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Nice
18 mars 2024

La Niçoise Caroline Trucco présente son exposition « Oui, mais des mots étendards » au MAMAC

L’artiste aux multiples casquettes interpelle le public sur les notions de colonialisme, paternalisme, ou encore d’appropriation culturelle, à travers des œuvres protéiformes. Une exposition unique à découvrir à partir du 29 avril, au Musée d’Art moderne et d’Art contemporain de Nice.

Au premier étage du musée, dans la galerie contemporaine, l’exposition apparaît. Les œuvres qui la composent prennent différentes formes. On y retrouve de la sculpture, de la photographie, de la vidéo, des enregistrements sonores, de l’impression sur verre. Bien que protéiformes, toutes ces pièces s’assemblent et résonnent entre elles. Tout a un sens. L’artiste a la volonté d’évoquer une histoire commune.

Caroline Trucco a pensé et assemblé cette exposition en moins de six mois. « Oui, mais des mots étendards » concentre dix ans de travail. « Cette association de mots étendards m’a tout de suite parlé. Ça permet de donner du pouvoir au langage, vecteur de lutte, ça fait aussi référence à la prose poétique et à la connotation de guerre », confie-t-elle.

Il s’agit de la dernière exposition dans cette aile du musée avant qu’il ne fasse peau neuve, dans le cadre de l’extension de la Promenade du Paillon. Elle est à découvrir jusqu’au 1er octobre 2023 tous les jours sauf le lundi, de 10 h à 18h, à partir du 2 mai.

Des récits d’errance et d’exil tout en poésie

La Niçoise a développé « une démarche artistique liant, avec poésie, enjeux ethnographiques et politiques ». Forte de ses nombreux voyages et résidences en Afrique de l’Ouest, elle conte dans cet espace qui lui est dédié, des récits de lutte et d’émancipation.

Le public est d’abord accueilli par une série de cartes postales qui pose le ton de la visite. « Bons baisers de Calais » et « Bons baisers de Vintimille » y sont estampillés. L’artiste nomade a réalisé ces photographies dans des zones de fortes tensions migratoires. Le contraste entre la poésie du voyage et la violence de l’exil est saisissant.

Une série de photographies à la frontière franco-italienne, au Maroc et en Espagne est affichée au mur. L’artiste a immortalisé la violence de l’entre-deux dans un reportage où l’espoir de l’humain en migration est mis au centre. Ce projet s’accompagne de fragments de carnet de route de l’artiste en prose poétique.

La violence mise sous silence

Un papier peint, des masques en bois, une vidéo et une bande sonore forment l’installation baptisée La saison des luttes. Au Cameroun, Caroline Trucco s’est intéressée à la guerre menée par les troupes coloniales françaises contre les indépendantistes camerounais entre 1955 et 1967. « L’installation évoque chants de résistance, rites, lieux de répression ». L’expérience est sensorielle, des chuchotements incisifs résonnent.

Un espace est dédié au visionnage d’un film intitulé Les statues meurent elles aussi ? et réalisé au Cameroun entre 2019 et 2022. Il imbrique différentes voix et histoires qui parlent toutes de « paroles confisquées« . Des masques et statues destinés à l’export en Occident sont entreposés dans des ateliers locaux formant un « monticule de violence ». Sur ces images, la narratrice raconte son viol. On peut y lire des phrases puissantes « les statues peuvent crier, la chair témoigne » ou encore « car le silence joue toujours en faveur des coupables« .

Réflexion sur le colonialisme

L’artiste utilise une référence populaire pour interpeller le public : l’album de Tintin au Congo. En noircissant les pages à la peinture, elle met la lumière sur certains éléments. Les dessins qui ressortent représentent différentes formes de prédation. « Ce caviardage, loin d’exercer une censure, dévoile la manière dont l’imaginaire de l’Afrique est alors habité par des stéréotypes et un paternalisme, fruits de l’approche coloniale. » L’installation est accompagnée de palmes méditerranéennes séchées en symbole de résilience, le tout formant Tristes tropiques.

Des miroirs installés par l’artiste prennent à partie le public. L’artiste cherche à questionner l’identité. Intitulée Nos visages comme la mue d’un même serpent, l’installation met en scène des sculptures africains de toute époque qui s’entremêlent à des statuaires de la Grèce antique. « Le dispositif implique le public dans une réflexion sur la classification muséographique des arts, renvoyant à la question posée par Alain Resnais en 1953 :  » Pourquoi l’art nègre se trouve-t-il au Musée de l’Homme alors que l’art grec ou égyptien se trouvent au Louvre ? »

Le Palais Lascaris a ouvert les portes de sa réserve à Caroline Trucco. Elle a emprunté des artefacts issus de l’ancien Institut colonial de Nice fondé en 1927. De quoi évoquer « la question de la collecte et du prélèvement de ces objets, leur statut actuel, et leur vocation future. » Des impressions sur verre où ont été évidées des images de sculptures extra-occidentales interrogent sur le pillage. « Ce manque évoque l’absence de ces objets dans leur territoire d’origine et le vide laissé en termes de patrimoines. »

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