Le pôle national des « cold cases » a diffusé une vidéo ce mardi 14 octobre pour recueillir de nouveaux témoignages sur le meurtre d’Ariane Guillot. Cette institutrice parisienne avait été tuée d’un coup de couteau en 2001, sur la colline du Château à Nice. Les enquêteurs de la PJ niçoise espèrent que la mémoire des habitants et des visiteurs fera émerger des éléments oubliés.
Le 18 avril 2001, en fin d’après-midi, Ariane Guillot se promenait avec son neveu de trois ans sur la colline du Château, à Nice. Elle passait quelques jours de vacances sur la Côte d’Azur, chez son frère, un chercheur niçois. À quelques mètres seulement des promeneurs, la jeune femme a été poignardée en pleine journée. Le meurtrier n’a jamais été retrouvé.
« Nous disposons de quelques témoignages auditifs », rappelle la commandante Crystèle Pajani, de la brigade criminelle de la PJ de Nice dans une vidéo diffusée par le Ministère de l’Intérieur. Ce cadre familier pour les Niçois a rendu le crime encore plus marquant. Un agent municipal, alerté par un cri, avait découvert la victime allongée sur le dos, le corps ensanglanté. Le petit garçon qu’elle gardait avait tout vu.
Depuis ce jour, le souvenir du drame reste présent dans la mémoire locale. « Le dossier Ariane Guillot est particulier, parce qu’au niveau national, il n’est pas connu, mais au niveau niçois, il a marqué », explique Franck Dannerolle, commissaire divisionnaire et chef de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP).
L’enquête, menée d’abord par la police judiciaire niçoise, n’avait pas abouti. Plusieurs suspects avaient été arrêtés, puis mis hors de cause. L’arme du crime, jamais retrouvée, et des analyses ADN peu exploitables à l’époque avaient limité les pistes. Deux non-lieux avaient été prononcés, en 2006 et 2009.
Mais en 2023, le pôle des crimes non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre — le « pôle cold case » — a rouvert le dossier. Ce service, créé pour revisiter des enquêtes anciennes, travaille avec la PJ de Nice pour relire les éléments de procédure et relancer les analyses.
Un appel à témoins pour réveiller la mémoire des Niçois
Ce mardi 14 octobre, une vidéo de quatre minutes a été diffusée sur le site du ministère de l’Intérieur, dans le cadre du programme « En quête d’indices ». On y voit des images du parc, une photo d’Ariane Guillot et de son neveu portant un imperméable jaune, ainsi qu’une modélisation du couteau utilisé.
Le procureur de Nanterre, Yves Badorc, espère que ce format visuel « stimulera la mémoire de ceux qui étaient à Nice à cette époque. L’idée c’est de susciter le témoignage de personnes qui, de manière rétrospective, peuvent reconsidérer une scène ou un élément insignifiant à l’époque mais déterminant. » Le pôle cold case encourage toute personne présente sur la colline du Château ce jour-là à se manifester, même anonymement.
Les enquêteurs comptent aussi sur les habitants. « Avec un dispositif national, on peut retrouver des gens qui vivaient à Nice à l’époque ou qui étaient en vacances dans la région », souligne Franck Dannerolle. Des affiches seront bientôt déployées dans la ville, dans les lieux publics et les transports.
Pour le commissaire, ce nouvel appel est essentiel : « l’important, c’est de maintenir en vie ces dossiers et de leur donner une chance d’être résolus. » Les témoignages reçus seront traités conjointement par les agents de la PJ de Nice et ceux de l’OCRVP, cosaisis de l’affaire.
La réouverture de l’enquête a aussi permis de nouvelles expertises : analyses ADN actualisées, examen des taches de sang retrouvées près du corps, reconstitution morphologique de la plaie et étude psychocriminologique du profil de l’agresseur. En 2024, un homme avait été placé en garde à vue avant d’être relâché, faute d’éléments suffisants.
À Nice, l’émotion reste intacte
Pour la famille d’Ariane Guillot, cet appel à témoins ravive un espoir ancien. Son frère Tristan, aujourd’hui chercheur au CNRS à Nice, se souvient du jour où tout a basculé : « apprendre quelque chose d’aussi terrible… c’est un monde qui s’écroule. Quelque chose d’indélébile »
Vingt-quatre ans plus tard, il garde confiance : « on peut encore retrouver son meurtrier. Tout indice peut mener à une piste. »
La colline du Château, site emblématique de Nice, reste un lieu de passage pour les Niçois et les touristes. Chaque jour, des habitants viennent y marcher, admirer la vue ou jouer avec leurs enfants. Beaucoup se souviennent du drame, survenu à quelques mètres seulement des sentiers fréquentés.
« On a cette surprise de la mémoire des gens… Parfois ils se rappellent d’une date parce que ce jour-là il y avait un autre élément… », note le commissaire
L’appel à témoins diffusé cette semaine cherche à activer cette mémoire collective, en misant sur les souvenirs d’une ville marquée par un crime resté sans réponse.
Les personnes susceptibles d’apporter un témoignage peuvent contacter directement le pôle cold case ou la police judiciaire de Nice à l’adresse suivante : dnpj-ocrvp-eqi@interieur.gouv.fr afin d’apporter leur témoignage. Les enquêteurs espèrent que, quelque part, un témoin d’hier trouvera aujourd’hui les mots pour faire avancer la vérité.