La mécanique bien huilée se serait-elle grippée ? Fondée sur la perception positive d’un activisme à toute épreuve et montrant, en dépit des critiques sur son affichage parfois redondant, un président en permanence aux commandes et par gros temps, la communication présidentielle semble soudainement rencontrer ses limites.
Rien n’y fait. Ni la visite réussie de Nicolas Sarkozy au Salon de l’agriculture, moment pourtant réconciliateur entre « la France d’en haut et celle qui se lève tôt ». Ni les multiples réunions de travail et autres comités interministériels qui se succèdent en urgence à l’Elysée. Ni, enfin, la multiplication des interventions et des annonces publiques présidentielles suivies par un nombre impressionnant de téléspectateurs. Le chef de l’Etat et, pour la première fois depuis sa nomination à Matignon, son premier Ministre enregistrent simultanément une baisse sensible de leur cote de popularité. Quelque chose se serait-il brouillé dans la communication élyséenne ? Y aurait-il « overdose » de la parole étatique ? Faut-il y voir un phénomène passager ou une tendance lourde ? D’aucuns veulent y déceler un « effet Guadeloupe ».
L’image présidentielle avait jusqu’à récemment plutôt bien résisté dans un contexte social des plus détestables : le sauvetage généreux des banques, assez mal compris par une opinion qui estimait que le partage du fardeau avec les banquiers n’était pas équilibré, commençait à produire ses effets. Des crédits sont progressivement accordés aux particuliers et aux commerçants en raison du travail d’un médiateur méticuleusement relayé par les préfets. Les « mille chantiers » débloqués par le Gouvernement rendaient lisible, en dépit de leur aspect parfois gadget, la prise en compte par l’Etat de la hausse spectaculaire du chômage. L’annonce du « pacte automobile », un soutien chiffré à six milliards d’euros pour un secteur en crise, a été d’autant mieux appréciée que Bruxelles s’est empressé de la critiquer. Enfin, si elle a eu pour conséquence de remettre en cause les appuis dont bénéficiait sa réforme LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités) auprès des présidents d’université, la gestion tardive par la Ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur -pourtant avertie dès novembre 2008- du mouvement de contestation des universités, n’a occasionné pour le moment que des dégâts collatéraux sur l’image du chef de l’Etat.
Affolant des responsables politiques inquiets d’une possible contagion en métropole, ce sont les violences civiles en Guadeloupe qui ont non seulement bousculé l’agenda présidentiel mais perturbé la communication de son titulaire. Alors que l’on débattait ici ou là depuis le début de la crise, de dizaines ou de centaines de milliards d’euros dont les Français cernaient mal la matérialité, les mesures envisagées en faveur de la Guadeloupe -200 euros réclamés par les salariés contre 50 à 70 euros proposés par le patronat- ont eu une résonance particulière, « parlante » et « accessible » pour de nombreux esprits « métropolitains ». S’il n’est pas certain qu’elles parviennent à calmer le jeu dans les DOM TOM, ces annonces risquent en revanche de stimuler l’appétit des revendications sur le territoire national : Olivier Besancenot ne s’y est pas trompé en allant chercher à Pointe-à-Pitre son inspiration révolutionnaire.
Cet effet « Guadeloupe » pourrait « coûter » politiquement plus cher qu’il n’y paraît au chef de l’Etat. Il risque surtout de parasiter l’ensemble du message présidentiel délivré depuis le début de la tourmente financière mondiale : « poursuivre des réformes envers et contre tout », seul « moyen de sortir plus vite la France de la crise ». Les agriculteurs, qui ont généralement le nez fin, expliquaient après la visite de Nicolas Sarkozy au salon de la Porte de Versailles qu’ils trouvaient le président « changé ». Probablement. A sa communication d’adapter désormais la diffusion de son image et l’agencement de sa parole.