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6 mai 2024

L’Edito du Psy – Spécial Turquie-Israël : diplomatie ambiguë de la Sublime Porte

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jpg_bobine2008-91.jpgOn ne hurlera pas avec les loups. Les phénomènes de meute ne font jamais honneur à la raison humaine. La condamnation prompte et massive d’Israël par la Communauté internationale -occultant les circonstances de sa réaction- doit finalement faire douter de la bonne foi de certains des accusateurs : l’occasion était, semble-t-il, aussi parfaite que rare, d’exercer des pressions sur l’Etat hébreu pour obtenir de sa part une relance du processus de paix avec les Palestiniens. Il s’agit, paraît-il, de haute politique.

Il est pourtant un autre enseignement de ces tragiques événements: le singulier comportement du gouvernement turc et de son premier Ministre Tayyp Erdogan. Alors qu’elles soutiennent ouvertement l’association IHH, largement soupçonnée de liens avec le Hamas, les autorités d’Ankara teintent leurs surenchères de nationalisme outragé. Celles ci consacrent le fracassant retour de la Sublime Porte et de sa tortueuse diplomatie. Version moderne et islamisée: organisation toujours « terroriste » selon l’Union européenne, le Hamas ne le serait plus pour Erdogan. Le mot même de flottille de la « liberté » sied d’ailleurs mal à la philosophie politique des dirigeants islamistes de Gaza. Après tout, le Hezbollah arme une « résistance » prétendument libanaise et l’ancienne Stasi renseignait une Allemagne dénommée « démocratique ». Interrogée cette semaine par France 24, Deniz Ünal, une sociologue laïque turque membre du club de prospective CEPII, s’étonnait de n’avoir « jamais autant vu de foulards et de barbus lors d’une manifestation publique à Istanbul ». L’Europe de Bruxelles applaudira, sans doute.

Le leader au pouvoir de l’AKP ne défend-il pas « son cher ami », le président Mahmoud Ahmadinejad malgré des élections présidentielles truquées et la violence contre des milliers de jeunes Iraniens dont la révolte est réprimée dans le sang par le régime des mollahs? Ne cherche-t-il pas en outre à torpiller, au moyen d’une initiative commune avec le Brésil, les tentatives onusiennes d’imposer de nouvelles sanctions à une République islamique d’Iran obsédée par l’acquisition de l’arme nucléaire?

Une diplomatie vindicative qui ne s’embarrasse guère, à l’image des incursions armées en Iraq du nord, de précautions historiques: en témoignent les récentes injonctions turques aux autorités libanaises, une première depuis l’indépendance du Pays du Cèdre en 1943, de ne pas envoyer de représentants officiels aux cérémonies commémoratives du génocide arménien du 24 avril qui se tiennent chaque année dans la proche banlieue de Beyrouth.

Le partenariat stratégique avec Israël illustre toutefois avec ampleur l’ambiguïté turque: initiées au milieu des années quatre vingt-dix alors qu’Ankara courrait après d’éventuels bénéfices du Processus d’Oslo, jugé encore « inéluctable » par les diplomates turcs à la veille de l’arrivée du premier Ministre Netanyahou, les relations militaires entre les deux pays se développèrent sous la présidence Demirel, nonobstant les molles contestations du Refah Partisi, l’ancêtre de l’AKP dissous en 1998. Elles furent consacrées par un accord de libre-échange signé en 2000. Quelques mois, faut-il le rappeler, après l’arrestation spectaculaire au Kenya, avec l’aide matérielle et humaine du Mossad -une dot d’une valeur inestimable dans la corbeille de mariage- du chef du PKK Abdullah Öcalan. Des échanges qui ont plus que triplé en dix ans pour atteindre un volume comparable à celui de la France avec l’Etat hébreu.

Malgré les déclarations du président Abdullah Gül -« les relations avec Israël ne seront plus jamais les mêmes »-, le Ministre turc de la défense Vecdi Gönül a simultanément reconnu qu’un contrat en cours, d’un montant de 183 millions de dollars et prévoyant la fourniture à Ankara par la firme israélienne IAI de 10 drones de type Héron, serait mené à terme. Selon Dominique Bourra, un des meilleurs spécialistes des industries de défense, la Turquie aurait plus à perdre qu’Israël dans l’arrêt de la coopération : « les deux tiers du commerce turc avec Israël repose, selon lui, sur des commandes militaires sensibles: modernisation de chars M-60 pour plus de 600 millions de dollars; Modernisation de 300 hélicoptères pour 57 millions de dollars;  Contrat pour la modernisation d’avions de chasse: 850 millions de dollars ». « Les échanges ne s’arrêtent pas à de simples opérations d’import-export militaires mais s’étendent, selon le président de « NanoJV » (https://nanojv.wordpress.com) à des alliances pour la pénétration de marchés tiers » comme, par exemple, la vente de chars à la Colombie. Business as usual.

Ultime conséquence, pour le moins inattendue, de l’activisme turc: à l’ordinaire plutôt avare dans ses apparitions publiques, le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est intervenu à deux reprises en 48 heures. Son appel à la mise en place d’une « deuxième flottille de la liberté essentiellement composée de Libanais », pour peu qu’il soit suivi d’effets compte tenu des résonances négatives de la question palestinienne au pays du Cèdre, trahit une double crainte: celle en premier lieu de sa marginalisation régionale par le pouvoir sunnite au risque de voir pâlir l’auréole acquise dans le monde arabe après la guerre de juillet 2006. Celle ensuite de perdre le monopole de la rhétorique anti-israélienne, formule brevetée du chiisme iranien dont la milice libanaise est le bras armé.

« Oui à la coopération avec Israël, mais pas au point de s’aliéner les Arabes », expliquait le réputé politologue turc Dogu Ergil au tout début des années quatre vingt-dix. Encouragée sinon soutenue par les Etats-Unis pour contrer l’arc chiite au Moyen-Orient, la Sublime Porte s’ingéniera sans nul doute à pérenniser la première option sans se risquer à initier la seconde.

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