
À un peu plus de quatre mois du premier tour des municipales, la scène politique niçoise s’anime. Christian Estrosi semble prêt a officialiser son entrée en campagne plus tôt que prévu. Le Nice Front Populaire s’attaque au maire sortant sur la protection fonctionnelle et la défense de l’emploi. Éric Ciotti affiche sa proximité avec le Rassemblement National, tandis que les listes citoyennes peaufines leurs arguments.
Christian Estrosi a choisi de surprendre. Lundi, sur ses réseaux sociaux, le maire sortant a diffusé une vidéo courte, ponctuée d’un message clair : « vous êtes impatients… Et bien moi aussi ! » Tout porte à croire que le rendez-vous est fixé au samedi 22 novembre à 10 heures, au centre des congrès OcéaNice. Officiellement, le sujet de cette rencontre n’a pas été précisé, mais le doute n’existe plus.
Christian Estrosi avait pourtant affirmé qu’il ne se lancerait pas avant 2026. Il avait expliqué vouloir « rester maire jusqu’à la dernière minute. » Il devrait finalement tenir son premier meeting politique dans le centre OcéaNice, inauguré en juin dernier. Ce rendez-vous devrait marquer la présentation de ses ambassadeurs, dont Anthony Borré son premier adjoint devrait tenir les premiers rôles dans une équipe de plus de 200 soutiens issus de divers quartiers de la ville.
Les attaques contre Christian Estrosi se poursuivent
Le Nice Front Populaire de Mireille Damiano a réagi vivement à la décision de Nice-Matin de transférer sa production à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône. Pour Robert Injey, la direction « sacrifie une centaine d’emplois sur le bassin niçois ». Le responsable dénonce aussi « l’immobilisme des principaux élus de notre ville, Mrs Estrosi et Ciotti, bien peu préoccupés du devenir de l’emploi ».
Cette annonce de fermeture du dernier site d’impression local cristallise les tensions autour de l’emploi industriel dans la métropole. « Nous soutenons l’exigence exprimée à plusieurs reprises par les salariés du groupe Nice-Matin du maintien du site de production dans notre ville », insiste Robert Injey.
Autre colistier pour la liste Nice Front Populaire, David Nakache s’en prend lui directement au maire de Nice. Dans un texte diffusé cette semaine, il critique « le mésusage de la protection fonctionnelle. » Selon lui, Christian Estrosi aurait recours à ce dispositif pour attaquer ses opposants : « ces procédures ont pour conséquence de judiciariser le débat public et d’encombrer inutilement les tribunaux. Elles dissuadent par la peur d’un procès tout citoyen qui voudrait défendre des revendications fortes. »
Il rappelle que le maire a, selon lui, utilisé des fonds publics pour financer plusieurs actions en justice : « dans les deux procédures que Christian Estrosi a engagées et a perdues contre moi, il aurait fait dépenser plus de 23 000 € aux contribuables niçois. »
Pour le Nice Front Populaire, il s’agit d’un enjeu démocratique et moral : « les Niçoises et les Niçois n’ont pas à payer l’acharnement politique du maire de Nice contre ses opposants. »
Eric Ciotti et Jordan Bardella, convergence à droite ?
La droite niçoise connaît une recomposition rapide. Vendredi 7 novembre, Jordan Bardella était à Nice pour dédicacer son livre Ce que veulent les Français. Le président du Rassemblement National a affiché sa proximité avec Éric Ciotti. Sur les réseaux sociaux, le RN a publié : « avec nos amis de l’UDR (incarné par Éric Ciotti), nous nous battons pour rendre à la France sa grandeur, sa prospérité et assurer aux Français leur sécurité. »
Le député UDR a salué « une mobilisation massive qui témoigne d’un grand désir de changement, et de l’imminence de l’alternance. » Ce rapprochement politique, assumé publiquement, pourrait peser lourd dans la campagne municipale. Éric Ciotti était accompagné de son directeur de campagne Bernard Chaix. Un signal clair de sa volonté de consolider une alliance électorale avec l’extrême droite en vue du scrutin.

Les argumentaires s’affinent
Le paysage politique niçois ne se résume plus à l’affrontement Estrosi-Ciotti. D’autres candidatures se structurent. Nathalie Dloussky conduit la liste Ensemble pour la grandeur de Nice. Dans un texte diffusé dernièrement, elle met en garde contre « un danger islamique croissant, largement sous-estimé par les médias dominants. »
Elle évoque « des difficultés du contrôle migratoire » et « une gouvernance défaillante » qui auraient « créé un terreau propice à la radicalisation. » Sa liste se positionne sur un registre sécuritaire et identitaire : « nous appelons à une vigilance constante et à une politique ferme pour défendre la paix civile, les valeurs républicaines, l’identité historique de la ville et la sécurité des citoyens et partant du pays. »
Du côté d’Unis pour Nice, la tête de liste, Juliette Chesnel-Le Roux, s’est attaquée à l’organisation des Jeux olympiques 2030 à Nice. Au micro de BFM Nice, elle est revenue sur le coût de la création de la nouvelle patinoire qui servira aux Aigles de Nice. Le futur complexe devrait compter 10 000 places pour un budget total de 138 millions d’euros comme l’a rapporté Frédéric Maillot, rapporteur du budget des sports. « J’étais sûre que la patinoire nous coûterait très cher, mais 138 millions d’euros, c’est ahurissant. C’est voire scandaleux quand on connaît l’état des équipements sportifs à Nice, a-t-elle déclaré, avant de revenir sur ce dernier point. Même si les Aigles de Nice méritent une vraie patinoire, c’est vrai que celle de Jean-Bouin est dans un état désastreux et elle méritait des rénovations depuis longtemps. » La conseillère municipale d’opposition a conclu en expliquant, « on a des on a besoin de mettre les financements là où on en a réellement besoin, pas simplement pour 15 jours d’événements », et en proposant de délocaliser les rencontres de hockey sur glace à Marseille qui dispose déjà d’une patinoire olympique. « On n’a pas besoin de mettre une somme pareille pour faire une patinoire olympique. Notre équipe des Aigles de Nice a besoin d’une bonne patinoire pour faire des épreuves, donc de qualité, mais pas forcément olympique. »
Julien Picot, président du PC06 également membre de la liste d’Unis pour Nice, critique les « cadeaux fiscaux aux plus riches. » Il dénonce « la suppression de la CVAE » et appelle à « une taxe juste et efficace », la taxe Zucman. Pour lui, « Christian Estrosi et Éric Ciotti portent le même projet : celui d’une ville au service des puissants. » Il propose un débat public « projet contre projet », estimant que les Niçois ont droit à « un vrai débat démocratique, clair et sans faux-semblants. »
Enfin, Hélène Granouillac, conseillère écologiste, qui avait officialisé sa candidature il y a environ un mois à la tête de Vivre Nice, une liste citoyenne, s’est exprimée chez Nice Premium. La conseillère métropolitaine souhaite rassembler « les désabusés, les découragés, à la fois de droite et de gauche. » Elle explique : « je pense qu’il y a une voie pour des gens qui veulent aller au-delà de ces conflits assez stériles. »
L’élue se démarque d’Europe Écologie-Les Verts, qu’elle juge « très immature et très superficiel. » Elle revendique une « liberté d’expression et d’action » et une écologie « éco-compatible » avec d’autres sensibilités locales.
À quatre mois du premier tour, la campagne niçoise s’annonce dense. Christian Estrosi prend de l’avance avec un lancement anticipé. Éric Ciotti assume son rapprochement avec le RN. Le Nice Front Populaire met la pression sur la question sociale. Et de nouvelles voix, écologistes ou citoyennes, cherchent à exister dans un paysage saturé.
Les Niçois auront le choix entre des projets très différents. Les semaines à venir diront si les alliances se consolident ou si la division, à droite comme à gauche, ouvre la voie à une campagne à multiples visages.