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19 avril 2024

« L’Orient arabe à l’heure américaine », par Henry Laurens : comprendre un Orient toujours aussi compliqué.

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Si l’arrivée prochaine d’un nouveau président des Etats-Unis s’apprête à modifier, peut-être moins en profondeur qu’on ne le pense généralement, « l’heure américaine » au Proche et Moyen-Orient, ce dernier demeurera toutefois une région forcément complexe. Pour deux raisons fondamentales si l’on en croit la lecture de l’ouvrage écrit par l’historien Henry Laurens et récemment réédité chez Hachette Littératures. Comment les pays de cette zone pourraient-ils en effet maintenir une culture politique spécifique qui, selon l’auteur, « intègre en permanence les interventions étrangères » tout en faisant reposer leur système politique sur des « équilibres qui lui assurent une certaine stabilité en dépit de convulsions périodiques » ? Sans doute est-ce cela que le Général appelait « un Orient compliqué » ?

jpg_laurens.jpg Le titre l’indique clairement : les nombreuses réflexions historiques déjà publiées par l’auteur n’en font pas un novice en la matière et l’autorisent donc à ne pas s’embarrasser d’une interminable introduction sur le monde arabo-musulman contemporain. Tout commence donc au lendemain de la guerre du golfe contraignant les troupes de Saddam Hussein à se retirer du Koweït, envahi quelques semaines plus tôt. L’expérience et la connaissance de terrain du Professeur au Collège de France lui permettent d’afficher une double compétence : une première approche ratione materiae traite ainsi des grands dossiers qui ont marqué le PMO ces dernières années : le laborieux lancement, les vicissitudes et les espoirs toujours douchés des processus d’Oslo I et II lesquels devaient assurer la paix entre Israéliens et Palestiniens jusqu’aux détails des ultimes ratages de la rencontre de Camp David entre Barak et Arafat. Avec peut-être, notons le au passage, une relative indulgence de l’auteur sur des responsabilités palestiniennes parfois sous-évaluées: corruption notoire de Yasser Arafat et incapacité du milicien de l’OLP de revêtir les habits véritables d’un chef d’Etat. La genèse militaro-diplomatique du projet de « Grand Moyen-Orient » conçu par l’Administration Bush ou les conditions d’élaboration de la « feuille de route » pour palier aux échecs des négociations israélo-palestiniennes viennent compléter cette liste non exhaustive. Un second volet ratione loci propose une étude fouillée, particulièrement bien étayée – les universitaires tout comme les lecteurs profanes exigeants apprécieront l’intégration des documents officiels et des tableaux dans le corps de l’ouvrage – des pays de la région dont les évolutions politiques, économiques et sociales au cours de ces années sont littéralement passées au peigne fin : transitions incertaines en Syrie après la disparition de Hafez El Assad et parenthèse vite refermée d’un « Printemps de Damas » par son second fils Bachar, changement in extremis de succession au royaume de Jordanie, ouverture aussi timide qu’inéluctable aux nouvelles générations du pouvoir saoudien afin de tenir compte des difficultés financières du pays qui remettent en cause la nature du lien traditionnel d’allégeance, manœuvres de Saddam Hussein qu’Henry Laurens nomme étrangement « capacités » sans nous en dire plus et qui viennent effectivement dilapider les efforts français et russes destinés à convaincre le Conseil de Sécurité à lever l’embargo – au point qu’un Ambassadeur de France à New York interrogera un jour avec une irritation non feinte le Ministre Tarek Aziz sur les véritables intentions du dictateur iraquien -, montée paroxystique de la crise libanaise jusqu’à l’assassinat de l’ancien premier Ministre Rafic Hariri, bref, rien ne manque à la fois dans le descriptif et l’analyse d’événements qui donneront à tout spécialiste de cette zone, le sentiment de les revivre en direct.

Avec en toile de fond ce que l’ancien Directeur du Centre d’Etudes et de Recherches du Moyen-Orient à Beyrouth qualifie de « choix américains ». Au risque de laisser accroire chez le lecteur le sentiment de quelque « main invisible » et comploteuse que fort heureusement, les derniers chapitres sur les « difficultés américaines » viennent aisément démentir. En dépit de ces faits savamment et précisément exposés, l’auteur s’en tient finalement à de prudentes conclusions : l’évolution de l’Orient arabe dépendra simultanément du règlement des « drames » palestinien et iraquien « impliquant fortement l’international » mais également de la mise en place de systèmes politiques proposant « participation » civile et « alternances » du pouvoir. Des perspectives souhaitables qui à ce stade demeurent – on ne peut que le regretter – de simples hypothèses de travail.





Henry Laurens, « L’Orient arabe à l’heure américaine, De la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Coll. « Pluriel », Hachette Littératures, 2008, 451 p., 11 euros

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