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11 mai 2024

Elections Européennes : Xavier Garcia (PS) « La France ne deviendra pas les Etats-Unis »

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Dans le cadre du débat pour les élections européennes du 25 mai, Nice Premium a demandé aux représentants de toutes formations politiques candidates de bien vouloir exprimer leurs idées et propositions de manière libre et indépendante. Xavier Garcia est le porte-parole du Parti Socialiste 06. Aucun candidat issu de ce département ne figure sur le liste électorale du parti dans la circonscription Sud-Est.


xavier_garcia.jpg Nice-Premium : Faut-il plus d’Europe avec des structures communes et se tourner vers un système fédéraliste ? Ou, a contrario, moins d’Europe et un retour d’une souveraineté nationale et de zones d’échanges commerciales ?

Xavier Garcia: Plus d’Europe, c’est certain. Il faut cependant une harmonisation fiscale minimum, une convergence sur les politiques publiques ou les investissements. S’accorder sur une augmentation du budget aussi. Contrairement aux états, l’UE n’est pas endetté. Il faut une relance par les politiques d’infrastructures et des vecteurs d’unités.

Le moins d’Europe, je n’y crois pas. La crise a touché tout le monde, l’Europe n’est pas responsable de la crise. N’en faire qu’une zone d’échange est insupportable, le parlement européen n’a pas assez de pouvoir. La vision actuelle des états, à cause de la crise, est très nationale et on en est même arrivé, par le jeu des égoïsmes nationaux et de la gestion comptable à courte vue, à remettre en cause l’aide
alimentaire aux plus pauvres… Pour une fois que l’Europe avait des conséquences sur le quotidien des gens, le réflexe est de faire des économies !
L’Europe peut être un vecteur de croissance et de puissance si elle parle d’une seule voix. Actuellement cette voix est libérale et les élections européennes sont l’occasion de changer cette logique. Si la gauche devient majoritaire au Parlement européen et que Martin Shultz devient président de la commission, la gouvernance européenne pourra être infléchie dans le bon sens.

Nice-Premium : Que risque l’Europe aujourd’hui ? La financiarisation de
l’économie peut revenir à un contrôle politique, donc démocratique ?

Xavier Garcia : Le risque d’implosion dû à la crise grecque ou les questions sur la survie de l’Euro sont passées, la crise est sous contrôle. Le risque aujourd’hui est celui de la stagnation économique du fait des politiques austéritaires consécutives à la crise foncière de 2008 et à l’absence d’ambition politique de l’Union. Les gouvernements se disent favorable à une régulation de la finance, l’Europe pourrait être un moteur mais elle ne joue pas son rôle à cause des gouvernements qui sont frileux. Etablir une taxe sur les produits financiers à l’échelle européenne donnerait plus de poids, aurait valeur d’exemple et pourrait résorber une partie de nos dettes par la même occasion. Mais l’Europe n’avance plus économiquement et la cause de cela est l’euro fort, nous sommes tous d’accord. Mais contrairement à d’autres, je préfère réformer l’euro que tout remettre en cause.
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Nice-Premium : L’Euro est-il un « écu » protecteur ou une ambition intellectuelle ? Quoi comme politique budgétaire commune ? Quoi comme harmonisation fiscale pour éviter la surenchère entre pays « concurrents » ?

Xavier Garcia : L’euro ne part pas d’une volonté économique mais plutôt un moyen de consolider la construction européenne et rendre le gouvernement économique de l’Europe inévitable. L’euro est là, le gouvernement économique, c’est beaucoup plus compliqué du fait de la nature toujours intergouvernementales des décisions à l’échelle européenne. Mais l’euro est protecteur, il y a moins de peur de la dévaluation côté investisseurs et il faut rappeler que nous payons aujourd’hui autant d’intérêt d’emprunts qu’il y a 20 ans lorsque nous étions bien moins endettés car nous pouvons emprunter à des taux très attractifs grâce à la stabilité de la monnaie unique. Mais l’euro est surévalué, en partie à cause de l’Allemagne qui a une obsession de la monnaie forte et de la lutte contre l’inflation du fait de son histoire. L’Allemagne a construit une économie adaptée à une monnaie forte mais ce n’est pas le cas du reste de l’Europe et notamment de la France. Le dogme de la monnaie forte a quelques avantages. On paye le pétrole moins cher, les voyages hors-Europe sont plus agréable… Pour autant mais il n’est pas pas viable économiquement. Les japonais, les américains, les chinois jouent beaucoup avec leur monnaie pour retrouver des marges et relancer la machine économique lorsqu’elle est à l’arrêt, nous sommes les seuls à nous priver de cette arme. Mais une sortie de l’euro, comme le souhaite le FN, serait une folie. Prédire les lendemains qui chantent grâce à une sortie de l’euro c’est oublier la situation antérieure à la monnaie unique et c’est être irresponsablement optimiste. On est en terre inconnue car rien n’a été prévu, notamment le remboursement de la dette publique mais aussi des dettes privées françaises détenues à l’étranger qui représentent 150% de notre PIB. Si l’on croit que les établissements financiers qui détiennent la dette des ménages français vont laisser tout le monde rembourser son crédit en franc dévalué de 30%, on vit dans un monde parallèle.

Nice-Premium : Reformes structurelles pour libéraliser le marché du travail et réduire son coût, diminuer durablement les dépenses publiques et restreindre le périmètre de l’état-providence.

Xavier Garcia : L’Allemagne a diminué les salaires pour rendre de la compétitivité à son industrie. Mais cela s’est fait dans un contexte où les autres pays ne pratiquaient pas l’austérité et pouvaient acheter leurs produits. Le problème aujourd’hui est que tous les pays européens mènent conjointement des politiques d’austérité et l’effet sur la dette publique est quasi nulle car si personne n’est en mesure de consommer à cause de l’austérité il ne peut pas y avoir de croissance et donc de rentrées fiscales supplémentaires .

Aujourd’hui, partout en Europe on baisse les dépenses publiques, si en plus on >diminuait les salaires on obtiendrait un effet récessif immédiat. Par contre baisser le coût du travail, oui. C’est la logique du pacte de responsabilité de François Hollande, une partie des cotisations salariales vont être basculés sur la TVA et une baisse des dépenses.

L’Etat providence a été pensé à la sortie de la guerre pour répondre aux accidents de la vie. Aujourd’hui il faut repenser ce que la droite appelle « l’assistanat », c’est-à-dire donner des prestations sociales >sans aider efficacement les bénéficiaires à s’en sortir. Il faut adapter nos systèmes de formation et mettre le paquet sur la formation des chômeurs et le décrochage scolaire. Je suis contre revenir sur l’universalité des prestations et, s’il y a des marges au sein du mille-feuille des collectivités locales, la fonction publique d’Etat n’est plus en mesure d’absorber des économies.

Mais il y a des approches novatrices à avoir et qui ne coûteraient pas forcément plus cher. Il faut réformer l’Etat providence en cette période de crise mais pas en rognant les prestations. Il n’est pas interdit de regarder ce qui marche au Nord de l’Europe, notamment au Danemark. L’Union européenne ça doit servir aussi à ça.

Nice-Premium : Est-il inquiétant que la France se désindustrialise ? L’économie
de l’innovation est une réponse ? Quelle politique soutenir ?

Xavier Garcia : Oui, bien sûr c’est inquiétant. C’est même un des problèmes majeur de notre économie. Lorsque que l’on veut construire en France, ce n’est pas toujours possible. Par exemple, une société qui conçoit les téléphones de demain en France doit les fabriquer en Chine car tous les composants sont déjà fabriqués là-bas et il faudrait payer les droits de douanes pour importer chaque composant. Et nous voyons bien que nos fleurons industriels sont menacés, faute de stratégie. Alstom en est le dernier exemple.

La compétitivité ce n’est pas seulement le niveau des salaires c’est aussi et surtout les bonnes stratégies et les bons investissements et la France a manqué des tournants, notre industrie automobile notamment. Cela dit, la France n’est pas dépourvu d’atouts, on a l’une des meilleurs productivité au monde, c’est un avantage, comme la qualité de nos infrastructures et de nos services publics. Mais les protections douanières doivent être évoquées, l’Union Européenne doit plus se protéger contre la concurrence souvent déloyale de la Chine ou des pays émergents.

Or, comme pour la monnaie, on sent une réticence idéologique des institutions européennes face aux barrières douanières alors qu’elles ont le devoir des nous protéger comme les autres pays se protègent, avec mesure mais aussi fermeté. Il faut aussi mieux informer le consommateur, les français sont plus enclin à acheter européen et français car c’est un gage de qualité et aussi un geste patriotique qua dans bien des cas beaucoup de nos concitoyens seraient prêts à faire pour peu qu’ils sachent par exemple qu’on fabrique toujours des brosses à dent en France (https://www.labrosseriefrancaise.net/brosses-a-dents.php). Ce qu’a fait Arnaud Montebourg pour la réhabilitation du made in France doit à cet égard servir d’exemple.

Nice-Premium : La conception de la nation ethnique est-elle encore la réponse à
la globalisation ? La France a inventé la nation civique, fondée sur des valeurs, indépendamment de toute origine : la fraternité est-elle encore d’actualité ?

Xavier Garcia : La nation ethnique n’est pas la conception française, c’est la conception allemande. En France, notre tradition est le droit du sol. Le fondement de notre pacte républicain c’est cette capacité à assimiler, même si elle est mise à mal par la difficulté à intégrer dans un pays en crise. Le droit du sang ce ne serait pas retrouver nos racines, ce serait au contraire nier ce que nous sommes.

Je crois en la nation et pourtant je souhaite plus de pouvoir pour l’UE. Je crois que l’identité nationale n’est pas soluble dans l’UE, je ne suis pas moins français car je suis pour la construction européenne. La France aura toujours son histoire, des valeurs propres, un attachement au drapeau.. Tout ça ne sera pas remis en cause. Il faut comprendre que déléguer une partie de notre pouvoir économique ne sera plus un problème le jour où les institutions européennes fonctionneront de façon démocratique.

La France ne deviendra pas les Etats-Unis, on ne va pas substituer le drapeau européen au drapeau français, chaque pays a son histoire propre. Mais je souhaite qu’au niveau économique, l’UE puisse développer des politiques de croissance par des investissements communs (une ligne à grande vitesse européenne par exemple) qu’elle puisse parler d’égal à égal avec la Chine ou les Etats Unis, ce que ne peut plus faire la France seule.

On est lié par une monnaie commune, mais il faut encore s’inventer un destin commun, et rajouter un niveau d’identité n’est pas gênant. Je suis niçois, je me sens niçois, cela ne m’empêche pas de me sentir profondément français, d’avoir des frissons quand j’entends la Marseillaise. Cela ne m’empêche pas non plus d’être heureux d’être européen, d’être allé étudier en Grande-Bretagne – grâce à un programme européen -, de partager des choses avec d’autre européens
et de me sentir encore plus français grâce à ce partage.

En superposant les identités, on ne dissous pas l’attachement à la nation française, au contraire. Si l’Europe est le fond du problème aujourd’hui du fait de sa mauvaise gouvernance, c’est aussi la seule solution pour sortir de la crise.

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