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21 octobre 2024

Porcupine Tree au Palais Nikaia, une odyssée progressive en terre niçoise

Mercredi dernier, les archanges du rock progressif britanniques se sont élevés dans le ciel azuréen. Le groupe achevait sa tournée française avec la date niçoise, après un passage obligé par le Hellfest.

Les membres du groupe Porcupine Tree ne s’attendaient visiblement pas à trouver autant de monde pour assister à leur récital. Galvanisé par les 2 000 à 3 000 fans présents, le groupe s’est senti pousser des ailes pour donner le meilleur de lui-même. 

Malgré un fâcheux contretemps fait marquant à souligner toutefois, le concert fut émaillé par un léger incident, l’absence de bassiste (un poste occupé à l’époque par Colin Edwin). Un désagrément, notamment pour la dynamique des morceaux mais qui, lorsque l’on a la chance d’avoir le « métronomique » Gavin Harrison à la batterie, relève du léger inconvénient, tout au plus.

C’est donc sans bassiste que le show commence et le moins que l’on puisse dire c’est que le groupe a décidé de frapper fort tout de suite. En effet l’excellent Blackest Eyes, premier morceau du monumental In Absentia avec son intro rythmiquement fracassante vient tout de suite nous rassurer quant à l’envie du groupe de faire parler la poudre, ce soir l’Arbre Porc-Épic a sorti ses plus belles épines et ce n’est certes pas pour nous déplaire. Puis c’est au titre Harridan de débarouler, peut-être le meilleur morceau de leur dernier album, avec sa basse funkisante et ses passages rythmiques pachydermiques, manque de bol, la basse n’était présente qu’en bande pré-enregistrée, qu’importe, Sir Gavin veille au grain et nous envoie un groove stratosphérique qui suffira à satelliser le morceau, démontrant, une fois n’est pas coutume qu’il est un des plus grands batteurs de son époque, voire de l’histoire du rock de manière plus générale, pas un hasard d’ailleurs qu’il fasse partie de la team King Crimson

Arrive donc le très apaisé : Of the New Day, extrait également du dernier album, une balade folk toute en nuance comme sait si bien les composer Mr Wilson, un clair-obscur mélancolique et puissant, marque déposée du multi-instrumentiste anglais. S’en suivra Mellotron Scratch, extrait de l’album de l’homérique Deadwing. Quelle joie d’entendre ce magnifique titre qui plus est en live, encore une fois la mélancolie qui s’en dégage fait mouche, les passages arpégés associés aux chants en canon qui s’entremêlent donne à l’ensemble des allures de douce mélopée teintée d’onirisme. Un tremplin pour annoncer l’exceptionnel Open Car, très apprécié par les connaisseurs.

 De retour avec le dernier album, le morceau Dignity nous offre un petite parenthèse « Bowiesque » avant de retomber sur l’album In Absentia et le très prophétique The Sound of Musak, dans lequel il est question de l’appauvrissement culturel global, de l’avènement d’une musique désincarnée, sans âme, dont le seul but étant le consumérisme et l’anesthésie des masses, le tout dans l’indifférence générale: « The music of the future will not entertain, it’s only meant to repress and neutralize your brain, soul gets squeezed out … And no-one cares enough ».

S’en suivra un petit saut dans le temps avec le morceau Last Chance to Evacuate Planet Earth Before It Is Recycled, extrait de l’album Lightbulb Sun sorti en 2000. Là aussi la thématique sociétale y est plus que jamais prégnante. 

Un groupe qui ne manque pas d’humour


C’est ainsi que nous arrivons au moment incongru de l’entracte… Les 25 minutes écoulées nous voilà donc de retour dans l’antre du Nikaia, bien décidés à célébrer comme il se doit cette fête du rock progressif, hélas, si rare sur nos terres azuréennes. Le groupe est déjà sur scène prêt à en découdre et à nous asséner sa pièce d’orfèvrerie, le morceau le plus long qu’ils aient jamais pondu, le titanesque Anesthetize, présent sur l’album Fear of a Blank Planet avec ses plus de 17 minutes de déferlante progressive.

Mais juste avant, sir Wilson a décidé de nous faire part de leur récente prestation au Hellfest, ironisant sur le fait qu’il trouvait quand même ce festival très métal et qu’ils étaient peut-être un peu « light » pour l’événement et, sous les rires et sourires approbateurs du public de renchérir : « c’était vraiment super de jouer devant autant de personnes, une marée humaine qui s’étendait à perte de vue, des milliers de personnes qui étaient là dans le seul et unique but de patienter avant de voir performer Iron Maiden qui jouait juste après nous ». L’hilarité collective est immédiate. Force est de constater qu’il y a tout de même un peu de vrai dans les dires du bonhomme.

 Bref, c’est sur cette petite note d’humour bien sentie que le combo britannique décide d’entamer ce qui pourrait bien être sa Chapelle Sixtine, une cathédrale sonore aux allures d’épopée progressive au sein de laquelle, chacun a un poste bien défini, on retrouve donc l’immense Gavin Harrison dans le rôle du chef architecte qui, non content d’édifier une forteresse rythmique fait littéralement chanter sa batterie note après note (fait tout de même rarissime pour un batteur), dans le rôle de l’organiste, on retrouve le très shamanique Richard Barbieri, véritable ensorceleur qui aura su donner à cette grand’mess progressive des allures de transe quasi-hypnotique et bien évidemment dans le rôle du grand ordonnateur, Mr Steven Wilson, impérial, qui semble définitivement avoir bloqué son compteur à 20 ans.

Les derniers morceaux défilent donc sous nos oreilles comblées et nous sentons, à regret, l’heure de se quitter arriver à grands pas mais juste avant et en guise d’ultime rappel, sir Wilson se permet une dernière aparté en s’excusant (toujours sur le ton de l’ironie, humour British oblige) de ne pas avoir de réel tube à nous proposer: « Sorry but we don’t have any Sweet Child O’ Mine or any Sweet Home Alabama, but, you know, it’s a good thing cause we can play what f*** we want!!! » Littéralement, nous sommes désolés de ne pas avoir un Sweet Child O’ Mine ou un Sweet Home Alabama mais finalement c’est une bonne chose car p***** nous pouvons jouer exactement ce que nous voulons!!! » Ils ont fini par se fier aux écoutes Spotify afin tout de même d’en dégager un, le plus écouté donc, le folkissime: Trains, présent également sur l’album in Absentia, décidément ce live aura fait la part belle à ce magnifique album et ce, pour mon plus grand plaisir.

Quoi de mieux finalement pour se séparer qu’une ballade mélancolique mais néanmoins chargée d’espoir, sur des trains en partance pour l’inconnu, un peu comme deux amants qui se diraient en revoir sur le quai d’une gare, le coeur gros mais riche de cet amour qu’on ne pourra jamais leur enlever.

Aurélien Maccarelli

Auteur/autrice

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