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4 mai 2024

Nos ancêtres…les Druides !

druides.jpg Nos ancêtres les…druides ! Ce n’est pas le moindre des paradoxes d’une légende que d’avoir la vie dure en dépit de ses incongruités historiques. Même sans incriminer le personnage central d’une fameuse bande dessinée bien de chez nous, les druides, à en croire le dernier ouvrage de Jean-Louis Brunaux, ont été injustement traités pour des raisons qui tiennent le plus souvent à des considérations de haute politique. Face aux brillantes civilisations antiques, notamment grecque et romaine, l’image du féroce barbare gaulois réclamait une compensation. Le « mythe » du druide, associé à tort à la seule nébuleuse celtique, a pu ainsi largement contribuer au sursaut de fierté nationale.

Puisqu’il s’agit de rétablir la vérité historique, l’auteur commence donc par consacrer un bon tiers de son ouvrage à faire litière des constructions échafaudées autour des personnages druidiques qu’une « chronologie rend tout à fait absurdes ». La conquête romaine de la Grèce puis de la Gaule, pratiquement achevée au milieu du premier siècle avant notre ère, est évoquée par Cicéron et César dans leurs écrits. Mais à cette époque, les druides, affirme Jean-Louis Brunaux, ont déjà quitté « la scène politique et sociale ». Les deux stratèges s’inspirent donc de textes plus anciens dont ils ne veulent retenir que les passages les plus évocateurs. La « guerre des Gaules » de César accentue par exemple le rôle religieux des druides dans une « manipulation des faits » qui alimentera, de Tacite à Pline, la construction légendaire. Des moines copistes aux historiens du XIXème siècle, en passant par les humanistes de la renaissance, tous s’inspireront ensuite de ces documents et y apporteront finalement leur caution.

Quelle est donc cette histoire des druides ? L’apparition du mot druide pour la première fois dans la littérature grecque du IIIème siècle avant notre ère, permet à l’auteur de livrer deux informations capitales: les druides prospéraient dès le IVème siècle avant JC et ils étaient déjà assimilés à des philosophes. Au-delà de l’exégèse de la formation du mot lui-même, l’élément le plus passionnant de sa recherche réside certainement dans l’étude d’un document « le mémoire pythagoricien », ensemble de notes probablement rédigées par l’un des disciples du célèbre mathématicien du VIème siècle dont l’école s’établit vers la fin de sa vie à Crotone dans le sud de l’Italie. La mention dans le document d’une « sagesse gauloise » issue des influences pythagoriciennes peut a priori surprendre. Après tout, Pythagore lui-même vécut douze longues années à Babylone où, dit-on, il fut instruit par l’assyrien Zoroastre tout en s’imprégnant de doctrines perses, égyptiennes, indoues… et celtes, toutes situées en marge du monde grec. La « philosophie des barbares » n’est donc pas un vain mot. D’où des filiations étranges et pourtant repérables entre les différents points de doctrine. Ainsi une comparaison entre les préceptes des druides et ceux des sages de l’Inde fait-elle apparaître une « triade » aux prolongements ésotériques aussi manifestes que contemporains : « honorer les Dieux, ne pas faire de mal, s’entraîner à la bravoure ». Avec les pythagoriciens, les convergences se multiplient : croyance en la métempsycose, théories des nombres qui permirent l’établissement de « calendriers savants », complexité de constructions géométriques dont la « virtuosité nécessiterait aujourd’hui, selon l’auteur, l’assistance informatique » et pratiques ascétiques se retrouvent à la fois chez les disciples du sage de Samos et chez les druides.

Alexandre le Grand, alors en campagne en Thrace, aurait reçu en 355 avant notre ère, selon le témoignage d’un de ses généraux, une délégation de ces « Celtes » dont la conversation hautement philosophique, laisse à penser qu’il pouvait s’agir de Druides. Cet officier d’Alexandre qui allait devenir roi d’Egypte sous le nom de Ptolémée note que leur « plus grande peur fut que le ciel ne leur tombât sur la tête ». On connaît la suite comique réservée à ces propos. Aussi sérieux qu’allégoriques, ils s’inspirent pourtant d’antiques cultes liés au pouvoir du feu solaire, élément central dans le zoroastrisme et que l’on retrouve dans l’étoile flamboyante à cinq branches, signe de ralliement des pythagoriciens. Ces larges pérégrinations conduisent un moment l’auteur à effectuer un « crochet » par Marseille, ville par laquelle transita selon lui, « la plus grande part des connaissances des Grecs sur le monde des Celtes » et ce dès 540 avant JC.

La colonie phocéenne subit l’invasion des Gaulois avant de devenir romaine. Mais avant de disparaître pour des « causes internes », les druides ont connu leur apogée vers le II siècle avant notre ère. Les réduire à une image de prêtres ou de sacrificateurs occulte une part essentielle de leurs activités. Les druides, pour « simplifier » nous dit l’auteur, furent d’abord des individus qui ont cherché à développer le sens moral de leurs congénères et à le traduire dans la pratique de la politique. De ceux-là, il ne reste que peu de survivants…et beaucoup d’imposteurs.

Jean-Louis Brunaux, Les Druides, Des philosophes chez les barbares, Editions du Seuil, 2006, 381 p., 23 euros.

jlvannier@free.fr

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