

Certes, et non sans quelque illusion, Facebook a su rendre accessible à l’échelon humain une mondialisation où de multiples structures et pouvoirs se sont affranchis de distances et de limites spatio temporelles. Course que l’homme avait du mal à suivre. Facebook constitue peut-être le pendant individuel à cette gigantesque dynamique. Un pendant qui accompagne plus qu’il ne résiste.
Indirectement, ces dérives périnatales de Facebook révèlent des pathologies cliniques plus générales de l’identité, du lien et de l’attachement au travers de l’addiction à Internet. Magnifique paradoxe: les parents qui mettent aujourd’hui leurs bébés en ligne, seront-ils demain les mêmes qui consulteront les spécialistes de la psyché pour s’inquiéter de la dépendance de leurs ados à la Toile? L’assuétude au tabac commence, pour certains addictologues, à la première cigarette car celle-ci contient des substances addictogènes qui ont pour but de faciliter « l’accrochage » du fumeur. Pour Internet et Facebook, l’obligation répétée du comportement se substituerait-elle aussi au plaisir ? La meilleure des drogues est celle qui ne se présente pas et n’est jamais perçue comme telle. Surtout si l’individu se met à estimer que Facebook est devenu la vie sociale en tant que telle, que cette vie ne saurait exister, se développer en dehors du cadre de ce réseau virtuel. Il feint d’ignorer une réalité, celle du monde qui l’entoure et qu’il découvrira peut-être un jour avec une stupéfaction accompagnée d’une bonne dose d’effroi! Au risque de dépendance s’ajoutent les périls de dilution des affects, de la mise à l’écart de l’émotion. Celle inattendue, imparable, déconcertante mais tellement humaine, de la rencontre inopinée avec l’autre en chair et en os. Seule, cette dernière offre une altérité qui nourrit en retour une identité. Dans Facebook, cette rencontre semble largement aseptisée.
De même qu’une fonction de géolocalisation de Facebook offre désormais de repérer l’humain au mètre près, la mise en ligne des bébés sur ce réseau ne contribue pas à préserver l’intimité. Ceux et celles qui acceptent de tenter l’expérience, en acquérant par simple curiosité cette nouvelle fonctionnalité, encouragent le dépassement ultérieur d’autres frontières. Il ne devront pas ensuite venir se plaindre lorsque l’abus aura été commis.
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