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4 mai 2024

L’Edito du Psy – Journée internationale contre l’homophobie : Moscou tristement gay.

jpg_3037815044_4f08353c8d.jpgMalgré la mobilisation, à l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie, d’une partie de la communauté internationale pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité, la Russie, l’un des membres « riches et industrialisés » du G8 et hôte du 54ème concours de l’Eurovision, a montré toute l’étendue de son archaïsme politique -et psychique- en réprimant violemment la « gay pride slave » dans le centre de la capitale. On regrettera à ce titre l’absence de solidarité de la chanteuse et représentante de la France, Patricia Kaas.

Même si 80 pays continuent d’incriminer cette orientation sexuelle, encore punie de la peine de mort par une poignée d’entre eux, beaucoup d’eau a heureusement coulé sous les ponts depuis la décision en 1974 de l’American Psychiatric Association de ne plus inclure l’homosexualité dans la nosologie du Manuel Statistique et Diagnostique des Troubles mentaux (DSM III). Décision prolongée en 1990 par la suppression de l’homosexualité de la liste des maladies mentales de l’OMS. Premier Etat au monde à autoriser, le 1er octobre 1989, un « partenariat enregistré » entre homosexuels, le Danemark a été largement suivi par nombre de pays scandinaves mais aussi méditerranéens comme la France ou l’Espagne. Déjà pionnière en matière d’adoption pour les couples homosexuels, la Suède vient de voter, à une très large majorité, une loi autorisant le mariage homosexuel civil et religieux. Aux Etats-Unis, le Vermont est devenu en avril dernier, le quatrième Etat américain à légaliser le mariage entre deux personnes du même sexe. Le gouverneur démocrate de l’Etat de New York, David Peterson, a d’ores et déjà annoncé qu’il soutiendrait à l’assemblée de l’Etat un texte similaire à celui adopté dans le Vermont. En France, la Ministre de la santé Roselyne Bachelot vient de saisir la Haute autorité de la Santé (HAS) en vue de retirer la transsexualité de la classification des maladies mentales. Le 18 décembre dernier, la France et les Pays-Bas ont présenté en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, un projet de déclaration relative à la liberté de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.

On ne manquera pas de se réjouir de ce vaste mouvement de reconnaissance sociale. Dans une lettre à une mère de famille américaine d’avril 1935, Sigmund Freud s’exprimait déjà en ce sens : « l’homosexualité n’est évidemment pas un avantage mais il n’y a rien là dont on ne doive avoir honte, ce n’est ni un vice, ni un avilissement et on ne saurait la qualifier de maladie ».

Force est pourtant de reconnaître la persistance de difficultés à vivre au quotidien ce qui demeure pour beaucoup une souffrance identitaire. La multiplication des lieux festifs pour la communauté gay n’y change probablement rien. Ces lieux, quelles que puissent être les finalités sexuelles ou non qui les caractérisent, sont même à proprement parler le révélateur du mal-être qui les constitue. Le sociopsychanalyste Gérard Mendel avait d’ailleurs bien pointé cette illusion en rappelant, par exemple, que « les milliers de participants en transe d’une rave party et les dizaines de milliers de spectateurs d’un match de football cherchent à se décharger, un moment, d’une identité individuelle trop lourde à porter avec ses conflits et ses contradictions ». Le groupe dans lequel le jeune homosexuel cherche à s’insérer vise à écarter une forme de solitude et d’errance qui caractérise cette orientation sexuelle. Cette solitude répète en l’inscrivant dans la psyché « le manque de relations suffisamment satisfaisantes avec le parent du même sexe, que celui-ci ait été absent, vraiment déficient ou non, en tout cas, c’est ce que le sujet a vécu ». Elle se poursuit par le rejet d’une intégration dans le groupe identitaire majoritaire, suscitant ainsi la création d’un groupe marginalisé aux règles d’identification parfois illusoires : n’en déplaise aux militants actifs de la cause homosexuelle, souvent très courageux dans des contextes sociologiques et politiques particulièrement défavorables, la notion de « ghetto gay » -et ses règles comportementales sous-jacentes- comporte en elle-même le risque d’anéantir la « particularité de chacun » et d’instaurer une autre forme de « persécution » : celle, selon la philosophe Hannah Arendt, de « rapprocher ceux qui la subissent jusqu’au point où cet espace finit par disparaître pour ne laisser la place qu’au partage d’une souffrance commune ».

Dans son article de 1907, Freud admet que « lorsque règne une morale sexuelle civilisée, les individus sont entravés dans leur santé et leur aptitude à vivre et qu’en fin de compte, le préjudice que font porter à ces individus les sacrifices qui leur sont imposés, atteint un degré tel qu’il menace directement leur but culturel ». La clinique et la pratique psychanalytiques intègrent dans l’écoute cette dimension sociale et politique du symptôme même si la communauté analytique tient aujourd’hui le refoulement pour une loi interne au désir. Phénomène à partir duquel s’édifierait aussi la civilisation. L’exigence croissante des gays et lesbiennes à se voir reconnaître une accession institutionnalisée au modèle familial hétérosexuel dominant -celui du mariage et de la filiation- traduirait-elle cette prise de conscience ?

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