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5 mai 2024

L’Edito du Psy : Presse écrite, internet et gratuits.

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bobine-10.jpg Il peut mourir des dizaines de milliers de personnes au Sahel, disait le regretté François-Henri de Virieu, s’il n’y a pas de journaliste pour le voir, ce n’est pas une information ». L’ancien rédacteur en chef du Matin expliquait que parmi les quatre pouvoirs du journaliste, le plus « exorbitant » d’entre eux demeurait bien celui de choisir, parmi les informations en sa possession, celle qu’il déciderait de publier. Il avait également relevé le fait que l’information brute pèserait de moins en moins face aux moyens colossaux mis en œuvre pour la faire connaître. Le vecteur, selon lui, l’emporterait tôt ou tard sur la matière première. Le cadre finirait par primer sur le contenu. Ce grand professionnel voyait juste. Sa vision s’est largement imposée.

A cette importante inflexion venue entraver le métier du journalisme s’en ajoutent aujourd’hui deux autres : la vitesse et le coût. La première détermine celui qui achète le journal, la seconde préoccupe celui qui le produit. Prendre le temps de découvrir un article qui expose un fait, le resitue dans un contexte et l’éclaire par une analyse devient une mission impossible pour un lecteur moderne. Pour le journaliste chargé de le rédiger, une gageure. L’image TV a ainsi triomphé du papier journal. Au risque, comme en Afghanistan, que l’implication de quelques soldats allemands dans des actes, certes inqualifiables, ne vienne discréditer l’excellent travail accompli par l’ensemble de la Bundeswehr sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures.

Le grand quotidien britannique « Financial Times », repris par l’hebdomadaire « Le Point », affirme d’ailleurs que Internet a pour la première fois dépassé les journaux et les magazines sur papier comme source principale d’information dans les cinq pays de l’Europe occidentale. Phénomène accentué par les « gratuits » qui délivrent également des informations sous la forme le plus souvent réduite aux seuls titres, accompagnés parfois d’un bref commentaire. Ces « petits » quotidiens distribués à la sortie des gares, du métro ou devant les portes des lycées, sont apparus à l’origine dans les pays nordiques. Ils sont désormais disponibles dans plus de quarante pays de la planète. Réduction drastique des coûts, polyvalence acceptée des rédacteurs et maîtrise de la technologie informatique expliquent leur considérable développement. Même si l’argument économique joue en leur faveur, il y a toutefois fort à parier que c’est le gain de temps offert aux lecteurs qui constitue le principal atout de leur succès. Cet avantage épouse le désir d’immédiateté de l’homme contemporain. Il le devance même par une offre de consommation « flash ». L’information brute est avalée avec la même avidité, le même souci d’efficacité que le petit noir du comptoir : celui-ci assure une mise en ordre matinale, celui-là une mise à jour instantanée de l’actualité.

L’explication pourrait cependant se révéler imparfaite. Peut-être même embarrassante pour les responsables politiques. Ces derniers devraient notamment s’interroger sur ce que signifie ce contentement des lecteurs de recevoir une information aussi synthétique. S’ils témoignent dans le fond de ce moindre intérêt pour apprendre et connaître, c’est probablement en raison de leur sentiment – justifié ou non – du peu de pouvoir dont ils s’estiment dotés pour exercer une quelconque influence sur la marche d’un pays et, a fortiori, sur la course mondiale des événements. Cette tendance à la superficialité, dissimulée sous le masque de l’urgence, n’est que le triste reflet d’une existence qui paraît à beaucoup déconnectée. La virtualité du quotidien est bien nommée : elle n’est « qu’en puissance », « sans effet actuel ». Cette position de retrait, de repliement sur soi, illustre sans doute le dernier maillon humain de résistance au processus de mondialisation.

Pourtant, la presse ne s’est jamais autant trouvée au cœur des problèmes de la société. Jamais elle n’est autant apparue comme ce lien indispensable, et qui semble faire défaut, entre ceux qui gouvernent et ceux qui exécutent, entre ceux qui agissent et ceux qui se soumettent. Ou se révoltent. L’appel presque solennel de la classe politique à la « responsabilité » des médias un an après la « crise des banlieues » en porte un extraordinaire témoignage. Les délinquants qui ont mis le feu aux bus de Marseille et de Lille ont dit avoir agi par mimétisme. Celui directement inspiré par les images de la télévision. Celui des mots de la presse écrite, s’ils avaient pu la lire, les eût vraisemblablement portés à davantage de réflexion.

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