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16 mai 2024

Christophe Tukov, magistrat niçois et candidat aux Européennes : « Ce scrutin est important pour le MoDem ».

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Le sang d’un officier de l’Armée rouge coule dans ses veines niçoises mais il n’a rien d’un Vychinski de la justice. Il aime son métier mais n’y trouve apparemment pas la possibilité de changer suffisamment le cours des choses. A côté du législatif et de l’exécutif, « le judiciaire, explique Christophe Tukov, juge d’instruction au TGI de Nice et candidat du MoDem aux élections européennes du 7 juin prochain, n’est pas un pouvoir mais une autorité ». Tout au plus une série « d’outils juridiques pour faire appliquer le droit et la procédure ». Ce jeune magistrat de 38 ans serait-il frustré du pouvoir de faire? Dès sa licence, il a éprouvé le sentiment qu’il « n’était pas fait pour le droit » sauf dans la position où il pourrait « le dire, pas le subir ». Le justiciable compatira.

S’il « ne s’interdit rien » dans ses ambitions, il assure que la « réflexion politique l’attirait dès l’adolescence », période à laquelle il allait déjà coller quelques affiches pour des mouvements proches des Verts ou, plus tard, prendre part aux manifestations contre le projet de Loi Devaquet. Quant à la prétendue recherche de pouvoir, il tire argument de sa situation dans la région Nice Côte d’Azur pour rejeter cette idée : « Dans le 06, région plutôt bleu foncé, explique-t-il en souriant, je n’ai aucune chance ». En ce sens, sa position de 25ème sur la liste Sud-Est du MoDem se veut surtout symbolique.

jpg_jpg_CHISTOPHE_TUKOVok.jpgLe déclic ? C’est à François Bayrou qu’il le doit. Et d’énumérer les raisons pour lesquelles il a adhéré au MoDem avant même sa constitution officielle : « Le rejet du bipartisme primaire et de la critique systématique », « le choix d’une position constructive et de conceptions humanistes de la politique », ce « mélange d’arbitrage et de modération qui caractérise ce troisième Parti de gouvernement possible ». L’ombre du juste milieu de la balance judiciaire, la culture du compromis planeraient-elles au-dessus de son raisonnement ? Christophe Tukov s’en défend : « Lorsqu’on est magistrat, on n’est pas un doux rêveur ». Même si elle « tranche », la justice, explique-t-il sur un ton passionné, ne « consiste pas à donner raison à une personne contre une autre » mais à faire en sorte qu’il « n’y ait plus de litige ». Et de reprendre à son compte le dicton populaire : « mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès ».

L’échéance européenne du 7 juin prochain « sera importante pour le MoDem », lance Christophe Tukov, car les enjeux de ces élections « correspondent aux thèmes traditionnels du Parti et de François Bayrou ». Ses idées sur la question européenne ? Il « soutient » la démarche du Député européen Philippe de Villiers visant à réduire les indemnités des Commissaires européens. « De manière générale, je suis favorable, explique le magistrat niçois, à la limitation des gains lorsqu’ils dépassent le raisonnable » : il serait ainsi en faveur de la « limitation des salaires des dirigeants de sociétés comme ceux des joueurs de foot ».

Ses conceptions de l’Europe ? « Une unité territoriale, culturelle ainsi que la confiance entre les peuples européens ». Cette culture n’intègre pas, selon lui, la dimension religieuse chrétienne. Celle-ci ne doit pas, en conséquence, figurer dans le préambule d’une Constitution européenne. Il se réclame plutôt de la philosophie d’Ernest Renan : « l’Europe, une volonté de vivre ensemble ». Partisan d’un renforcement des pouvoirs du Parlement européen, il exige, en outre, plus de transparence dans les travaux de la Commission européenne : le « citoyen européen doit pouvoir être informé au préalable des travaux en cours au sein de la Commission » et le « Parlement pouvoir en débattre ». Et de citer l’exemple absurde, selon lui, de la réglementation bruxelloise sur le vin rosé : « ça sort d’où ? » s’interroge-t-il à haute voix.

Christophe Tukov se dit par ailleurs favorable à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, une position « personnelle » qui n’est pas celle du Parti de François Bayrou : « ce serait un signal fort donné au monde musulman qu’on peut vivre ensemble dans un cadre politique et juridique commun ». Son net rejet du retour de la France dans le Commandement militaire intégré de l’Otan se veut, en revanche, plus conforme à l’esprit du Parti : « Un geste peu important de fait mais symboliquement désastreux ». Cela va être « perçu comme la fin de la tradition volontariste et indépendante de la France », analyse-t-il.

Décidemment plus à l’aise dans la stratégie et la diplomatie, Christophe Tukov semble marcher sur des œufs lorsqu’on aborde l’image laissée dans le public par le procès d’Yvan Colonna. Un procès qu’il refuse de commenter, arguant du fait qu’il n’a « pas toutes les pièces du dossier ». La prudence du magistrat indépendant du « Siège » l’emporte encore beaucoup sur le volontarisme de l’homme politique.


jpg_de-montgolfier.jpgInterrogé sur la candidature de Christophe Tukov, le Procureur de la République, Eric de Montgolfier a bien voulu nous communiquer les commentaires suivants :

« Indépendamment de l’appréciation que je puis porter sur Christophe TUKOV, laquelle ne saurait en rien modifier mes principes, il me semble délicat, quand on est magistrat, du Siège qui plus est, de pénétrer dans l’arène politique. Le danger n’est pas pour le magistrat, qui a par fonction l’habitude d’affronter des situations difficiles, mais pour ce qu’il représente dans une société où les décisions judiciaires sont naturellement contestées.

Il convient donc d’en assurer la protection et cela passe par l’impartialité, dont la cour de cassation comme la cour européenne des droits de l’Homme estiment qu’elle doit être objective, jusque dans l’apparence, du moins pour le juge. Restera-t-il véritablement impartial, « jusque dans l’apparence », celui qui, désireux de franchir le pas, ce qui n’est pas illégitime, aura accepté de figurer sur une liste électorale établie par un parti? Sincèrement je ne le crois pas, car ce juge expose ainsi ses décisions à la critique partisane, celle du mis en examen ou celle du prévenu qui pourra, même contre toute vraisemblance, exciper de cet engagement public. A cet égard peu importe le parti, voire les chances du candidat d’être élu, peu importe la réalité de son indépendance par rapport au parti auquel il adhère. Il suffit que celui qui subit la décision judiciaire puisse, même de mauvaise foi, se prétendre victime du juge, non des faits qui lui sont reprochés.

L’exigence est considérable, j’en conviens, mais elle me semble découler de la fonction de juger. Ce choix emporte le reste et comporte de multiples contraintes, celle parfois de ne pouvoir être soi-même, comme une ascèse. En découle naturellement, de mon point de vue du moins, l’interdiction pour le juge de s’écarter de sa fonction, sinon pour n’ y point revenir. La femme de César ne peut être soupçonnée car le soupçon qui l’atteint ricoche sur ce qu’elle représente. Le juge pourrait-il l’être sans dommage? Dans une société qui voit s’effriter la morale publique l’intérêt de la Justice conduit à l’écarter, plus que jamais. »

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