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2 mai 2024

Elections européennes : La voix des écologistes pour une Europe plus fédérale

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europe-50.jpg Une nouvelle génération a pris la leadership au sein de la famille écologiste. L’universitaire Fabrice Decoupigny en est le représentant élu au sein des institutions.


Géographe, il est conseiller municipal et métropolitain. Sa formation politique présente deux candidates Corinne Lallo ( n°3) et Nadège Bonfils (n° 9).

Mais Fabrice Decoupigny a bien des idées à ce sujet … et les exprime volontiers!

Nice Premium : Faut-il plus d’Europe avec des structures communes et se tourner vers un système fédéraliste ? Ou a contrario moins d’Europe, le retour d’une souveraineté nationale et de zones d’échanges commerciales ?

Fabrice Decoupigny : Mettons les choses au point, le fédéralisme ce n’est pas la dissolution des peuples, c’est même le meilleur moyen de régler des problèmes de tensions régionales qui peuvent exister en Europe. C’est la garantie pour toutes les minorités des états nations d’être reconnues. Aujourd’hui le risque de guerre n’existe plus entre nos états européens, par contre apparaît ici et là des revendications régionales qui peuvent être sources de tensions pour diverses raisons (historiques, ethniques, religieuses, économiques…) et dès lors avoir un état fédéral rassembleur et protecteur est le meilleur moyen de se prémunir de ces tensions.

Cela nécessite de mettre en place des institutions fédérales régaliennes (police, armée justice) mais aussi sociales et sociétales avec de vrais et puissants services publics européens (éducation, environnement, énergie, santé, recherche, transport…). Notre projet est de construire une identité européenne autour d’un projet qui rassemble les citoyens et non les divise en déréglementant et en faisant du dumping social. On ne construira pas une Europe viable en opposant les travailleurs entre eux.

Posons-nous les vraies questions : Quelle Europe voulons-nous ? Fédération ou confédération ? Régime parlementaire ou présidentiel…

NP : Que risque l’Europe aujourd’hui ? La financiarisation de l’économie peut revenir à un contrôle politique, donc démocratique ?

FD : Il faut arrêter de dire qu’il n’y a pas de contrôle politique. S’il y a financiarisation de l’économie, c’est tout simplement parce que les politiques l’ont décidé en laissant faire. Qui ne dit mots consent… Pourquoi les états n’ont plus le droit d’investir sur de grands projets industriels comme ce fut le cas dans les années 60 et 70… ? Pourquoi était-ce possible sous De Gaulle et impossible sous Hollande ? Pourquoi un pacte de responsabilité, des crédits d’impôts recherche, sans contreparties ?

Le problème avec l’économie, c’est que des experts essayent de faire passer l’économie comme une science mathématique exacte avec des équations compliquées alors que c’est une discipline de science humaine et sociale. Avec leurs méthodes de calcul, on prouve toujours qu’il faut déréglementer, baisser les cotisations et les impôts des plus riches.

La technostructure de la commission a pris trop d’importance et de pouvoir. Le citoyen européen est dans l’obligation de se réapproprier le projet européen, s’il ne veut pas voir la démocratie s’estomper au fil des années.

NP : L’Euro est-il un « écu » protecteur ou une ambition intellectuelle ? Quoi comme politique budgétaire commune ? Quoi comme harmonisation fiscale pour éviter la surenchère entre pays « concurrents » ?

FD : Si on parle de budget européen, on parle d’orientations budgétaires donc de choix politiques, c’est l’essence du pouvoir exécutif. Par conséquent qui décide et comment ? Je ne pense pas que l’on puisse continuer à construire l’Europe sans passer par la case d’un vrai débat constitutionnel. L’harmonisation sociale et fiscale ne pourra se faire que si nous nous dotons d’outils politiques adéquats pour l’imposer à tous. L’une des causes du sentiment d’injustice est l’inégalité devant l’impôt. Est-il normal qu’une multinationale paye moins d’impôts sur les bénéfices qu’une PME ? Il faut un salaire minimum européen et niveler les droits des salariés par le haut. Il n’est pas normal que les pays qui investissent sur un système social soient désavantagés par rapport aux autres. Il n’y a aucun problème à ce qu’un plombier polonais vienne travailler en France, mais il le fait avec un contrat de travail français.

Nous pensons que nous devons nous doter de réglementations qui s’appliquent partout, de manière homogène en appliquant des critères d’harmonisation sociale et fiscale. Ceci nécessite un gros effort pour certains. Il sera nécessaire alors de négocier des plans pluriannuels de rattrapage.

NP : Faut-il des reformes structurelles pour libéraliser le marché du travail et réduire son coût, ou bien diminuer durablement les dépenses publiques et restreindre le périmètre de l’état-providence.

FD : Actuellement, les reformes structurelles ne sont conçues que pour donner plus de souplesses et de flexibilités aux capitaux et à la finance car rien ne doit entraver la libre concurrence. On reste sur cette impression que l’Europe se gère sur le dos des salariés, c’est un sentiment fort désagréable.

La seule réforme structurelle qui compte, c’est celle qui doit faire de l’Europe une entité politique et non pas un club d’Etats qui s’entendent sur l’austérité et la baisse des dépenses publiques

Ce qui renvoie encore une fois à la construction politique d’une Europe fédérale. Ca veut dire poser sur la table les questions de l’harmonisation sociale et fiscale, des services publics, des politiques de solidarité. Ça veut tout simplement dire que l’on remet le projet européen au cœur de la politique et de la vie des européens. On arrête avec des commissaires qui ne pensent qu’à déréglementer et déconstruire toute la diversité socioéconomique de nos états comme c’est actuellement le cas avec le projet de traité transatlantique TAFTA.

NP : Est-il inquiétant que la France se désindustrialise ? L’économie de l’innovation est une réponse ? Quelle politique soutenir ?

FD : De quelle industrie parle-t-on ? La désindustrialisation des activités industrielles classiques est la preuve que notre économie est en mutation. Elle résulte d’un processus économique de gain de productivité. On délocalise des activités industrielles à faible valeur ajoutée pour pouvoir affecter les investissements sur des productions à forte valeur ajoutée (communication, connaissance, numérique, recherche, énergies, services…). C’est le même processus qui a vu l’Angleterre délocaliser, au XVIII, sa production de laine dans ses colonies et la faire revenir pour être tissée dans ses usines : on a appelé cela plus tard la révolution industrielle.

La question n’est pas de savoir s’il faut garder ces industries, mais d’adapter notre économie en investissant sur de nouveaux modes de production plus durables pour créer plus de richesses. Ainsi on pourra alimenter et pérenniser notre système social.
Force est de constater qu’il existe des gisements de richesses incroyables, citons pour exemple : la transition énergétique, l’économie du numérique, les modes de transports, les biotechnologies, l’industrie du carbone, le recyclage…. Mais ces investissements rentrent en conflit avec des investissements de multinationales qui n’ont pas envie de voir leurs positions dominantes (voire de monopole) remises en cause. Prenons le cas des énergies fossiles avec la problématique des gaz de schiste. On continue à foncer contre un mur, et on pense qu’en klaxonnant il va bouger.

Ce qui est sûr, c’est que plus on prendra du retard sur la transition énergétique, plus la conversion nous coutera chère. Car en refusant d’investir aujourd’hui, on deviendra dépendant des brevets déposés par d’autres alors que nous avons les moyens et les compétences d’être leader sur ce secteur, quel gâchis…

NP : La conception de la nation ethnique est-elle encore la réponse à la globalisation ? La France a inventé la nation civique, fondée sur des valeurs, indépendamment de toute origine : la fraternité est-elle encore d’actualité ?

FD : Une nation ethnique ? On sait ce que ça donne, l’histoire récente du XX siècle nous a montré où cela nous mène : à la catastrophe.
Si la nation, c’est la construction d’une identité qui permet à l’individu de s’émanciper, de choisir sa vie, de vivre libre et l’égal de l’autre en toute fraternité, alors oui, l’Europe doit être une Nation.

Condorcet disait qu’« une identité est une égalité qui est toujours vraie quelques soient les valeurs qui la composent ». Ce qui veut dire qu’une identité ne sert pas à exclure mais à intégrer tous les Hommes dans leur diversité.
Oh que oui, la fraternité est encore d’actualité et plus que jamais aujourd’hui. C’est justement parce que nous l’avons oublié ou plutôt que l’on tente de nous la faire oublier que nous nous retrouvons à discuter de son bienfondé. C’est un concept qui va à l’encontre de la déréglementation, tant à la mode dans les salons dorés de nos gouvernants, car la fraternité s’oppose au modèle de société individualiste que les gourous de l’économie libérale tentent de nous imposer.

En définitive, l’Europe ne retrouvera un élan que si le citoyen impose un grand débat sur la construction d’une Europe politique. C’est tout l’enjeu de ces élections…

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