

En dépit des rumeurs qui circulent au sujet de la mort de ce chef militaire, il convient d’écarter l’hypothèse d’un « deal » implicite entre Syriens et Américains pour au moins deux raisons : Damas ne s’est pas encore suffisamment rapproché de Washington pour accepter – avec quelle contrepartie ?- la perte d’une personnalité aussi sensible sur son territoire. Par surcroît, les élections américaines gèlent provisoirement tout processus de rapprochement entre les deux pays. Il faut aussi tenir compte des réalités : Moughniyeh figurait sur la liste des personnes recherchées dans plus d’une vingtaine d’Etats et le montant proposé pour sa tête, 5 millions de dollars, aura sans doute permis de « sensibiliser » la vénalité de nombreux agents syriens, phénomène passablement connu des services occidentaux de renseignement. Dans ces conditions, le déni officiel israélien ne peut qu’ajouter au trouble de leur pire ennemi et amplifier le parfum de victoire symbolique du Mossad après le grave échec subi au Liban par Tsahal à l’été 2006.
Dans l’attente de représailles qui pourraient viser l’Amérique latine, tant sont « nombreuses », selon les spécialistes du renseignement, « les cellules dormantes du Hezbollah dans cette aire géographique », deux noms en provenance du Sud-Liban sont déjà évoqués pour remplacer Imad Moughniyeh : Hassan Ezzedine et Ali Attoué. C’est dire le degré d’organisation et de préparation du Parti de Dieu.
La situation interne du Liban ne vaut guerre mieux : le niveau élevé des tensions verbales révèle un jeu subtil – du « folklore » pour de nombreux jeunes libanais qui s’estiment dépossédés de « leur révolution » – où les protagonistes s’efforcent par ce moyen de garder leur troupes mobilisées tout en évitant d’éventuelles confrontations sur le terrain susceptibles de dégénérer en conflit civil. Les obsèques organisées par le Hezbollah ont précisément débuté alors que se dispersaient les centaines de milliers de personnes rassemblées, malgré une pluie battante, à l’appel des forces de la majorité anti-syrienne du 14 mars. Il n’empêche que les menaces qui pesaient déjà sur les soldats de la Finul, visent désormais les représentants officiels de l’ONU à Beyrouth. Avec pour conséquence, le déménagement de l’ESCWA dans des nouveaux locaux situés dans une zone chrétienne plus protégée du secteur de Broumana, en dehors de la capitale.
Quant au processus de l’élection présidentielle, en apparence au point mort, on peut penser que la désignation du Commandant en chef Michel Sleiman appartient déjà au passé. En marge du prochain Sommet qui n’aura d’arabe que le nom tant les rivalités devraient l’emporter sur les convergences, pourrait ressurgir une initiative tripartite franco-qataro-syrienne. Gelée en raison du débat interne français provoqué par l’interview de Bernard Kouchner au New York Times qui incriminait l’échec de la diplomatie française aux interférences de l’Elysée, cette solution tenterait de rapprocher les points de vue syriens et saoudiens, essentiel pour dégager un compromis. Elle impliquerait également le Qatar, soutien indéfectible du Général Aoun. Démarche qui mise sur la loyauté – toujours problématique – de la Syrie. Là encore, deux noms, pourtant anciens, reviennent dans les discussions : l’ancien Ministre des affaires étrangères Farez Boueiz et l’actuel Gouverneur de la banque centrale Riad Samalé. Reste à savoir si les convulsions aussi telluriques que politiques au Liban ne viendront pas ruiner les efforts destinés à reconstruire un édifice présidentiel libanais terriblement dévasté.
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