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5 mai 2024

La cité de l’Ariane: « C’est pourtant pas la guerre »!

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c_pourtant_pas_la_guerre-2.jpg Une enquête ? un témoignage ? Si Maryline Desbiolles se donne tant de peine pour comprendre l’Ariane, ce quartier réputé « difficile » de la ville de Nice, c’est qu’il recèle à ses yeux un véritable mystère à percer. Peut-être même un trésor à découvrir. L’auteur se pose en exploratrice non conquérante d’une cité oubliée, engloutie par la marche infernale du temps. Entre le « terrain vague » et le « hors espace », selon l’idée intellectuelle qu’on s’en fait. Elle s’interdit de juger : elle écoute tout simplement et laisse le lecteur décider, seul, comme pris au piège de ses propres découvertes.

En donnant la parole à une « dizaine de voix » différentes, elle tente d’orchestrer un chant humain, une polyphonie de cultures, d’histoires et de voyages des quatre coins du monde qui aboutissent tous, finalement, à l’Ariane. Un terminus possède toujours des accents de tristesse et de mélancolie. Le passé haut en couleur de ses habitants semble plus accessible, moins indicible pour l’auteur que leur avenir, probablement plus sombre. Des Arianencs de « souche » à ceux qui viennent « d’ailleurs », tous doivent désormais s’imprégner de la vie du quartier. La femme qui « joue à la française », raconte l’auteur, est qualifiée « d’étrangère ».

Chacune des expériences recueillies sur son « petit carnet noir » se veut porteuse d’espoir mais charrie plus souvent son lot de violence et de dureté : les mots pleuvent comme des coups, les règles du quartier s’imposent par la force, des biens personnels disparaissent comme s’effacent soudainement des pans entiers d’une vie antérieure, lointaine et heureuse. Afin d’éviter le rejet du lecteur, susceptible d’être pris à la gorge par le caractère pour le moins déroutant des récits, Maryline Desbiolles introduit une pause, propose une respiration : son écriture poétique permet de teinter cet espace en apparence grisâtre d’une palette de couleurs, de rendre l’inconcevable presque commun. Au risque de le tenir pour acceptable.

Clef supplémentaire de décryptage ou supplétif dont elle se dote elle-même par souci de protection, elle ajoute la dimension mythologique. Elle transpose le « réel » de la cité niçoise sur la montagne de l’Olympe. Visitée comme une île située aux confins du monde, l’Ariane devient un labyrinthe qui abrite le monstrueux Minotaure. Mais Ariane incarne également celle dont le fil servira de guide au sauveur de la cité. Car « le plan du quartier est très simple », admet elle, « mais quand on est à l’intérieur de l’Ariane, on ne sait pas où on se trouve ». La symbolisation comme le ferait un patient menacé par un débordement psychotique, est la bienvenue.

On sent toutefois poindre un regret chez Maryline Desbiolles : parmi les dix voix interrogées figurent celles aussi nombreuses que courageuses de femmes, ponctuées par la parole d’un sage africain et celle d’un danseur gitan. Mais de ceux qui édictent les règles et les font respecter, de ceux qui se situent au cœur véritable du système, elle n’aura rien appris. Elle n’aura pu que les observer. De loin.

Maryline Desbiolles, « C’est pourtant pas la guerre », Recueil, Coll. « Fiction & Cie », Editions du Seuil, 2007, 124 p., 13 Euros.

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