Dominique Estrosi Sassone interpelle Philippe Baptiste sur la contribution au budget de l’ESA

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La Sénatrice des Alpes-Maritimes Dominique Estrosi Sassone au micro au Sénat.
Archive Facebook Dominique Estrosi Sassone.

À quelques jours de la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne à Brême, les interrogations se multiplient au sujet de la place que la France veut tenir dans l’effort spatial européen. La sénatrice Dominique Estrosi Sassone a questionné le gouvernement. Elle demande des réponses précises sur le niveau de l’engagement financier français.

La nouvelle conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne (ESA) approche. Elle doit décider du budget des années à venir et répartir les contributions des États membres. Dans ce contexte, la France se retrouve face à un risque de déclassement selon plusieurs acteurs industriels et politiques. L’Allemagne et l’Italie devraient investir, respectivement, autour de cinq milliards et quatre milliards d’euros. La France, elle, n’interviendrait qu’à hauteur d’un peu plus de trois milliards. Cette perspective suscite des inquiétudes dans l’industrie, notamment à Cannes où est implanté Thalès Alenia Space.

Dominique Estrosi Sassone a donc interpellé le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace lors des questions d’actualité au gouvernement. Elle souhaite obtenir le montant exact de la contribution française. Elle demande aussi que le gouvernement clarifie sa position, alors que la conférence de Brême doit se dérouler dans les jours qui viennent, les 26 et 27 novembre.

Dans sa question, posée le mercredi 19 novembre, la sénatrice fait référence au discours du Président de la République sur la stratégie spatiale pour 2040. Elle déclare : « en écoutant la semaine dernière le Président de la République présenter sa stratégie spatiale pour 2040, j’ai cru entendre Alain Delon… et surtout Dalida : “Paroles, paroles, encore des mots, des mots magiques, des mots tactiques qui sonnent faux…” » La Sénatrice estime que les annonces ne s’accompagnent pas d’engagements financiers suffisants.

Elle poursuit : « car les “caramels, bonbons et chocolats” offerts à l’industrie spatiale français ne font pas illusion face à la dure réalité financière du tour de table qui doit être bouclé la semaine prochaine lors de la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne qui prévoit un budget en forte augmentation. »

Son argumentation repose sur une comparaison entre les contributions annoncées par les autres pays. « Notre pays, leader historique en Europe depuis le général de Gaulle, s’apprête à être surclassé par l’Allemagne et l’Italie qui investiront chacune cinq et quatre milliards d’euros. Aux dernières nouvelles, la France ne pourra pas suivre ces pays aux finances publiques mieux gérées. Elle ne fournirait qu’un peu plus de trois milliards. » Elle alerte aussi sur les risques industriels : « si la France investit moins de 4,5 Md€, l’industrie spatiale française pourrait souffrir durablement de moindres retours géographiques au détriment de ses industriels et de ses territoires. »

La sénatrice conclut sa question en demandant : « monsieur le Ministre, quel sera le montant de la contribution française au budget de l’ESA ? La France restera-t-elle leader ou descendra-t-elle en 2e division ? »

Philippe Baptiste : « le spatial est un élément essentiel de notre autonomie stratégique »

Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace de France, Philippe Baptiste, a répondu en rappelant l’importance du secteur spatial pour la défense, la science et l’autonomie stratégique. « Le spatial est effectivement un élément essentiel de notre autonomie stratégique, un pilier de notre Défense. C’est un pilier de la Science, pour l’observation de la terre, la compréhension des évolutions du climat. »

Le ministre insiste sur les capacités existantes. Il avance que la France dispose d’Ariane 6, du CNES et d’un tissu d’entreprises actif. Il souligne aussi la nécessité d’une ambition européenne. Selon lui, la conférence ministérielle n’a pas encore arrêté ses chiffres : « Concernant la conférence ministérielle de l’ESA, il est tôt pour répondre à votre question. Les discussions commencent aujourd’hui et les chiffres que vous avez mentionnés sur le niveau d’investissement de nos partenaires allemand et italien ne sont pas stabilisés aujourd’hui. Personne n’a encore annoncé ses chiffres de contribution. »

Il rappelle enfin l’engagement national. Il cite le discours présidentiel : « je vous ramène au discours du Président de la République, qui a annoncé une ambition mais aussi un chiffre : 16 milliards d’euros d’ici 2030 pour le spatial civil en plus des dépenses militaires. »

Dans sa réplique, Dominique Estrosi Sassone critique les choix budgétaires du gouvernement en affirmant : « la vérité cachée dans votre réponse et l’arbitrage en défaveur de l’industrie spatiale et plus largement de la recherche, c’est que le gouvernement auquel vous appartenez préfère dépenser plus de deux milliards d’euros dans la suspension des retraites plutôt qu’à investir et préparer l’avenir. Elle ajoute : ici, au Sénat, nous ne renonçons pas à maîtriser le déficit et la dette pour retrouver des marges de manœuvre financière. Nous voulons que la France reste maître de son destin. »

Ce débat illustre les tensions qui entourent la politique spatiale française. Il met en lumière un enjeu budgétaire, industriel et stratégique à quelques jours d’une conférence décisive pour l’avenir de la coopération européenne dans ce domaine. France, Allemagne et Italie doivent préciser leurs engagements. L’industrie attend des garanties. Le gouvernement renvoie au processus de négociation. Le débat, lui, reste ouvert.