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4 mai 2024

« Une certaine vision du Liban », par le Général Aoun : N’est pas De Gaulle qui veut !

aoun.jpg Que s’est-il passé avec le général Michel Aoun ? Ancien Commandant en chef de l’Armée libanaise bloqué pendant la guerre par les Syriens dans son bunker de Baabda, il fut exfiltré par des agents français. Auréolé comme le « Mahdi occulté » par les circonstances exceptionnelles de cette « sortie de territoire », Michel Aoun a vécu quinze année d’exil près de Paris d’où il intervenait régulièrement dans la vie politique libanaise. Etrange personnage dont l’invariable discours sur « l’indépendance, l’intégrité et la souveraineté du Liban », paroles figées dans le temps après son départ, lui valut dans le tourbillon des opinions libanaises souvent changeantes, l’estime et le respect de certains mêmes de ses détracteurs. Il lui assura également une sympathie discrète mais réelle chez de nombreux musulmans opposés à la présence syrienne dont il ne cessa de marteler l’appel inconditionnel au retrait. A son initiative relayée par un lobbying efficace, le Congrès américain adopta en 2003 le Syrian Accountability Act, une loi destinée à resserrer l’étau sur le régime de Damas. Et puis il y eut le temps du retour en mai 2005 favorisé par les conséquences de l’assassinat de Rafic Hariri et le départ des forces syriennes.

Dans le maelström des bouleversements politiques, le général Aoun choisit comme allié électoral pour les premières élections législatives libres, ceux qui sont restés les plus proches collaborateurs des anciens occupants. Avec ses « nouveaux partenaires » du Hezbollah, il paraphe même à la surprise générale, un « document d’entente » politique le 6 février 2006 signé, explique-t-il, pour « amortir le choc et éviter l’explosion interne ». C’est dire si la publication de ses « entretiens » avec un journaliste spécialiste du Proche-Orient, nourrissait la promesse de venir éclairer les méandres d’un parcours politique. On reste toutefois sur sa faim. En dépit des nombreuses questions – et interventions – de Frédéric Domont, le général Michel Aoun semble écartelé, prisonnier de son histoire personnelle peut-être, entre deux « visions » du Liban: celle, confessionnelle, qu’il n’a pas hésité à utiliser pour faire élire ses députés au nouveau Parlement et celle plus moderne, « laïque » et dont le président pourrait être un jour « élu au suffrage universel direct ». Difficile en effet de ne pas se perdre dans la réflexion du chef du Courant Patriotique Libre qui, d’une part, prône la formation d’un gouvernement efficace « libéré du système confessionnel » mais traite, d’autre part, l’actuelle majorité de « sectaire » au motif que toutes les composantes religieuses n’y sont pas représentées. Comment le suivre encore lorsqu’il affirme que le « mur de la peur sur le Hezbollah » est tombé et que les armes du Parti de Dieu « ne servent qu’à défendre le Liban » ? Ce serait oublier les menaces physiques portées à l’encontre des responsables de l’Association Human Rights Watch au point de les faire renoncer à une conférence de presse sur les « crimes de guerre à l’été 2006 » qui incriminait la milice chiite. Comment expliquer par surcroît qu’aucune institution sécuritaire, y compris l’armée, n’ose affronter les partisans du Hezbollah pour faire cesser leur occupation illégale du centre ville qui paralyse l’activité économique au cœur même de la capitale libanaise ? L’élection législative partielle du Metn d’août 2007 gagnée en trompe l’œil – le candidat du général l’a emporté mais le CPL a perdu jusqu’à 20 % de ses soutiens traditionnels – semble avoir conduit le Hezbollah à soutenir plus mollement celui dont la « véritable obsession » demeure, selon certains de ses partisans, la question de l’élection présidentielle. Son règlement par une implication coordonnée des grandes puissances, qui s’interdisent officiellement « toute ingérence étrangère », pourrait considérablement réduire les espoirs politiques de l’ancien Officier. Son grand mérite aura certes été de batailler ferme pour l’indépendance du Liban mais celle-ci risque finalement de se faire sans lui. A l’image de « l’idée » hégélienne dont le triomphe ne peut advenir qu’avec la disparition de son auteur.

liban-5.jpg Le lecteur qui voudrait faire le point sur la situation libanaise se reportera utilement à la revue Maghreb-Machrek dont le numéro estival traite de la « la montée des périls » au Liban. Dans la grande diversité des contributions, on relèvera en particulier l’article de Philippe Droz-Vincent, Maître de conférence en science politique qui propose une approche aussi documentée qu’éclairante sur le processus de démocratisation au Liban entravé, selon lui, par le confessionnalisme. On notera également celui de Joseph Faddoul sur « la difficile mais nécessaire arabité des Maronites », tout en regrettant que cet auteur consacre l’essentiel de son intéressante réflexion à la dimension historique et néglige d’insister sur la corrélation moderne de l’arabité avec l’islamisation de la société libanaise.


Général Aoun, « Une certaine vision du Liban », Entretiens avec Frédéric Dumont, Editions Fayard, 2007, 238 p., 18 euros.

« Liban, la montée des périls », Revue Maghreb-Machrek, n° 192, été 2007, Editions Choiseul, 132 p., 20 euros

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