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29 avril 2024

« Quand la bioélectricité dysfonctionne, il y a un grand nombre de pathologies »

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À 73 ans, le chercheur niçois Michel Lazdunski collectionne les récompenses pour ses travaux effectués en médecine et en pharmacologie. Le 6 mai dernier, il a reçu à Hambourg la Médaille d’or de la Fondation Ernst Jung. Pour la première fois, ce prix prestigieux a été attribué à un Français et de surcroît niçois. Nice Premium l’a interrogé sur ses recherches qui constituent une véritable révolution médicale.


Michel Lazdunski, grand spécialiste des canaux ioniques. © Michel Lazdunski
Michel Lazdunski, grand spécialiste des canaux ioniques. © Michel Lazdunski
La Fondation Ernst Jung remet une Médaille d’or pour un ensemble de découvertes qui ont fait qu’un domaine particulier de recherche est devenu extrêmement important pour la médecine et les applications médicales.

Nice Premium : Pour la première fois, la fondation Ernst Jung attribue la Médaille d’or à un Français. Combien de temps avez-vous travaillé avant de l’obtenir ?

Michel Lazdunski : La Médaille d’or, qu’elle soit pour moi ou mes prédécesseurs, est une distinction qui ne peut être obtenue que quand on peut évaluer que le scientifique et/ou le médecin a créé un domaine scientifique. Elle a été remise pour une œuvre qui est l’aboutissement de 20 ou 30 années de recherches. J’ai travaillé dans ce domaine qui m’a valu la Médaille d’or à la fin des années 70. Avant, je travaillais dans d’autres domaines. Cette recherche a commencé dans les années 70 à 80, à une époque où il n’y avait que 2 personnes dans le monde qui s’intéressaient à ce domaine. Nous avons créé ce domaine et aujourd’hui il comprend plusieurs milliers de gens et a beaucoup d’applications en médecine.

NP : Sur quoi ont porté principalement vos travaux ?

ML : Ils ont porté principalement sur la découverte et la compréhension du mécanisme des canaux ioniques. Ce sont des machines moléculaires qui créent notre bioélectricité. L’électricité qui fait marcher notre cerveau, notre cœur, nos muscles, notre système vasculaire, qui commande notre sécrétion d’hormones. Bien entendu, quand la bioélectricité dysfonctionne, il y a un grand nombre de pathologies.

NP : Quelle est l’utilité de ces recherches pour la médecine actuelle ?

ML : Lorsque l’électroencéphalogramme n’est pas normal, il y a des problèmes au niveau cérébral. Quand l’électrocardiogramme ne va pas, il y a des problèmes au niveau cardiaque. Quand l’électromyogramme ne va pas, il y a des problèmes sur le plan musculaire. Dans tous ces termes il y a électro, c’est-à-dire qu’il y a bioélectricité. À la base il y a des canaux ioniques qui sont liés à une multitude de pathologies : l’épilepsie, les accidents vasculaires cérébraux, les problèmes neuromusculaires, les arythmies cardiaques, les désordres de fonctionnement de la sécrétion d’hormones, etc. Un très grand nombre de pathologies sont liées aux canaux ioniques. Je pourrais ajouter les troubles de l’audition et beaucoup d’autres choses. Toute une série de médicaments agissent sur les canaux ioniques. Parmi ces médicaments, on trouve les bloqueurs calciques utilisés dans l’hypertension, les antiépileptiques, toute une série de médicaments utilisés contre la douleur, les antidiabétiques, les anesthésiques, etc. Une meilleure compréhension de ces machines qui créent l’électricité dans notre cerveau, notre cœur et ailleurs, peut produire dans le futur de nouveaux médicaments pour mieux soigner la douleur ou pour lutter contre la dépression par exemple.

NP : Où avez-vous effectué vos recherches ?

ML : La plupart de ces recherches ont été effectuées à Nice et à Sophia-Antipolis. D’abord dans un premier institut que j’ai créé à Nice, le centre de biochimie du CNRS. Après 1989, ces recherches se sont poursuivies dans un 2e institut que j’ai créé : l’institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire du CNRS à Sophia-Antipolis. Un certain nombre de recherches, réalisées par de plus jeunes chercheurs, continuent dans le même institut à Sophia-Antipolis et dans un 3e institut que j’ai créé : l’institut de neuro-médecine moléculaire.

NP : Vous avez reçu d’autres prix comme la Médaille d’argent en 1976 ou le Grand Prix de l’Académie des sciences. Pour vous, que représente cette Médaille d’or ?

ML : J’ai reçu beaucoup plus de prix. La Médaille d’argent du CNRS en 1976 était le premier prix scientifique. En 1983, j’ai reçu un prix mondial de cardiologie, 2 grands prix de l’Académie des sciences. Avec mon équipe, j’ai reçu un prix mondial en neurosciences. J’ai reçu le grand prix de la Fondation de la recherche médicale en France et toute une série d’autres prix. Et surtout en l’an 2000, j’ai reçu la Médaille d’or du CNRS, la plus haute distinction scientifique française. Il n’y a qu’une Médaille d’or du CNRS par an pour toutes les disciplines (littéraires, scientifiques, économiques, physiques, mathématiques). Entre temps, j’ai reçu d’autres distinctions et maintenant la Médaille d’or de la Fondation Ernst Yung. Naturellement, comme toutes les autres distinctions, elle est extrêmement importante. À la fois pour moi-même et pour tous les gens qui ont travaillé avec moi au fil de ces 30 années. Il y a probablement plus d’une centaine de personnes issues de plus de 20 nationalités différentes. La science est internationale. Bien sûr, c’est une reconnaissance importante, d’autant que pour la première fois cette distinction a été donnée à un Français. L’année d’avant, elle a été remise à quelqu’un qui a travaillé sur l’immunologie à l’université d’Harvard aux États-Unis.

NP : Pouvez-vous nous dévoiler sur quoi vont porter vos prochains sujets de recherche ?

ML : Les sujets de recherche les plus importants à l’heure actuelle concernent le développement de molécules complètement nouvelles pour traiter les douleurs que l’on ne sait pas traiter autrement. Il y a une série de douleurs : celles en fin de cancer, les douleurs neuropathiques comme le mal de dos aigu, celles liées à une amputation et celles pouvant survenir après une chirurgie. Pour cela, on essaie d’utiliser les brevets pris par le CNRS. Nous avons monté une compagnie de type Biotech (qui conduit des programmes de Recherche et Développement) pour essayer d’emmener ces brevets, ces nouvelles molécules et trouver des traitements complètement innovants pour l’énorme nombre de gens qui souffrent et qui n’ont pas de traitement adéquat. L’objectif est de mettre sur le marché des molécules innovantes pour traiter la douleur. Cela se fera à travers une compagnie que nous avons montée à Sophia-Antipolis et en relation avec le laboratoire de recherches dans lequel je suis aujourd’hui.

Le 2e aspect de ce que je fais, c’est essayer de consacrer un médicament issu de la médecine chinoise aux accidents vasculaires cérébraux. Ceci se fait en collaboration avec la compagnie Moleac, située à Singapour. Elle commercialise et fait des essais cliniques sur quelque chose qui est dérivé de la médecine chinoise. C’est un composé qui s’appelle NeuroAid™. Pourquoi cela ? Les accidents vasculaires cérébraux aujourd’hui n’ont pratiquement pas de traitement pour au moins 90 ou 95% des patients. Il est extrêmement important pour une pathologie aussi importante que celle-là de trouver enfin un médicament pour sauver les gens si possible. Et surtout pour empêcher qu’ils soient gravement handicapés.

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