Des mal-voyants improvisent dans la lumière

L’association la Semeuse et l’Union des Aveugles de Corse et de Nice (UACN) organisent un spectacle le 15 avril prochain à 15h au théâtre de la Semeuse dans le Vieux-Nice. Sa particularité ? Ce sont des mal-voyants qui fouleront les planches ; une façon de porter un autre regard sur le handicap. Présentation d’un spectacle qui promet d’être riche en bonne humeur et en émotions.

Mis en scène par Isabelle Warnaar, professeur de théâtre à la Semeuse, ce spectacle se veut le plus ludique possible. Certains sketches seront repris comme ceux de Laurent Gerra, Les Vamps, Robert Lamoureux, etc. Les comédiens en herbe interprèteront aussi des chansons qui mettent leur voix en valeur. Ils feront notamment honneur à Piaf avec des chansons ironiques et rigolotes. Pendant 1h30, les 6 élèves non ou mal-voyants auront la sensation d’oublier leur handicap : « leur vie n’est pas facile, ce sont des gens qui vivent dans le noir. Ils ont envie d’un moment de récréation mais qui soit cadré et où l’on fasse quand même quelque chose de qualité », énonce Isabelle Warnaar. Chaque lundi, dans le local de l’UACN (Union des Aveugles de Corse et de Nice), ses élèves répètent pendant 2h. Valérie Parola, la présidente de l’UACN qui participe au spectacle, explique comment se déroulent les cours : « on chauffe les voix, on travaille dans la bonne humeur, dans la joie. Parfois, Isabelle nous demande de faire des impros ; une partie du groupe n’aime pas ça », plaisante-t-elle. Michel Bizet, un autre élève, partage le même avis que sa comparse : « Isabelle nous apporte la bonne humeur. Le lundi, c’est un bon moment. Ça nous permet de nous détendre et de travailler des sketches dans la bonne humeur ».

« Je veux garder leur autonomie »

En acceptant de donner des cours de théâtre à des mal-voyants, Isabelle Warnaar avait pour ambition de les amener vers l’autonomie. Pour elle, ce sont des élèves à part entière malgré leur différence : « je les considère comme des voyants ». Elle a su s’adapter à leur contrainte visuelle : « je la prends en compte malgré toutes les difficultés que cela comporte », comme les déplacements sur scène par exemple : « le plus difficile, c’est de leur apprendre à se mouvoir dans l’espace sans avoir peur de se cogner ou de tomber ». Pour laisser le plus d’autonomie possible à ses élèves, elle a aussi inclus les chiens et leurs cannes : « pour moi, le chien c’est leurs yeux », affirme-t-elle. Athos et Terra, deux golden retrievers, feront eux aussi leur apparition sur scène.

Le jour J, elle a tout prévu pour permettre à ses élèves de déambuler sur scène de façon autonome : « je vais prendre un fil faisant la moitié de la longueur de la scène. Dans les coulisses, les bénévoles vont leur mettre le fil dans la main et ils vont avancer sur scène. Quand ils sentiront qu’ils sont au bout du fil, cela voudra dire qu’ils seront arrivés à l’endroit de leur emplacement scénique. Je vais aussi placer au sol des petits bouts de moquette que je vais coller de manière à ce qu’ils sentent que le revêtement est différent. Il ne faut pas qu’ils aillent plus loin sinon ils risqueraient de tomber ».
Pour comprendre ce que ses élèves endurent au quotidien, elle s’est mise dans la peau d’un mal-voyant lors de ses premiers cours : « je mettais un bandeau sur les yeux et faisais des cours à l’aveugle pour me rendre compte de la difficulté que c’est de faire 2 pas à droite, à gauche quand on est mal-voyant ». Une situation qui l’a aidée à comprendre les angoisses de ses élèves et à les contourner. <img37966|right>

Ravie de cette expérience enrichissante, Isabelle Warnaar souhaite renouveler l’expérience. L’an prochain, elle laissera place à l’improvisation, à la liberté de création et au dialogue personnel. Mais en attendant, elle et sa « troupe » vous donnent rendez-vous le 15 avril prochain à 15h au théâtre de la Semeuse. Une façon d’appréhender le handicap autrement…