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27 juillet 2024

L’Edito du Psy – Spécial Opposition iranienne

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Forte d’un « soutien croissant dans la population », la « vague verte » de l’opposition iranienne issue des élections contestées du 12 juin dernier réfléchit désormais à son « futur ». Que constate-t-elle ? Qu’elle dispose, selon le proche collaborateur d’un des leaders de l’opposition, de « soutiens latents au sein de certaines institutions » : au gré de manifestations, l’armée traditionnelle et la police ont, selon lui, montré dans les cortèges une « forme de compréhension », sinon de sympathie envers la population. Dès le lendemain des élections, les responsables nationaux de la police ont d’ailleurs écrit une lettre au Conseil National iranien de Sécurité expliquant leur incapacité à faire respecter l’ordre. La réaction de ce dernier a été immédiate : des officiers appartenant aux Sepah-e Pasdaran ont été intégrés au commandement de la police. Les responsables de l’opposition n’ignorent toutefois pas que « la police comme l’armée ne se confronteront pas directement avec le Corps des Gardiens de la révolution ».

jpg_Ghods1ok.jpgL’opposition relève aussi des divergences chez les Gardiens de la révolution eux-mêmes: plusieurs des officiers de ce Corps ont été arrêtés pour avoir refusé d’exécuter des ordres répressifs. Enfin, note ce responsable de la « vague verte », des familles iraniennes qui bénéficient d’une légitimité incontestable auprès du régime en raison du nombre impressionnant de martyrs pendant la guerre contre l’Iraq, se sont mises à le critiquer ou à le soutenir de manière plus distanciée. Et de prendre pour exemple les descendants de Mehdi Bakeri, ancien Commandant du corps d’élite « Achoura », tué lors de combats contre les Iraquiens dans la province du Khouzistan. Son frère Hamid est également tombé dans cette guerre mais son corps n’a jamais été restitué à la famille tandis qu’un autre frère Ali, fut victime du régime du Shah. Autant de « références » auparavant revendiquées par les mollahs mais dont se servent désormais les opposants pour réclamer « qu’ils ne soient pas morts en vain ». Les attaques du quotidien officiel « Kayhan » contre ces familles attestent de ces évolutions. La lettre adressée au guide Ali Khamenei par le chef de file des artistes officiels Mohammad Nourizad (https://mohammadnurizad.blogfa.com) où il compare les piètres résultats de l’Iran à ceux de la Turquie -une insulte pour qui connaît la mentalité perse- témoigne elle aussi de cette distanciation d’une fraction de la population à l’égard du pouvoir.

jpg_Ghods2ok.jpgEnfin, les religieux affichent aussi leurs divergences. La première a concerné la désignation du jour de l’Eid El Fitr qui signe la fin du Ramadan : le choix du dimanche par le Guide Ali Khamenei a été contesté par une majorité de clercs chiites, « signe manifeste d’un refus complet d’allégeance », selon les opposants. Des discussions serrées entre le Guide et des religieux ont également marqué le choix des slogans qui ponctuent traditionnellement le défilé de la journée « Al Qods ». Enfin, au cœur même des institutions, les travaux du « Majlis-e Khobregan », « l’Assemblée des Experts », instance dirigée par l’ancien président Hachemi Rafsandjani, laissent deviner, selon ce responsable, un fractionnement de ses membres entre les inconditionnels du régime, les partisans -encore minoritaires- des prétendants malheureux à la présidentielle de juin et un « grand nombre d’indécis ». Une situation à même d’offrir « un potentiel considérable de changement » dans cette structure qui désigne et révoque le Guide suprême. Certes, l’opposition ne s’attend pas à un mouvement d’humeur immédiat et brutal de cette Assemblée contre le régime. Nombreux sont ses membres que « les Sepah-e Pasdaran sont parvenus à impliquer dans des affaires de corruption financière » et qui les rendent « vulnérables ». Cette Assemblée qui doit se réunir très prochainement, précise-t-il encore, est « conservatrice par nature » sans parler de la dureté du régime qui, depuis les élections, les incite à la plus grande prudence.

jpg_Ghods5ok.jpgLe principal obstacle aux changements et aux progrès de l’opposition réside toutefois dans le contrôle des médias par le régime. Indépendamment de l’utilisation systématique de matériel d’écoute des conversations et des messageries pour laquelle « les firmes Nokia et Siemens sont pointées du doigt », l’opposition dénonce un « brain washing » permanent et la mise sous contrôle de la radio et de la télévision nationale par les Gardiens de la révolution. En cause, Ezatollah Zarghami, révolutionnaire de la première heure accusé d’avoir pris part à l’assaut contre l’Ambassade américaine à Téhéran. Ancien conseiller de Ali Larijani lorsque celui-ci était à la tête de la Radio et Télévision Nationale iranienne, il lui succéda à ce poste après la désignation du premier comme Chef de la délégation iranienne chargée de négocier la question nucléaire avec les occidentaux. « Il existe des personnes en dehors de Téhéran qui ne savent même pas l’existence du mouvement vert », se plaint en outre ce responsable qui souligne néanmoins le « degré de conscience élevé des habitants des grandes villes en dehors de la capitale ». « Même à Rasht », ville dont les habitants font régulièrement l’objet de plaisanteries dans la culture iranienne traditionnelle, commente avec humour notre interlocuteur.

jpg_Ghods6ok.jpgUne dynamique à l’origine d’un « déplacement des abstentionnistes du 12 juin qui refusaient de voter en raison de l’appartenance de tous les candidats au même sérail mais qui ont, depuis, rejoint les rangs de la vague verte ». Un « changement d’environnement politique notable », explique-t-il encore, qui repose sur un apparent paradoxe : en premier lieu, « la majorité des personnes favorables à l’opposition a dépassé le questionnement sur la confiance à accorder aux opposants » et la « crainte d’un simple règlement de compte entre gens du pouvoir ». Et ce d’autant plus que les responsables de l’opposition savent qu’ils demeurent très fragiles. Et d’affirmer : « Rafsandjani aurait déjà été arrêté s’il ne bénéficiait pas de la protection du soutien populaire ». Ensuite, et contrairement à 1979, la population ne souhaite plus confier sa destinée à un seul leader charismatique. « Il fallait, confie ce responsable, entendre la foule lors de la prière du vendredi prononcée par Rafsandjani en juillet dernier »: à son arrivée, elle lui criait « qu’elle se sentirait trahie s’il ne prenait pas partie explicitement pour l’opposition » : le soutien, on le voit, est « minutieux, conditionnel mais aussi massif ».

D’où une stratégie de l’opposition qui s’organise « malgré tout » : coordination étroite et répartition des rôles entre les différents responsables comme l’a montré le traitement du dossier des personnes torturées en prison par le seul Mehdi Kerroubi. Cette division volontaire des tâches répond en outre à un souci pragmatique et de pérennité : « établir un mouvement qui ne dépende pas seulement de ses leaders ».

jpg_Ghods7ok.jpgDeux grandes interrogations taraudent néanmoins cette opposition : l’actualité de la question nucléaire et celle de la démocratie. Sur le premier thème, l’opposition rappelle que le régime excelle à faire son miel de la violence régionale. Les durs du régime ont tenu la guerre avec l’Iraq pour une « bénédiction » et considèrent aujourd’hui la menace d’une attaque israélienne sur les sites nucléaires comme « le meilleur moyen de resserrer les rangs autour du Guide ». Les provocations du Président Ahmadinejad à l’encontre d’Israël sont d’ailleurs à l’origine d’une lettre sulfureuse de Mehdi Khazali, dont le père, l’Ayatollah Abolghasem Khazali est membre de l’Assemblée des experts. Médecin, Mehdi Khazali a publié sur son blog (https://www.drkhazali.net) une diatribe qui s’interroge sur un « agenda juif du président Ahmadinejad » et sur « les raisons pour lesquelles celui-ci aurait caché son vrai patronyme, Seboorchian, un nom juif ». Une initiative qualifiée par de nombreux Iraniens de « Noon be nerkhe rooz khor », un retournement de veste mais qui reste significative du « vent qui change de sens ».

Certains des leaders de la « vague verte » craignent d’ailleurs qu’une opération militaire israélienne ne conduise à un « éclatement ethnique de l’Iran » et ne permette au régime de « transférer la plupart des leviers de l’Etat entre les mains des Sepah-e Pasdaran ». Ils demeurent conscients des risques de critiques inhérents à cette idée : celles de les faire passer pour des soutiens latents du régime. D’où la ligne médiane adoptée par Mehdi Kerroubi et Mir Hossein Moussavi sur ce thème : « la politique actuelle du régime sur cette question ne correspond pas aux intérêts nationaux du pays ». Quant à l’établissement des relations avec les Etats-Unis, l’ancien président Mohammad Khatami « subit quotidiennement des critiques très dures pour n’avoir pas fait progresser ce dossier ». Mais « il n’avait pas les moyens nécessaires pour le faire », plaide encore cet interlocuteur.

jpg_Ghods8ok.jpgLe thème de l’instauration de la démocratie en Iran alimente également bien des débats au sein de l’opposition. Les intellectuels membres du mouvement reconnaissent un problème de « compatibilité » entre le principe du « Velayat-e faqih », le gouvernement des doctes, et celui de la démocratie. Ce principe, de même que la structure du « Shora-ye negahban », le Conseil des Gardiens de la Constitution en charge de valider les candidatures à la députation, sont dans le collimateur de l’opposition. Mais « à terme », est-il précisé, tant pourrait se révéler « fatal » pour l’opposition le fait de « trop demander et trop tôt ». D’ici là, cette dernière préfère mettre en avant le « troisième chapitre de la Constitution iranienne » qui garantit le « pouvoir du peuple ». Il faut des « finalités réalisables, admissibles et à même d’être soutenues par la plus grande part de la population ».

En attendant, la prochaine étape vise à « établir un réseau de soutiens indépendants dans la communication ». Pas question de créer une radio et une télévision de l’étranger et au nom des leaders, ce qui « placerait ces derniers sous une insupportable pression du régime ». Ce responsable rejette également l’utilisation des télévisions iraniennes établies par l’opposition aux Etats-Unis, « trop radicales à ses yeux par leur revendication d’un changement de régime » et qui risquerait de provoquer une destruction pure et simple du pays. La « vague verte » envisage plutôt « la multiplication de supports médiatiques favorables à l’opposition » et dont l’initiative pourrait revenir à la diaspora iranienne. Un enjeu de taille lorsqu’on sait les susceptibilités nationalistes des iraniens sur l’image de leur pays.

NB: Toutes les photographies ont été prises clandestinement lors de la journée « Al Qods » du 18 septembre dernier à Téhéran. Que le photographe qui a couru les risques d’une arrestation trouve ici l’expression des remerciements sincères de l’auteur.

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