Près de deux ans après le remplacement des emblématiques Vélos Bleus par Pony et Lime, la promesse d’une mobilité moderne et accessible est mise à l’épreuve. Si les nouvelles technologies séduisent, les tarifs élevés et le stationnement font grincer des dents.
L’association Nice à Vélo a fait ses comptes. Les vélos Pony et Lime sont utilisés, c’est vrai, mais surtout par les vacanciers. Pour les Niçois, ils ne représentent pas une vraie alternative. En cause, un frein simple et massif : le prix.
Au lancement, Lime facturait 3,99 € la demi-heure et Pony 3 €. Deux ans plus tard, les deux opérateurs se sont alignés : 5,99 € les 30 minutes. Concrètement, un trajet de dix minutes revient plus cher qu’un ticket de bus ou de tram. Pour les habitants, le vélo partagé est devenu un petit luxe.
Jérôme, 52 ans, infirmier, en a fait l’expérience. Pendant quelques mois, il rentrait de l’hôpital en vélo. Dix minutes de trajet, quelques rues à descendre. « Mais ça me coûtait presque quatre euros à chaque fois », explique-t-il. « Au bout d’un moment, j’ai arrêté. Je préfère marcher. »
Résultat : Pony et Lime restent pratiques pour un dépannage, une urgence, ou une balade improvisée. Mais pas pour les trajets réguliers. Comme le résume Patrick : « on a l’impression que ces vélos sont pensés pour les touristes, pas pour nous. »
Stationnement : moins de chaos, mais toujours des embouteillages
Au début, c’était le grand n’importe quoi. Des vélos posés en travers des trottoirs, devant les commerces, ou abandonnés comme des trottinettes fatiguées. Depuis, des zones de dépôt ont été aménagées, et la ville a retrouvé un peu d’ordre.
Mais dans les lieux très fréquentés, l’anarchie n’est jamais loin. Promenade des Anglais, Quai des États-Unis… les zones saturées débordent, et les vélos s’entassent en pyramides colorées.
Marion, 22 ans, étudiante en droit, connaît bien le problème. Elle utilise Pony une ou deux fois par semaine pour aller à la fac. « Quand c’est plein, je pose le vélo comme je peux. Pas question de tourner cinq minutes de plus pendant que le compteur tourne. »
Trois problèmes majeurs sont identifiés :
• L’absence de limitation de capacité dans les zones : les plus fréquentées débordent facilement.
• La tarification à la minute incite les usagers à terminer leur course au plus vite, parfois en négligeant le stationnement.
• Les usages frauduleux, comme le déblocage forcé, entraînent dépôts sauvages et contournement des règles.
L’écologie en trompe-l’œil
Sur le papier, Pony et Lime cochent toutes les cases du transport écolo. Dans la réalité, c’est moins brillant. Exemple : selon l’association Nice à Vélo, Lime a remplacé l’intégralité de sa flotte au bout d’un an seulement. Mille vélos partis à la casse ou au recyclage, personne ne sait vraiment. Mille vélos flambant neufs arrivés à la place. Pas sûr que l’empreinte carbone s’y retrouve.
Et puis il y a l’usage. Ces vélos remplacent rarement une voiture. À Nice, ils sont surtout utilisés par des touristes qui, sans eux, auraient marché, pris le tram… ou se seraient installés à la terrasse d’un café.
Autrement dit, leur impact environnemental est bien plus faible que ne le laisse entendre la communication officielle.
Un choix politique assumé
Si ces vélos sont là, c’est parce que la Métropole a fait un choix : déléguer le service à des opérateurs privés. En échange, elle encaisse une redevance d’occupation du domaine public. Ce qui devait être un service de mobilité pour les habitants est devenu un produit calibré pour l’image et pour l’attractivité touristique.
Pendant ce temps, le fameux Plan Vélo 2021-2026 prévoyait un service de location longue durée, abordable et pensé pour le quotidien. Quatre ans plus tard, toujours rien. Résultat : les Niçois continuent d’attendre une solution durable, pendant que les touristes filent joyeusement le long de la Promenade…