de réseaux nationaux » des pays du pourtour méditerranéen. Ces derniers fédèrent à leur tour « plusieurs centaines d’organisations civiles et institutionnelles ». Avec une seule finalité : promouvoir le « dialogue entre les cultures et le respect de la diversité ».

Que peut effectivement le journaliste dans la « promotion de la diversité, du dialogue, de la culture de la paix dans la région euro-méditerranéenne », s’interrogeaient en préambule de cette rencontre Andreu Claret, Directeur exécutif de la Fondation Anna Lindh et son collègue Jean Réveillon, Directeur général de l’Union Européenne de la Radio-Télévision ? Une tâche des plus incertaines pour cette institution censée œuvrer dans le contexte fragile du processus politique de Barcelone lancé en 1995 et renforcé, en 2008, par le lancement de l’Union Pour la Méditerranée. Habilement cantonnée à des projets ad hoc, cette dernière n’est toutefois pas encore parvenue à dépasser les tensions dues au conflit israélo-palestinien.

Suffit-il alors, comme l’a recommandé la journaliste égyptienne et membre du jury Hala Hashish, d’être « objectif » et de « constater les faits » ? Ce serait oublier une loi immuable des sciences sociales selon laquelle observer -et rapporter- l’événement n’est pas sans effets sur l’événement lui-même. La révolte de Tian’anmen n’a-t-elle pas été déclenchée par la présence de centaines de journalistes invités à Pékin pour une autre raison ? La directrice égyptienne des stations de télévision par satellite peut certes nier « l’existence de difficultés de la population arabe à avoir accès à l’information ». Une affirmation singulièrement questionnée par plusieurs articles récents publiés dans « Courrier international »: celui de Noha Atef dans « Al-Mustaqbal » de Beyrouth ou celui sur « L’obsession des services égyptiens de sécurité à l’égard des Juifs du Maroc » de Magdi Khalil paru dans « Elaph ». « Elaph », notons le au passage, premier webzine en langue arabe lui aussi récompensé d’une « mention spéciale » par le jury de la Fondation Anna Lindh.

Un souci d’objectivité que l’Israélienne Lisa Goldman et l’Espagnol Alberto Arce ont plus librement interprété à propos de leurs « papiers » sur les opérations de Tsahal à Gaza : la première a vécu le « fossé entre les perceptions opposées de ce conflit », explicitant son sentiment d’être « partagée entre ses amitiés palestiniennes et son appartenance à la société israélienne ». « J’ai dû décider », explique-t-elle en assumant les conséquences sur son proche entourage de ses réflexions critiques portant sur la « nature de la couverture médiatique, dans son pays, des opérations israéliennes à Gaza ».

Figurant parmi les rares journalistes présents sur le terrain pendant ce conflit, le second s’est retrouvé « coincé entre deux propagandes ». Au point de s’enorgueillir « d’avoir été expulsé par le Hamas et considéré comme une menace par les services israéliens de sécurité » : « un indicateur possible que je fais bien mon métier », exulte-t-il. Illustrant son propos par l’exemple du bombardement d’un hôpital à Gaza, qu’il a qualifié de « crime de guerre », Alberto Arce a précisé que « les combattants du Hamas entreposaient du matériel militaire dans l’enceinte médicale et ce, malgré les injonctions du personnel hospitalier de quitter les lieux ». « Mettez tout cela en deux cents mots, en moins de deux heures », a-t-il lancé à l’assistance en guise de leçon sur les défis du journalisme. Peut-on en effet évoquer l’actualité immédiate -la lutte à mort entre le Hamas et Israël- sans l’inscrire dans la genèse du conflit, la création de l’Etat d’Israël et sa terrible raison fondatrice, la Shoah?

Le journaliste « doit-il aussi être diplomate », questionnait un étudiant de science politique ? Réponse toute britannique de David Gardner du « Financial Times » pour lequel le correspond doit « représenter le pays et la société » dont il est issu « sans devenir pour autant un Ambassadeur ». Marge considérable d’appréciation à une époque où les reporters -tout comme les hommes d’affaires- devancent souvent le contenu des télégrammes diplomatiques. Doit-il « aussi donner des réponses », a demandé un autre ? « Ce n’est pas le rôle du journaliste », ont répondu en cœur Lisa Goldman et Hala Hashish. « Son rôle consiste plutôt à poser des questions », a ironisé David Gardner.

Si l’on peut regretter l’absence d’une réflexion plus approfondie portant sur l’information elle-même, on retiendra finalement de cette trop brève rencontre, la réaffirmation parfois involontaire, sinon inconsciente, de la dimension subjective inhérente au métier de journaliste.

Alors que la presse traverse, notamment en France, une forte zone de turbulences, que les « gratuits » promeuvent la publication de nouvelles sans ligne éditoriale spécifique, abandonnant les lecteurs au fil de leur réflexion, alors que dans certains JT, une voix monocorde peut indistinctement annoncer le pire comme le meilleur, ouvrant ainsi la voie au relativisme, si l’on ose dire, le plus absolu, à l’heure où la fulgurance de la transmission l’emporte parfois sur l’analyse de la nouvelle, il était plutôt rassurant d’entendre, qu’on les partage ou pas, des avis engagés, de solides convictions doublées de mise en perspective et de décryptage d’un sujet. Autant d’indices qui laissent de l’espoir face au mouvement général d’une « pasteurisation » de l’information.

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