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2 mai 2024

L’Edito du Psy – Islamophobie?

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jpg_bobine2008-98.jpgQu’une couverture du très sérieux « Time » s’interroge sur l’islamophobie américaine ne saurait dissimuler un phénomène qui touche aussi le continent européen: l’islam inquiète. Et pas seulement l’islamisme radical comme cela devrait être le cas. Le succès embarrassant d’un livre écrit par l’un des dirigeants de la Bundesbank en témoigne: les chaînes de télévision outre-Rhin n’ont pas pu cacher l’engouement de nombreux Allemands, y compris ceux de la SPD, pour l’ouvrage de Thilo Sarrazin dénonçant l’islamisation rampante du pays. Preuve de l’inefficacité pédagogique des déclarations politiques qui s’efforcent de séparer le bon grain de l’ivraie dans l’islam contemporain. On condamne l’intégrisme, on combat Al-Qaïda mais le préjudice moral rejaillit sur l’islam tout court. Sans que les responsables musulmans ne s’en émeuvent ou ne cherchent à y remédier, comme le regrettait l’aumônier musulman de la Gendarmerie nationale interrogé par France 24. « Islamophobie » entend-on ici ou là pour stigmatiser un comportement irrationnel, une peur sans fondement. Mais en quoi l’islam peut-il faire l’objet d’une phobie? Le syndrome phobique, rappelons-le, ne concerne pas uniquement le support objectal qui le fonde -pour les plus connus: la foule, les insectes, l’avion, l’ascenseur- mais aussi le sujet qui éprouve cette manifestation psychique au quotidien. Il implique la perception récurrente d’une forme d’incertitude, une source d’arbitraire de l’environnement extérieur. Laquelle empêche la négation salvatrice de l’angoisse phobique par le recours au réel et barre la voie à la réassurance susceptible d’y être puisée. On peut le dénoncer ou le regretter: une pluralité de causes nourrit aujourd’hui l’islamophobie.

A commencer par les attentats du 11 septembre 2001 pour une bonne partie de la planète. En Italie, les déclarations du leader libyen sur « la conversion de l’Europe à l’islam » suscitent la polémique. Lorsque Bernard Squarcini, le Directeur Central du Renseignement Intérieur estime dans un entretien au JDD que « la France est confrontée au même niveau de menace qu’en 1995 », il introduit dans la psyché collective, l’idée de cet arbitraire: celle d’un risque majeur susceptible de toucher chacun d’entre nous pris au hasard. Menace diffuse, encore plus insidieuse psychologiquement. Le patron du contre-espionnage a beau prendre toutes les précautions oratoires, ses précisions sur d’éventuelles actions violentes dans l’Hexagone n’en pointent pas moins des formes dévoyées de la troisième religion du Livre.

Ces craintes phobiques peuvent être renforcées par des revendications identitaires religieuses qui prétendent investir l’espace public, individuel cette fois-ci: codes vestimentaires, prohibitions alimentaires, rites comportementaux. Une des phrases les plus choquantes mais aussi les plus commentées outre-Rhin du livre de Sarrazin vise précisément cet élément : «  Je ne veux pas que mes petits-enfants et arrière-petits-enfants vivent dans un pays à majorité musulmane où le turc et l’arabe seraient largement répandus, où les femmes porteraient des foulards, où les journées seraient rythmées par l’appel du muezzin ». Dans un article d’An-Nahar, la journaliste libanaise Hiyam Kossayfi s’insurge de se voir refuser un verre de vin dans un restaurant chrétien de Beyrouth en raison du Ramadan. Le sentiment phobique, évoqué par ceux qui en souffrent, entrave toujours une liberté spatio-temporelle de mouvement. Tant physique que psychique.

Enfin, la phobie signe -renversement en son contraire- l’échec de la rencontre, l’impossibilité de la séparation originelle, rappelle la psychanalyste Irène Diamantis (Les phobies ou l’impossible séparation, Champs Flammarion, 2005). Aussi incompréhensible que déstabilisatrice pour la psyché occidentale, l’extrême réactivité à l’offense religieuse chez les musulmans met en acte ce manque de distanciation entre la rigueur dogmatique du texte et les modalités de son application.

Une collègue psychiatre de Tripoli, dans le nord du Liban, a ainsi remisé au placard la croix qu’elle portait en pendentif depuis sa communion, lorsqu’elle reçoit ses patients, majoritairement sunnites, à son cabinet. Dans son activité thérapeutique, elle entendait souvent cette réplique : « vous ne pouvez pas comprendre nos problèmes, vous êtes différente ».

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