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23 avril 2024

Michel Galabru : « Encore quelques minutes Monsieur le bourreau »

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2-78.jpg Qui ne se rappelle pas de l’adjudant Gerber ? On a tous, en tête, ce personnage avec un air bourru et franchouillard, n’est-ce pas ? Son rôle dans « Le Juge et l’Assassin » de Bertrand Tavernier, lui aura valu le César du meilleur acteur de l’année.

Michel Galabru, ce grand Monsieur, a marqué le cinéma français et aujourd’hui, ce comédien hors pair foule les planches des théâtres. Il aurait du fouler celles de l’Acropolis avec Nadine Capri, Jean Claude De Goros, Isabelle Rougerie, Michelle Dieye, Arnaud Gieye et Sylvestre Amoussou, en interprétant un professeur de français à la retraite dans « Monsieur Amédée », écrit et mis en scène par Alain Reynaud-Fourton, mais malheureusement, le 8 février, les niçois n’auront pas l’honneur d’applaudir cette pièce de théâtre de boulevard hilarante.

Avant que l’annulation ne soit annoncée, N-P avait contacté Monsieur Michel Galabru. Un grand moment ! Une belle rencontre !


Nice Premium ; Monsieur Amédée, merci de nous accueillir dans votre classe. Pouvez vous nous décrire les cours qui s’y jouent ?

Michel Galabru : Ah ! Mais il ne s’y joue pas de cours car c’est un professeur à la retraite donc il ne donne plus de cours. C’est simplement un homme qui a perdu sa femme, qui n’était pas très belle donc ce n’est pas une perte énorme. Il est retraité de l’enseignement. Ça veut dire petite retraite, petit moyen, petit appartement mesquin, voiture modeste. Il entend crier derrière lui quelqu’un qui appelle au secours. Comme c’est un brave homme, il s’arrête. C’est une dame jeune qui est poursuivie. Il l’amène chez lui pour la réconforter et lui offrir un verre et il se révèle que c’est une prostituée. Elle est poursuivie par un souteneur. Et à partir de là, une situation est posée, qui va mettre ce brave professeur qui a eu une vie tout à fait monotone et régulière va brusquement basculer dans le cocasse, l’irréel. Le poursuivant qui est un maquereau finit par retrouver son adresse et il se tue accidentellement chez le professeur qui commence alors à avoir une réputation de tueur.

N-P : Pièce comique !

M.G. : Oui, ça devient très comique ! Cet homme est complètement innocent mais il se trouve dans un milieu où il y a de la drogue, des cadavres. Les gens le prennent pour un grand souteneur de Colombie. Il y a une confusion qui fait que c’est une pièce assez réjouissante.

N-P : Les élèves n’y sont pas trop dissipés ?

M.G. : Si … C’est un milieu d’élèves marginaux de la prostitution, de la drogue … Voilà notre classe !

N-P : Professeur Amédée, que pensez-vous de Michel Galabru ?

M.G. : Ah c’est difficile quand on est artiste ou qu’on prétend l’être. Ça pose des problèmes parce qu’on a des doutes. Est-ce qu’on a du talent ? Certaine partie du public vous apprécie, l’autre ne vous aime pas du tout. On est dans la confusion, le doute. Si on était sur d’avoir du talent, de plaire à tout le monde, ça serait trop simple. La vie est toujours compliquée. Les hommes tantôt se croient intéressants (Rires) et tantôt, ils doutent terriblement. Il ne se trouve aucun don aucun talent. Je compare la vie d’une star, même si je n’en suis pas une, ou la vie de ces gens qui ont été mis en évidence à un moment donné à ces fusées du 14 juillet. Même d’une lolobrigida, même d’une Catherine Deneuve … Qu’est ce qu’une Bardot ? C’est une fusée qui part vers le ciel. C’est merveilleux, elle clame de toutes les couleurs rouges, verts … Les gens s’extasient « Ah ! » Puis, on entend encore un vague de soubresauts puis on voit redescendre des grandes tâches de lumière jaunâtre, visqueuse qui finissent par tomber à terre et c’est l’obscurité totale. La personne est plus ou moins oubliée. C’est très rapide. Le temps d’une fusée, vous n’êtes plus rien, le public vous oublie très rapidement.

N-P : Il faut peut-être entretenir cette flamme ?

M.G. : Oh ! C’est très difficile. Pourquoi l’entretenir ? On sait de toute façon que ça doit mourir parce que rien n’est éternel. Il y a des jeunes, vous leur parler de grandes célébrités d’autrefois, ils ne s’en rappellent pas… Quand j’étais petit, j’allais au cinéma voir des talents immenses comme on en fait plus aujourd’hui comme Jules Berry, Harry Bord, Fernand Ledoux, Louis Jouvet … Magnifique ! Il y a une décadence de l’acteur.

N-P : Quelle est votre plu belle récompense ?

M.G. : Le césar du meilleur acteur pour « Le juge et Assassin ». Quand j’ai eu un bon metteur en scène, j’ai prouvé que je pouvais faire aussi bien que les autres. Car on ne m’a pas toujours gâté. J’ai eu beaucoup de difficulté.

N-P : Avant de monter sur les planches, que faites-vous ?

M.G. : Rien du tout. Je redis mentalement mon texte car un trou de mémoire c’est toujours possible. Maintenant, il n’y a plus de souffleur. Si vous avez un trou, vous ne pouvez pas continuer, alors qu’est ce qu’on fait ?

N-P : On improvise.

M.G. : Ah ! On improvise pendant deux minutes. Mais on ne peut pas réécrire la pièce, les gens ne suivent pas, ce n’est pas la bonne réplique. Il n’y a plus qu’à baisser le rideau, c’est une catastrophe. Donc vous voyez l’appréhension. La mémoire c’est une chose capricieuse. Il vous est certainement arrivée de rencontrer quelqu’un est de ne plus savoir comment elle s’appelait ?

N-P : Oui

M.G. : Alors, vous faites forcément semblant que vous la connaissez. C’est épouvantable ! La mémoire c’est une chose étonnante. Un mot ou un verbe vous échappe, et vous ne pouvez pas continuer. Rien que pour un mot ! L’appréhension, c’est le trou de mémoire. Avant de rentrer en scène, on se rassure en répétant très vite le texte.

N-P : Qu’est ce que la vie vous a enseigné ?

M.G. : La vie m’a enseigné beaucoup de choses. Il y a beaucoup plus de fripouilles, beaucoup plus de gens méchants que de gens gentils. Nous sommes tous égocentristes, tous … peut-être que c’est un besoin d’autodéfense, on est obligé de penser ce qui vous fait du bien à vous au détriment, quelque fois des autres. Il y a peu d’altruisme. Il y a quelques êtres merveilleux, heureusement.

N-P : Mais c’est hélas rare.

M.G. : Oui, rare. On parle toujours des problèmes de la pauvreté mais… On regarde la télévision, quelle tristesse ! Il y a des gens qui accusent les autres et eux ils ne font rien.

Aujourd’hui, tout le monde fait du théâtre, on est obligé. Et faire du théâtre, c’est mentir. Le comportement que nous avons n’est pas naturel. Il est fait d’imitations, de ce qu’on a vu chez les autres. Les femmes, il leur faut des catalogues, des défilés, des revues pour savoir comment être à la mode, comment s’habiller. Tout le monde s’imite. On se suit les uns les autres. Maintenant tout le monde a un Jean’S mais il faut que le Jean’S soit salopé sinon on n’est pas à la mode, alors on l’achète très cher avec des trous, bien fait. C’est très curieux ….Personne n’est naturel. On est obligé de jouer la comédie sinon on est perdu. On ment. Le mensonge est à la base de la société. Dans un des commandements, il est dit : Tu ne mentiras point, mais c’est idiot. Les animaux sont obligés de mentir pour bouffer sinon ils ne bouffent pas. Ils rusent. Le mensonge est une nécessité pour manger. Ruser, camoufler, tromper l’autre pour lui prendre un petit peu d’argent. Tromper sur la marchandise …

La pub, qu’est ce que c’est ? L’arnaque est nécessaire au commerce. On promet aux bonnes femmes qu’elles vont rajeunir avec des crèmes à la con alors qu’elles n’ont qu’à prendre du concombre chez elle, c’est beaucoup moins cher (Sourire) Mais le fait de se le mettre, donne un espoir fou !

Je me suis trouvé une maxime qui, peut-être suis le seul à l’apprécier : « Il est difficile de sortir de chez soi sans croiser un escroc » parce que moi chaque année, j’ai eu un escroc qui est venu et qui m’a berné. Des amis, des gens très gentils charmants et peu à peu ils me soutiraient de l’agent.

N-P : Il faut se méfier.

M.G. : Oulalalala….

N-P : Et le cinéma ?

M.G. : Il y a longtemps que je ne tourne pas. Le cinéma, c’est aussi par vogue. Le hasard. On me donne un rôle et si le film est vu par beaucoup de gens, je jouerais dans 4 films. C’est comme ça la vie !

Vous êtes sur la Côte d’Azur ?

N-P : Oui, à Nice.

M.G. : Veinarde.

N-P : En parlant de Nice, qu’est ce qu’elle vous évoque cette ville ?

M.G. : Ah Nice, c’est merveilleux ! ça m’évoque les vacances, la mer, le soleil. Quand on descendait sur Nice pour le cinéma, on nous mettait dans des grands hôtels comme le Negresco avec mes enfants. Le matin, il nous apportait le petit déjeuner sur une table pleine de bonnes choses en costume avec des plumes. Ils n’en croyaient pas leurs yeux. Ah oui, c’était merveilleux !

N-P : Pour fermer cette classe, si je vous prête une craie blanche, qu’inscrivez vous sur notre tableau noir ?

M.G. : Encore quelques minutes Monsieur le Bourreau. Quand on commence à être âgé, on sait qu’on va disparaître et qu’est ce qu’on souhaite ? Quand on est sur le tard, on se dit encore une petite année de gagner. (Sourire)

Site Internet : www.michel-galabru.net

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