

A défaut de le comprendre, on peut l’expliquer : sur un sujet de civilisation aussi sensible qu’angoissant – la mort qui s’oppose au jeunisme obsessionnel de la société moderne, est rejetée dans un quatrième âge finissant – les uns et les autres ont fait montre d’une prudence plus tacticienne que philosophique. En s’abritant derrière la barrière protectrice de leurs compétences, ils n’en ont pas moins manifesté le refus de se laisser happer par la notion de finitude. Egalement celle de leur pouvoir.
La réponse de la Garde des sceaux, elle-même qualifiée de « péremptoire » par le premier Ministre, ne saurait mieux l’illustrer. En se faisant, pour une fois, l’avocate d’un jusqu’auboutisme juridique, – le droit rien que le droit -, Rachida Dati s’est ainsi appuyée sur le rôle dévolu à la médecine de « sauver et non d’administrer des substances létales ». En dénonçant ce qu’elle tient pour une « intrumentalisation » de la douleur de l’ancienne institutrice, sa collègue à la politique de la ville et au logement, Christine Boutin, n’aura sans doute pas contribué à cette humanisation du christianisme – le Dieu de justice aura primé sur le Dieu d’amour – en jugeant uniquement que cette femme « n’était pas suffisamment entourée de médecins qui l’aident à ne pas souffrir ». Tout aussi regrettables, les propos de la Ministre de la santé, Roselyne Bachelot, verrouillant sa position sur « l’éthique d’un pays », peu susceptible, selon elle, d’une évolution. On l’aura connue plus combative sur ce thème lorsqu’elle défendait énergiquement et seule contre tous le Pacs à l’Assemblée nationale. Quant à l’auteur du rapport sur « la fin de vie » qui porte désormais son nom, Jean Léonetti aura lui aussi déçu en réduisant une pensée en général plus généreuse à une simple proposition de « dialogue apaisée entre cette patiente et les médecins ». Passons sur la proposition élyséenne d’un mini « sommet » médical, peu réaliste dans l’état physique de la patiente. On saura finalement gré au premier Ministre François Fillon d’avoir trouvé les mots justes : la « modestie » embarrassée de « reconnaître que la société ne peut pas répondre à toutes les questions ». Pour être équitable, mentionnons le silence assourdissant des ténors de la gauche dans ce dossier.
Arcbouté sur le principe d’interdiction de l’euthanasie active, on a proposé à cette femme qui réclame un « geste d’amour envers l’humain en souffrance », une mise en coma, une forme de dégénérescence imposée et passive susceptible d’entraîner son départ. Après la décision – attendue – du Tribunal de Grande Instance de Dijon, il ne reste plus à Chantal Sébire que d’aller mourir ailleurs, de « l’autre côté » d’une frontière pour plagier le Sermon des morts. Ce sera son ultime liberté, son dernier acte de vie : celui de se l’ôter.
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