Grève à Nice-Matin après le départ de Denis Carreaux : les syndicats dénoncent une atteinte à leur indépendance

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La rédaction du groupe Nice-Matin s’est mise en grève hier, jeudi 9 octobre, après l’annonce du départ de son directeur des rédactions Denis Carreaux.

Réunis en visioconférence jeudi à la mi-journée, les journalistes du groupe Nice-Matin ont décidé d’un mouvement de grève immédiat. Une réaction à l’annonce, faite quelques heures plus tôt, du départ de Denis Carreaux, directeur des rédactions. Celui-ci sera remplacé par Baptiste Bize, actuellement directeur départemental de La Nouvelle République dans les Deux-Sèvres.

L’annonce, transmise dans la matinée par la direction générale, a provoqué une onde de choc dans les rédactions de Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin. Depuis plusieurs jours, des rumeurs circulaient sur l’avenir de Denis Carreaux. Son départ a confirmé ces bruits et ravivé les tensions au sein d’un groupe déjà fragilisé.

Dans un communiqué, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a rapporté les mots des salariés, dénonçant « la méthode et le signal envoyé dans le contexte de la réorganisation. » La rédaction exprime aussi son « inquiétude pour l’indépendance éditoriale » et « l’avenir des trois titres. »

Un contexte social tendu depuis plusieurs années

Cette nouvelle crise intervient alors que le climat social du groupe reste marqué par des mois de tension. Le projet d’un centre d’impression commun avec La Provence, à Vitrolles (Bouches-du-Rhône), suscite de nombreuses interrogations. Pour les syndicats, ce projet menace l’autonomie technique du groupe et l’emploi local.

Les conditions de travail des journalistes se sont aussi dégradées. Les départs non remplacés se multiplient, et la charge de travail s’alourdit. Sur les 160 journalistes de la rédaction, beaucoup disent avoir perdu confiance dans la direction. Plusieurs mouvements de grève ont déjà eu lieu cette année : deux en mars, et un en septembre, le jour même de l’édition spéciale célébrant les 80 ans de Nice-Matin.

Le départ de Denis Carreaux a une portée symbolique forte. Journaliste au long cours, il avait pris la tête de Nice-Matin en 2009 et accompagné le titre pendant des périodes décisives : la reprise en coopérative par les salariés en 2014, puis le rachat par NJJ, la holding de Xavier Niel, en 2019.

Sa direction était perçue, par une partie de la rédaction, comme un gage de stabilité et d’équilibre dans un environnement médiatique en mutation. Son remplacement par Baptiste Bize, venu d’un autre groupe de presse régionale, soulève donc des inquiétudes sur les orientations futures.

Selon la direction, M. Bize « aura pour mission de poursuivre le développement éditorial et numérique » des trois journaux, « en cohérence avec la stratégie de transformation engagée par le groupe pour renforcer son ancrage régional et son rayonnement digital. » Des termes qui n’ont pas rassuré la rédaction, déjà échaudée par les précédentes réorganisations.

La question de l’indépendance

Au-delà du changement de direction, la question de l’indépendance éditoriale reste au cœur des préoccupations. Les journalistes redoutent une perte de liberté dans le choix des sujets et dans le ton de leurs articles. L’histoire de Nice-Matin est marquée par la défense de cette indépendance : en 2014, les salariés s’étaient mobilisés pour éviter une reprise par un grand groupe industriel, préférant un modèle coopératif.

« Nous voulons être pleinement respectés et écoutés », ont rappelé les représentants du personnel, reprenant les revendications exprimées lors du précédent mouvement de grève en mars.

Les élus du personnel ont aussi rappelé aux salariés que, selon le code du travail, ils n’ont pas à informer leur employeur avant de faire grève. Il revient à la direction de constater l’absence le jour du mouvement. Une manière de protéger les participants dans un contexte de tension.

Réactions politiques et incertitudes

À Nice, le maire Christian Estrosi (Horizons) a salué Denis Carreaux comme « un interlocuteur respectueux du pluralisme et un soutien de l’activité économique locale. » De son côté, Éric Ciotti (UDR) l’a remercié « pour ces années consacrées à informer les Niçois et les Maralpins avec passion et rigueur. » Des hommages convenus, qui traduisent néanmoins l’importance du rôle joué par le journaliste dans la vie locale.

Pour l’heure, la direction du groupe n’a pas annoncé de calendrier précis concernant la prise de fonctions de Baptiste Bize. Les salariés attendent le compte rendu de la rencontre de jeudi pour décider de la suite du mouvement.

La grève marque une nouvelle étape dans un conflit latent entre la direction et la rédaction. Elle illustre la fragilité d’un groupe de presse régionale en pleine mutation, pris entre contraintes économiques, exigences numériques et défense d’une identité éditoriale qui reste, pour beaucoup, la raison d’être de Nice-Matin.

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