Fabrice Di FalcoIl ne marche pas mais semble flotter sur un nuage. Pour son entrée en scène, le sopraniste d’origine martiniquaise Fabrice Di Falco avance à pas lents et comptés, fine silhouette évanescente portée par la spiritualité de la mélodie de l’orgue (Huguette Grémy-Chauliac) et soutenue par le rythme discret du violoncelle (Frédéric Audibert). Ainsi débutait, dans le cadre du Festival de Nice « C’est pas classique » destiné ce week-end de la Toussaint, à « rendre la musique classique à la fois conviviale et accessible », l’intervention du sopraniste dont l’interprétation d’Oberon dans le « Midsummer Night’s Dream » donné au printemps dernier à l’opéra de Nice avait suscité, on s’en souvient, un réel enthousiasme (https://www.nicepremium.fr/article/epoustouflante-mise-en-scene-pour-un-somptueux-«-midsummer-night-s-dream-»-a-l-opera-de-nice-.3151.html).
Dans cet amphithéâtre au nom bien guerrier d’« Athéna », malgré la difficulté acoustique doublée d’une chaleur asséchante, Fabrice Di Falco a vaillamment choisi comme premier morceau l’air du froid, extrait de l’opéra « King Arthur » de Purcell, interprété en basse, puis en sopraniste « pour rendre hommage aux deux voix » explique l’artiste lyrique. Tout un symbole pour ce premier prix de conservatoire français qui, après une carrière largement saluée dans le registre de l’exceptionnellement aigu, reconnaît revenir au bercail du baroque pour avoir « gagné en graves », une fois passée la trentaine. On ne s’en plaindra guère tant cette mutation lui ouvre un nouveau et large répertoire. S’il lui a fallu un petit moment pour adapter sa voix à l’atmosphère ambiante, rencontrant de légères difficultés dans certaines des virtuosités de l’un des deux grands airs de « Farnace » dans le « Mithridate » de Mozart, la deuxième partie lui a permis d’enchanter son public enchaînant un extrait de « Xerxes » de l’opéra de G.F. Haendel, l’ « Ave Maria » de Caccini et le « Stabat Mater » d’Antonio Vivaldi, dernière pièce qu’il avait lui-même chorégraphiée.
Samuel AldrichPour ce faire, il avait demandé à Samuel Aldrich, un ami spécialiste en Arts Martiaux (Viet Vo Dao Vovinam) et ceinture noire de full contact, d’évoluer à ses côtés en maniant toute sorte d’armes, du nunchaku au sabre en passant par les éventails chinois. Une association peu commune et pourtant habilement orchestrée entre chanteur et sportif-comédien : en introduction de chaque aria somptueusement interprétée par Fabrice Di Falco, Samuel Aldrich endossait le rôle d’un bref récitatif permettant en une ou deux phrases déclamées de rappeler au public les souffrances de la Vierge Marie lors de la crucifixion du Sauveur. Puis d’évoluer dans des mouvements minutieusement élaborés en fonction de la thématique de la partition ou d’arborer des postures statiques dont le haut degré de concentration invitait au plus profond des recueillements. A l’issue du spectacle, le sopraniste expliquait qu’en dépit des apparences, les arts martiaux et la musique baroque « convergeaient vers un point commun » : comme un coup porté – le fameux « Ki » concentré à l’extrémité du point et à l’origine de la rupture, du coup fatal -, la mélodie se chargeait, après une lente et progressive montée, d’une extraordinaire énergie qui venait « toucher l’être humain » au plus profond de lui-même. On l’aura compris : si les quelques « graves gagnés » sont susceptibles de faire évoluer son registre vocal « angélique », son appétence pour la musique « pieuse et pure » n’en sera certainement pas altérée.
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