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14 octobre 2024

« Trois fois le montant du loyer »

Gagner trois fois le montant du loyer. Une expression récurrente qui résonne dans toutes les agences immobilières comme un écho. Les habitants de Nice se divisent aujourd’hui en deux catégories : Les propriétaires de biens immeubles qui profitent de la hausse des loyers d’habitation, et les autres. Ceux qui doivent avoir recours à de multiples stratagèmes pour pouvoir en occuper un ; faute de montrer pâte blanche, gagner trois fois le montant du loyer…


manu_location.jpg Étudiant à la faculté de Lettres de Nice, son objectif estival est simple en soi : Trouver un logement. A Nice, il s’avère être un véritable parcours du combattant. Un job de serveur à moitié déclaré dans le Vieux-Nice, des copains célibataires et une belle gueule lui ont permis de ne jamais dormir dehors. Originaire de la capitale, il a déjà expérimenté le dédale du postulat à la location. L’année dernière, un travail à mi-temps et une connaissance d’une connaissance lui avait suffi à obtenir un bail de trois ans dans le 14ème arrondissement. A Nice il ne connaît pas grand monde. Il a tenté les annonces de particulier, Internet, les agences de particulier à particulier, les annonces de particuliers sur Internet… La question revient comme un leitmotiv : « Jeune homme, gagnez vous trois fois le montant du loyer ?». Réponse négative pour réponse négative.

« Je me suis séparé de ma copine, je n’avais plus le choix ». Il ajoute : « Avec un ordinateur, ce n’est pas difficile ». Faux et usage de faux. « C’est soit ça ou rien. Je n’ai personne qui peut se porter caution pour moi ». Trois fiches de paye créées à la volée grâce à un programme téléchargé sur le net. Un contrat de travail photocopié. Un salaire ajusté à un montant de trois loyers. Re-photocopie. L’étudiant est désormais armé pour affronter les agences immobilières. « Commercial, les agents immobiliers aiment bien ». Il raconte son rendez-vous à l’agence : « Une vrai pièce de théâtre. J’ai joué le rôle du jeune cadre en costard cravate. Je faisais semblant d’avoir une discussion d’affaire au téléphone. Je décrivais un soi disant programme informatique que je vendais à des clients professionnels. Je connaissais ce programme car j’en ai vendu en tant que téléprospecteur, l’année dernière lors d’un job d’été. Je le connaissais bien, ça paraissait réel. Le sourire aux lèvres, il conclut : « je l’ai eu en fin de compte et je n’ai jamais eu de mal à payer mon loyer ! »

L’insurmontable garantie des loyers impayés

Elodie, assistante de gestion de l’agence CL Immo à Nice reconnaît : « Depuis que toutes les agences proposent des garanties des loyers impayés, il est beaucoup plus difficile d’apparaître comme solvable ». Elle dresse une feuille au dessus de son bureau intitulé « pièces à fournir ». « Trois fiches de paye, un CDI de plus d’un an, un salaire de trois fois… ». « C’est ce que réclament les assurances pour être considéré comme solvable ». Un formalisme sans alternative. « Ils sont très stricts. Les assurances de ce type ont envahi le marché de l’immobilier. Les agences commissionnées sur leurs souscriptions n’hésitent donc pas à les proposer. « Environ 80% des propriétaires la souscrivent chez nous », précise Elodie.

Albert Pastorino (le patronyme a été modifié), agent immobilier, renvoie la faute sur l’Etat : « En réalité, c’est la loi sur le surendettement des ménages qui est à la source du problème. Elle limite à un tiers l’endettement du particulier et les agences ne peuvent y déroger. Les compagnies d’assurances ne font que s’aligner et respecter la loi ». Une législation adoptée pour protéger les intérêts des foyers français…

D’autres personnes ont plus de chance. Julie, étudiante préparatrice en pharmacie vient de retirer son dossier d’aides au logement dans l’une des CAF de Nice. « Une semaine avant d’arriver à Nice, j’ai répondu à une annonce sur Internet. Je suis tombé sur une jeune prof’ qui m’a fait confiance ». Elle réalise sa chance et admet : « Je sais que je reste une exception, beaucoup d’amis ont eu beaucoup plus de mal ou cherchent encore ».

Albert Pastorino avoue avec une pointe de sarcasme : « Parfois, on tombe sur des dossiers que l’on sait falsifiés ou qui ne paraissent pas clairs. Mais vous savez, nous sommes payés par les honoraires de location… Alors du moment que le dossier passe la barrière des assurances à Paris… Il devient tellement difficile de trouver des locataires solvables… Encore plus difficile lorsqu’ils sont étudiants logeant sur Nice ! ».

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