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1 mai 2024

« Que sais-je? » sur les drogues

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Numeriser0004.jpg Ce qui frappe d’emblée Nicole Maestracci dans son introduction du « Que sais-je ? » sur « Les Drogues », c’est le « contraste entre l’extrême banalité de ces désirs humains » qui fournissent, selon elle, autant de motivations à consommer et le « vocabulaire dramatisant qui qualifie les problèmes posés par la consommation ».

Entre l’interdit, moral ou législatif, situé au coeur du désir et le déni d’une confrontation avec ces vicissitudes du quotidien perçues comme insoutenables par un nombre croissant d’êtres humains, la tentation de la prise de drogue trouve de multiples failles par où s’engouffrer. Désir nous dit la Magistrate ? Oui très probablement mais lequel ? Quel « désir » peuvent par exemple rassembler les deux millions de jeunes Iraniens qui se droguent en République islamique ? Faut-il y voir une conséquence des 40 % de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté et d’un taux de chômage qui affecte plus de 20% de jeunes dont une grande part de diplômés universitaires? Quel rapport avec la forte consommation occidentale du Cannabis, la substance notamment la plus expérimentée en France : 5 filles sur dix et 56 % de la population masculine adolescente, soit plus de la moitié des 17-18 ans ? Quel lien faut-il encore entrevoir avec la forte augmentation de l’usage des drogues chez les cadres d’entreprise, comme le révélait récemment le Figaro dans son édition du 3 mai 2006 ?

Jeunes Iraniens sans emploi, crise de l’adolescence caractérisée par la multiplication des prises de risques, cadres européens mus par un souci aigu de performance et de contrôle, tous ne se retrouvent-ils pas d’une manière ou d’une autre, englués dans une lutte avec le réel ?

Au-delà des carences affectives et des déficits identitaires qui pointent chez l’individu, des facteurs effectifs de risque, l’environnement, nous rappelle l’auteur du « Que sais-je ? » compte également pour beaucoup dans sa décision de consommer. L’histoire personnelle du sujet, ses relations familiales, ses perspectives sociales définissent divers comportements vis-à-vis de la drogue à même de distinguer aujourd’hui l’usage, l’usage nocif et la dépendance. Contrairement à la cocaïne, à l’ecstasy ou aux fortes doses d’alcool, la neurotoxicité, le risque de destruction des neurones, n’est pas démontrée dans le cannabis, explique Nicole Maestracci. Celui-ci n’entraîne, par ailleurs, aucune dépendance physique comme celle des opiacés, les différents produits issus de la culture du pavot. Son vrai danger provient plutôt du fait qu’il retarde la confrontation avec le réel. En phase avec les hésitations adolescentes, il recule le moment de passage à l’âge adulte, phénomène d’autant plus inquiétant lorsque son usage est associé à celui de l’alcool, relevant alors sensiblement les dangers potentiels des deux drogues en matière de sécurité routière, de comportements violents et de conduites sexuelles à risque. Les spécialistes demeurent par ailleurs divisés sur le sujet de son interdiction. Les uns relèvent que le niveau de consommation des jeunes Néerlandais, autorisés à acheter une quantité de cannabis inférieur à 5g, reste l’un des plus bas en Europe. Les autres rappellent la nécessité de l’interdit (pourtant source de plaisir) et ses effets structurants sur le cataclysme pubertaire. Si le niveau d’expérimentation a doublé entre 1993 et 1999, notons avec l’Office Français des Drogues et des Toxicomanies, que cette évolution s’est inversée pour se stabiliser, en France comme dans d’autres pays européens (Finlande, Italie, Norvège, Pays-Bas et Suède), à partir de 2002.

Nicole Maestracci, « Que Sais-je » n° 1514, Les drogues, PUF, 1ère édition 2005.

Jean-Luc Vannier
Psychanalyste

Jlvannier@free.fr
06 16 52 55 20

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