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25 avril 2024

La gauche doit retrouver ses repères laïques

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Nous voyons depuis plusieurs mois que le sujet de la place de la religion dans la société, et donc de la Laïcité, est un sujet majeur du débat politique et citoyen et une préoccupation importante des français. De récents événements sont venus nous le rappeler. La montée du communautarisme religieux, musulman notamment mais pas seulement, et les revendications identitaires des uns et des autres viennent mettre à mal une certaine idée de notre République, égalitaire (notamment en ce qui concerne l’égalité hommes-femmes), universaliste.

La gauche (dont le Parti Socialiste, mais pas seulement) fait pourtant preuve d’une absence totale sur ces sujets, qui semblent la gêner.

Que ce soit lors de l’épisode du « Salon musulman de Pontoise » consacré aux femmes en septembre dernier, ou plus récemment lorsque Amine El Khatmi, élu PS à Avignon, a subi des insultes et menaces inacceptables de la part de communautaristes pour avoir défendu les valeurs républicaines en critiquant l’intervention télévisée de Wiam Berhouma, proche du Parti des Indigènes de la République.

A chaque fois, il a fallu un temps incroyablement long pour voir une réaction à minima des principaux responsables du Parti Socialiste (et des autres partis de gauche), lorsqu’ils ont pris la peine de s’exprimer. A chaque fois, il a fallu des mobilisations d’élus ou militants en dehors des cercles de direction pour entendre une parole résolument républicaine, condamnant sans équivoque ces dérapages communautaristes.

Et que dire d’un mouvement politique et de sa représentante, Clémentine Autain, qui relaie, dans l’entre deux tour de l’élection régionale, l’appel à une réunion publique en présence de Tariq Ramadan ?

Le débat provoqué par la prise de position d’Elisabeth Badinter, expliquant que pour défendre la laïcité « il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe » est là encore révélateur. Je souscris pleinement aux propos, de bon sens, de Mme Badinter, qui ne faisait qu’expliquer que cette accusation, lancée à tout va, d’ « islamophobie » était trop souvent lancée sans fondement, dans le but de promouvoir des revendications cultuelles et disqualifier les défenseurs de la Laïcité.

Pas de quoi provoquer l’indignation des représentants de l’ « Observatoire de la Laïcité » que sont Nicolas Cadène et Jean-Louis Bianco !

D’un autre côté, nous avons un Premier Ministre qui, prenant (certes à juste titre) la défense d’Elisabeth Badinter, va parler de « laïcité intransigeante » …… devant le CRIF, Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, et donc une institution par nature communautaire/communautariste.

Ce même Premier Ministre (soit disant défenseur d’une « laïcité intransigeante », donc) qui, dans le cadre de ses fonctions, s’est rendu au Vatican pour assister à une cérémonie religieuse. Etrange de la part de celui qui se revendique de l’héritage de Clémenceau : ce dernier s’était pourtant interdit (ainsi qu’à ses ministres) d’assister aux cérémonie religieuses dans le cadre de ses fonctions.

Cette « laïcité 2 poids 2 mesures », qui n’est en fait pas la Laïcité, est destructrice : comment en effet comprendre, pour les musulmans, que leur religion seule serait soumise aux Lois de la République et que les autres auraient droit à une sorte de clémence, ou seraient privilégiées ?

Je pourrais continuer longtemps comme cela, en citant les diverses entorses telles que des financements à la limite de la légalité, ou l’organisation de fêtes religieuses (sous couvert « culturel ») dans des locaux municipaux (pourtant, les mêmes élus critiquent parfois -à raison- des élus de droite qui installent des crèches en mairie lors de la période de Noël), ou, plus anecdotique mais très révélateur, la propensions qu’ont certains responsables des partis de gauche à souhaiter sur les réseaux sociaux chaque fête religieuse musulmane et parfois juive (et éventuellement noël pour les catholiques, pression sociétale oblige ).

La volonté électoraliste de capter le vote communautaire est telle que l’on en oublie les principes les plus élémentaires de notre République !

Et pourtant, la gauche est l’héritière des combats qui nous ont mené à la Loi de 1905. Il est donc plus que jamais nécessaire, pour la gauche, de retrouver ses repères laïques.

Cette Laïcité, garante de la Liberté de culte et de conscience, nécessite que les règles qui régissent notre société, et notre République, soient respectées par tous. Surtout, si la liberté de culte est garantie par la Loi de 1905, elle reste tout de même restreinte par « l’intérêt de l’ordre public ». Cette précision a une importance fondamentale.

Dans la République (qui ne reconnait d’ailleurs aucun culte, et ne peut donc prendre en compte les spécificités de chacun d’entre eux), nos Lois, nos principes élémentaires seront toujours supérieurs au dogme religieux : personne ne peut prendre excuse de sa foi personnelle pour être exempté de son devoir de citoyen ou obtenir un passe droit !

Nous devons réaffirmer, haut et fort, cela !

Et nos principes, c’est notamment l’Egalité entre les femmes et les hommes : comment supporter qu’au XXIè Siècle, des individus considèrent, au nom d’une interprétation de leur religion (qu’elle soit correcte ou non, ce n’est pas à moi de juger de la réalité théologique) les femmes comme inférieures aux hommes, refusent de leur serrer la main et donc de les traiter en égales, leur refusent les mêmes droits et libertés ?

Nos principes, c’est aussi, par exemple, l’émancipation individuelle, notamment par le biais de l’Ecole publique laïque. Les enfants ne doivent pas être séparés artificiellement par les croyances de leurs parents, alors qu’ils ne sont pas forcément en âge de s’être eux même forgé leur propre foi personnelle. Les revendications cultuelles n’ont pas leur place dans l’École de la République !

Retrouver nos repères laïques, c’est arrêter de vouloir en permanence dialoguer « avec les religions », « avec les communautés » : ce n’est pas le rôle de l’Etat et des pouvoirs publics ni même des élus. Le dialogue, il doit se faire avec tous les citoyens, sans prendre en compte leurs convictions religieuses. La question républicaine n’est pas « Comment faire coexister toutes ces communautés » mais « Comment faire vivre ensemble tous les individus de notre République ».

Retrouver nos repères laïques, c’est ne délaisser aucun territoire de notre République

Nous avons besoin de dispositifs humains et de services publics dans les quartiers aujourd’hui délaissés et abandonnés à l’influence des ennemis de la Laïcité, et donc d’abandonner ces politiques de réductions de dépenses aveugles qui au delà d’être inefficace nous affaiblissent dans ce combat.

Nous avons besoin de soutien pour les enseignants et éducateurs qui y sont aujourd’hui le seul rempart républicain et se sentent souvent abandonnés par leur hiérarchie et les pouvoirs publics. Toutes les dérives communautaristes doivent y être combattues, et la République doit se battre pied à pied contre ceux qui promeuvent une vision inégalitaire, anti-républicaine de la société.

Des Lois existent contre les discriminations, contre les discours de haine : elles doivent aussi s’appliquer à ceux qui au nom de dogmes religieux les bafouent, dans des « salons », sur les plateaux TV, dans la rue, dans tout lieu public.

Il ne s’agit d’ailleurs plus simplement de respect de la Laïcité (puisque la Loi qui la définit régit simplement le rapport entre l’Etat et les cultes et non directement toute la sphère publique) mais de respect de nos Lois qui elles s’applique partout et pour tous sans distinction de croyances.

Mener le combat pour réaffirmer la Laïcité sur le territoire de la République Cette Laïcité, caractérisée par la Loi de 1905, mérite que nous nous battions pour la préserver : c’est elle qui a construit la République Française d’aujourd’hui, émancipée de l’Eglise catholique et de ses conservatismes, admirée dans le monde entier pour sa société libre comme nous avons pu le voir après les attentats de novembre dernier.

Pour celà, il faut que les partis de gauche, et notamment le Parti Socialiste, acceptent enfin de travailler dessus et de se la réapproprier. Les appareils politiques en ont peur, craignant qu’elle ne les éloigne d’un électorat communautaire : je pense au contraire que les français (croyants comme non croyants) seraient satisfaits si nous arrivions à la promouvoir et à faire en sorte qu’elle apaise à nouveau les tensions religieuses, comme elle l’a permis après 1905. La Loi (de 1905) n’a pas besoin de modification pour cela, simplement que nous en respections le texte et l’esprit.

Ce combat, il n’est pas contre une religion en particulier : ce serait une faute que de le considérer comme tel. D’ailleurs, nous voyons bien aujourd’hui que les intégristes religieux de tout bord se tendent la main et militent ensemble pour que la Laïcité recule.

Quand un institut catholique commande une « étude » (biaisée car établie sur un échantillon non représentatif) pour démontrer que les femmes musulmanes souhaitent pouvoir porter le voile sans contrainte, c’est bien révélateur.

Que les intégristes catholiques (relayés par le FN et une partie de la droite) profitent de la confusion actuelle autour de la place de l’islam dans la société, pour revendiquer que la République reconnaisse « les racines chrétiennes de la France », alors que les racines de la République sont toutes autres (voire contraires) et que les racines de notre société sont diverses, démontre bien que les tensions viennent de partout.

Francois Hollande avait promis, lors de la campagne de 2012, l’inscription de la Loi de 1905 dans la Constitution : ce serait, en plus d’actions plus concrètes et d’une application stricte des lois actuelles et des principes qu’elles installent, un beau symbole (en lieu et place de l’état d’urgence et de la déchéance ).

Je pense aussi que nous pourrions enfin nous poser la question des régimes d’exception tels que le Concordat en Alsace-Moselle, hérités d’une Histoire qu’il ne faut certes pas oublier mais qui est révolue.

De manière à montrer que, sur le territoire de la République Une et Indivisible, chaque citoyen, quel que soit ses croyances (ou son absence de croyances), est traité de la même manière, soumis aux mêmes lois et bénéficiant des mêmes droits, conformément à la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » !

par Arnaud Delcasse, PS 06, conseiller municipal à Antibes

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