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2 mai 2024

Mr OneTeas : rencontre avec un artiste conjurateur des maux

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Les œuvres d’Anthony Alberti sont parfois drôles, souvent saisissantes. Cet artiste autodidacte a sa vision bien à lui de la société et de ses excès. À l’occasion de son exposition « Reality Show 2.0 » à l’espace Lympia de Nice, rencontre passionnante avec celui qu’on surnomme Mr OneTeas.


«Mr OneTeas» est un nom un peu mystérieux, d’où vient-il ?

À l’origine, mon nom de graffiti c’était Teas qui signifie « Taquiner » en anglais. J’ai toujours été taquin dans ma manière d’être, je le suis encore aujourd’hui à travers mes œuvres et les messages que je véhicule. C’est devenu ensuite Mr OneTeas, un peu à la manière de Dr Jekyll et Mr Hyde. Dans le graffiti on a tous deux faces, la publique et celle de l’ombre. Ce Mr OneTeas c’est mon Mr Hyde à moi. Mon anonyme artistique.

Comment est venue cette envie de créer, de fabriquer des objets en tout genre ?

Quand j’étais petit, je passais tous mes week-end chez mon oncle et ma tante. Ils m’emmenait dans beaucoup de musées et ont contribué au développement de ma curiosité artistique. J’ai participé à de nombreux ateliers, c’est drôle, vu qu’aujourd’hui j’en anime également. Je ne me souviens pas bien, mais je dessinais aussi des clowns qui pleurent. J’avais déjà envie de faire pleurer Ronald Macdonald.

Je n’étais pas vraiment artiste, plutôt sportif, mais j’étais très curieux. À mes 20 ans, un ami m’a proposé de peindre et je me suis fixé le défi de m’améliorer tant que je ne serai pas assez bon. Il y a 14 ans, en 2005, j’ai réalisé mon premier graffiti. Je n’ai jamais arrêté depuis. En 2011, j’ai commencé à vouloir faire des toiles, j’ai quitté mon travail en juin et j’ai monté ma première exposition. Tous mes tableaux se sont vendus, ça m’a permis de vivre une année, et de recommencer par la suite.

Les objets ont toujours eu une grande importance pour moi. Je suis un collectionneur de trucs anciens. Je suis un peu un chasseur. Quand je passe en voiture et que je vois quelque chose d’intéressant, je m’arrête et je le récupère. Ces choses que j’accumule, j’ai envie de les immortaliser mais aussi de les faire partager à tout le monde. L’idée, c’est d’utiliser un objet du passé pour délivrer un message actuel.

Peut-on te considérer comme un artiste engagé ?

L’expression artiste engagé je l’aime pas trop à la base. Les gens aiment bien dire ça pour signifier qu’on transmet un message. Les artistes devraient tous être engagés. On est dans une époque où le beau a pris le dessus sur le sens. Les gens mettent des tableaux colorés chez eux pour avoir l’esprit léger et ne penser à rien. Mes tableaux ne sont pas des petits trucs mignons qu’on va afficher pour se vider la tête. Je les vois comme des choses avec lesquelles on envie de vivre. Des messages auxquels nous sommes confrontés ou qui nous correspondent. C’est pour ça que mon travail a beaucoup évolué. Mon rôle est de faire passer un message d’alarme ou un message positif.

Quelles sont les difficultés qu’on rencontre en montant une exposition ? Ton engagement peut-il être un frein ?

Autrefois, les galeristes prenaient en charge les coûts de production, l’encadrement, les charges. Il y avait un engagement mutuel. Aujourd’hui, il existe encore des galeries qui soutiennent les artistes, mais c’est plus rare. Beaucoup de mes semblables n’arrivent pas à monter une exposition parce que ça coûte cher, ça prend du temps et c’est un véritable métier. Grâce à mes précédents emplois, j’ai ce goût pour l’organisation et la gestion. Ça m’a beaucoup aidé.

Pour ce qui est de la nature de mes œuvres, tout dépend des galeristes. Certains vont avoir un coup de cœur sur une série complète ou une création en particulier. On peut même me laisser carte blanche pour exposer ce dont j’ai envie. Parfois, je ne peux pas exposer des travaux par peur de l’opinion du public et des réactions. Je le comprends aussi.

Le conditionnement est un mot qui revient souvent dans ton vocabulaire. Peux-tu le définir avec tes propres moyens ?

C’est un mot que j’utilise souvent pour une raison simple. Plus les années passent, et plus êtres humains sont conditionnés. Que ce soit par l’éducation, avec ce qu’on nous inculque, ou par la télévision avec la publicité. Avec l’expérience de Milgram*, l’idée était de montrer qu’une figure d’autorité avait une certaine emprise et un pouvoir sur les gens. L’expérience a été réitérée en 2009 avec comme figure d’autorité un présentateur télé. Les résultats sont édifiants. Il faut avouer qu’on est tous un peu abrutis par le divertissement de masse aujourd’hui. On ne passe pas au travers. Quoi que tu fasses, tu seras toujours conditionné, même si tu décides de vivre seul dans la montagne. On subit un conditionnement incessant.

L’art est-il aussi victime du conditionnement ?

Dans l’art, il y a un double tranchant. D’un côté il y a tous les phénomènes de mode et des artistes qui produisent des œuvres dénuées de sens. Nombreux sont ceux qui profitent de ces modes pour faire de la communication. Sur instagram, la notoriété d’une personne se mesure avec le nombre de personnes qui la suivent. Avant même de regarder le contenu tu vas liker du fait de la notoriété. Comme un mouton, tête baissée, tu fonces. Une fille qui va montrer ses fesses va récolter des milliers de likes, alors que le type qui veut faire avancer le monde n’obtiendra qu’une attention minime.

L’emprise des réseaux sociaux est un thème présent dans ton exposition. Quel est ton rapport au virtuel ?

Le Reality Show ça signifie que le gens vivent aujourd’hui dans une « réalité » qui est en fait une « virtualité ». Au travers des réseaux sociaux, les gens vendent une réalité qui n’est pas la leur. Je ne suis pas contre les réseaux sociaux. Pour moi, c’est comme le tabac ou l’alcool, il faut les consommer avec modération. Je préfère vivre parmi le réel plutôt qu’au travers du virtuel. Mais sans ces réseaux, tu ne peux plus toucher le monde. On ne lit plus la presse papier ou très rarement. On le voit, les journaux mutent aujourd’hui sur internet. Les gens passent beaucoup de temps sur leurs écrans, emprisonnés dans leurs selfish phone.

Plus le monde est pourri, plus l’art est utile ?

L’art c’est un grand mot. Et aussi une notion subjective. L’art existe dans les yeux de celui qui le contemple. On nous a toujours appris en philosophie la notion d’art et de Beau. Il y a des choses qui me touchent, d’autres qui me touchent moins. Je ne suis personne pour juger les pratiques artistiques du monde entier. En revanche, j’apprécie le travail réalisé, la manière dont il est réalisé. Je peux trouver une toile horrible mais j’irai toujours me rapprocher pour savoir comment elle a été faite. Il faut se rendre compte du travail derrière chacune des œuvres.

Aujourd’hui on avance dans un monde où les gens ne sont plus centrés sur les autres, mais sur eux-mêmes. Ils se regroupent pour revendiquer des choses, mais il faudrait aussi se rassembler pour les bonnes choses. Je pense que le monde va mal, j’essaye de mettre des images et des œuvres sur des maux. Je les clarifie avec mes mots explicatifs. Mon utopie à moi c’est de croire en un monde meilleur par la force de notre action.

Quand j’entends des gens qui bavardent et disent « Regarde le monde dans lequel on vit », j’ai envie de répondre : « Le monde dans lequel on vit c’est celui que tu construis tous les jours ».

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