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29 mars 2024

L’Edito du Psy – Enfin de Villepin vint. Mais ne vainc pas.

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jpg_bobine2008-93.jpgDominique de Villepin, n’en doutons pas, est un redoutable rhéteur. Un fantastique magicien du verbe, un talentueux alchimiste de la formule incantatoire qui sait changer le plomb vulgaire du mot en l’or pur du symbole, un ténor lyrique performant dont les émouvants lamento arrachent à la foule implorante cette once renversante d’émotion. La tribune est son fauteuil d’Académie.

Pour le lancement, samedi 19 juin, de son mouvement « République solidaire », l’ancien premier Ministre a puisé dans l’histoire de France à portée universelle, d’innombrables références comme d’autres respirent dans l’air les invisibles particules d’oxygène. Au risque d’une apnée mémorielle en évitant soigneusement de mentionner celles de son patronyme, liées à l’Ancien Régime. De « 1789 » à « 1940 », des « révolutions » aux « résistances », des « nouvelles Bastille à renverser » aux « libertés menacées » et à reconquérir, rien n’échappe au prisme d’une vision politique à la prétention globalisante. Plus les maux s’amplifient, plus s’impose finalement le recours salvateur à la figure providentielle. La sienne évidemment. Mais soixante-dix ans et vingt-quatre heures plus tard, la puissance césarienne de l’homme du 18 juin ne se laisse pas si facilement récupérer.

Hormis la charge électrisante de ses envolées, malgré la rude véracité de certains des constats, sa prestation déçoit. L’analyse du discours révèle une approche éparse, une structure éclatée à force de vouloir tout appréhender. D’un souffle souvent court, le touchisme argumentaire qui vise à dresser un tableau de la situation générale dans l’Hexagone manque de traits saillants, de lignes de force. Le rythme soutenu de la phrase peine à masquer une interminable série de lieux communs. On attendait Malherbe. On récupère Vaugelas. Au poète clairvoyant s’est substitué l’ennuyeux grammairien: pointillisme oratoire excessif, pathétisme catégoriel larmoyant, mélange indistinct des métaphores et abus compulsif des allégories. Les plus brillantes comme les plus creuses.

D’inspiration gaullienne, cette tentative de populisme ne résiste malheureusement pas à l’examen. En se réclamant d’un gaullisme originel, l’ancien premier Ministre ne peut éluder la contradiction inhérente à l’exploitation de cette source : il reconnaît l’existence d’un monde qui, « de New York à Shanghai, de New Delhi à Casablanca », subit de profondes mutations dues notamment « aux puissances émergentes ». Il fustige le ridicule « des combats d’hier dans un monde d’aujourd’hui ». Comment peut-il alors se contenter, de l’Otan à l’Euro, de fixer son projet politique sur un retour triomphal à l’indépendance nationale? Aux critiques réalistes, au diagnostic brutal succèdent des préconisations essentiellement philanthropiques, des paroles humanistes. Louables intentions. Sans la sagesse qui préside et la force qui soutient, la beauté qui orne ne peut pas grand chose.

Malgré ses défauts, la stratégie adoptée par l’ancien Secrétaire général de l’Elysée est aussi limpide que celle des vases communicants: les vertus de Dominique de Villepin profiteront des vicissitudes de Nicolas Sarkozy. Au train où vont les choses, un peu de patience devrait suffire. « A 56 ans », conclut l’ancien premier Ministre, « je ne m’engage pas par ambition, encore moins par opposition à qui que ce soit ». Curieuses assertions que vient démentir, pour la seconde, l’omniprésence de son rival, jamais cité, toujours pensé. Quant à la première, on l’éclairera par ce lapsus, prononcé quelques paragraphes plus haut à propos des échéances présidentielles françaises : « Tous les cinquante ans, la France a rendez-vous avec son histoire pour accomplir sa promesse ». Pour Dominique de Villepin, chaque année qui passe se compte sûrement en décennie.

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