

Embarrassante pour les autorités religieuses, l’affaire a autant valeur d’histoire que de symbole. Après tout, dans l’ensemble des anciens satellites de l’URSS, il ne doit pas manquer de responsables politiques, associatifs ou syndicaux qui, pour des motifs de simple survie physique, ont dû « collaborer » avec les services de sécurité de l’époque. Cette tolérance d’une large partie de population vis-à-vis d’une histoire commune forcément ponctuée de zones d’ombre rencontre désormais une résistance d’une autre fraction du peuple qui entend exclure les hommes d’église de son domaine d’application. Il suffisait de constater les réactions enregistrées à l’extérieur de la Cathédrale St Jean, pour en avoir une petite idée. D’un côté, les fidèles les plus âgés regrettaient le départ de leur éphémère Archevêque Métropolite de Varsovie en dénonçant le complot dont il aurait été la victime. Un face-à-face violent les opposait à une population nettement plus jeune qui se félicitait bruyamment de cette décision courageuse et dans laquelle elle décryptait un nouveau message de l’Eglise applicable au futur de la nation polonaise. La presse indiquait d’ailleurs que ce second groupe comprenait des « laïcs engagés dans la foi chrétienne ». Laïcs dont le catholicisme, signalons-le au passage, ne peut plus ignorer le poids grandissant et à même de compenser, notamment dans les paroisses françaises, la baisse générale des vocations. A ceux qui tenaient imprudemment l’affaire pour un événement exceptionnel, l’actualité a rapidement opposé un cruel démenti. Cette exigence des Chrétiens polonais à propos de leur hiérarchie a fait une seconde victime dès le lendemain : un prélat de moindre rang, soupçonné lui aussi de collaboration avec l’ancienne police politique communiste, a remis sa démission au Cardinal de Cracovie. Le débat est loin d’être clos : d’autres membres de l’épiscopat devraient prochainement subir une évaluation sur leur passé.

Mais sous la forme la plus fréquente – pour ne pas dire exclusive – de condamnations, qu’il s’agisse des avatars du consumérisme, des déviances culturelles ou des audaces artistiques, les tentatives de l’Eglise d’investir l’espace public sur des thèmes de société et ce, dans un ultime sursaut contre son effacement par la modernité, semblent lui avoir été peu profitables : A peine un Français sur deux se déclare aujourd’hui catholique contre 67% en 1994 alors que ne cesse de croître la proportion des Européens qui opte pour une « croyance sans religion particulière ». Loin d’être une promenade de santé, continuer sur la voie de Jean-Paul II risque plutôt de ressembler pour Benoît XVI à un véritable chemin de croix.

