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19 avril 2024

Election de « Miss & Mister Beyrouth » : du « chaud » à la libanaise !

miss-beyrouth.jpg C’est certainement l’un des grands paradoxes du pays du Cèdre. Ce peuple qui parvient à envoyer et à faire reconnaître dans le monde entier les compétences de ses plus grands médecins, à produire des inventeurs chevronnés, et dont les étudiants, majors de promotion, sont recrutés prioritairement dans les plus prestigieuses universités occidentales, rafolle de ce genre d’événement cristallisé sur les apparences : un concours de beauté. La dimension toute puissante de l’image et la reconnaissance sociale suscitée par cette dernière constituent en effet des clefs pour qui veut comprendre les mécanismes essentiels de fonctionnement de la société libanaise. La dépendance au quotidien du regard de l’autre (le qu’en dira-t-on) vient ainsi renforcer un tissus social aux mailles particulièrement serrées (surveillance habituelle et ordinaire par les familles, les voisins, les connaissances…), bref tout un système qui induit un mode général de comportement.

Un simple concours de beauté et pourtant la chose ne va pas toujours de soi chez les descendants des élégants Phéniciens. Le Ministère du Tourisme qui accrédite ce genre de manifestations laisse parfois le champ libre à des non-professionnels « peu scrupuleux », selon Iyad Rachid l’organisateur de « Miss & Mister Beyrouth », et avides d’intérêts purement commerciaux aux dépens de besoins simplement humains et alimentaires des candidats. « 80% du modeling au Liban n’en est pas vraiment », assure-t-il encore, au « risque de voir se diluer la valeur des trophées attribués ». Associé pour l’occasion à divers professionnels de l’esthétisme ( Institut Ramona, Salon Zena, le créateur de Haute-Couture Bilal Dona), lui-même propriétaire d’un restaurant à Beit Merry situé sur les hauteurs de Beyrouth, Iyad Rachid admet ne pas être un spécialiste. Il clame cependant haut et fort son honnêteté : il exclue ainsi toute exploitation en rejetant la pratique de la signature par les candidats d’un contrat d’exclusivité. Et ce, « contrairement aux pratiques habituelles » des agences conclut-il.

Le Grand Hôtel « Coral Beach » de Beyrouth Ouest accueillait ce soir là l’élection de « Miss & Mister Beyrouth ». Dans les « salons de l’Ambassadeur », la salle debout se fige lorsque retentit l’hymne national qui ouvre au Liban toute manifestation officielle mais dans les coulisses, c’est plutot l’agitation : chez les hommes, le gel coiffant passe de mains en mains. Chez les filles, de l’autre côté du couloir, une file d’attente se presse pour venir s’asseoir auprès d’une maquilleuse, reine d’une ruche singulièrement armée d’une impressionnante panoplie de mini pinceaux, de multiples batteries de tubes colorés et d’une armada de houppettes poudrées.

miss-beyrouth-b.jpg Etudiantes pour la plupart, ces starlettes en herbe expérimentent pour la première fois les feux de la scène et les clameurs du public. Parmi elles, on trouve Aline, de Beyrouth, qui se spécialise en informatique, Zena, rentrée spécialement du Texas avec sa famille et inscrite à l’Université Américaine de Beyrouth (AUB) , Sabine venue de la province du nord, le « Akkar » et qui poursuit un programme de « Public Relations » à l’American University of Sciences and Technology (AUST), Jessie (lauréate), dont le déhanchement très professionnel aura raison des ultimes résistances du Jury sur sa taille plus modeste que celle des autres concurrentes, Céline engagée dans des études d’architecture, Mariana et Lorinja, toutes deux de la province chiite de la Békaa et respectivement, étudiante en Droit et en Affaires à l’Université Arabe de Beyrouth. Seule Vanessa de Zahlé ( ville réputée pour son excellent « Kneifé » un gâteau chaud à la semoule et au fromage arrosé d’un sirop parfumé à l’eau de rose et qui se déguste au petit-déjeuner…) est membre d’un Institut spécialisé dans la formation esthétique, évidemment incompatible avec ladite préparation culinaire !

Du côté des candidats masculins, Elie est coiffeur dans un salon de Kaslik et pratique la musculation quatre jours par semaine, Hassan poursuit des études en électro-mécanique, Nidal est inscrit à l’AUST de Beyrouth, Fouad est « Architecte Designer », Bilal est coiffeur à Choueiffat sur la route qui mène au sud vers Saida, Robert travaille dans un grand magasin de vêtement du Centre commercial ABC d’Achrafiyeh, Mohammad (lauréat), au corps tout aussi « sculpté » que celui d’Elie, est inscrit en Affaires internationales à l’Université Arabe de Beyrouth.

Tous et toutes partagent le même espoir : la reconnaissance de cet investissement personnel et une percée dans le monde la mode : c’est-à-dire exprimé très concrètement, « sortir du Liban ». Ils et Elles seront interrogés sur les raisons de leur présence à ce concours, leur relation à la beauté et devront s’efforcer de convaincre par leur réponse le jury responsable du questionnaire, que « esthétisme peut rimer avec l’expression d’une personnalité ».

miss-beyrouth-c.jpg Revenons dans la salle. Parmi les 140 invités, des familles entières sont descendues de la vallée chiite de la Bekaa pour soutenir leur progéniture. « 50 % des filles candidates sont de confession musulmane chiite » affirme le maître des cérémonies. On est donc bien au Liban où l’engagement religieux le plus strict laisse néanmoins la place à l’adaptabilité, phénomène bien rôdé chez les descendants d’Ali, le gendre du Prophète. Les parents sont même plutôt fiers de voir leur fille se produire en décolleté avantageux, avancer d’un pas aussi nonchalant que provocateur devant les caméras et tenter de « séduire » simultanément le jury et la presse. Les « grands frères », de solides gaillards de la Békaa, veillent toutefois d’un œil attentif à la bonne « sécurité » de leurs petites « sœurs ».

« La beauté est plus forte que l’argent et la religion ne doit pas s’en mêler », lance Iyad Rachid et d’ajouter mezzo voce : « si un politicien se présentait ce soir, je me ferai un plaisir de lui indiquer la porte de sortie ». Preuve que la situation politique ne cesse d’interférer, cette manifestation a été reportée à quatre reprises en raison des différents attentats qui ont frappé la capitale libanaise ces derniers mois. Iyad Rachid prévoit toutefois un « Miss & Mister Plage » légèrement plus dénudé…seulement après le déroulement hypothétique et à haut risque de l’élection présidentielle.

Avec l’aimable collaboration de la photographe libanaise (New York) Jessica Kalache : jkalache@gmail.com

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