Ça commence comme du Gounod auquel l’introduction semble rendre hommage: rythme lent, mélodies lumineuses, tonalités claires, chant choral emprunt d’une ferveur retenue. Mais déjà, le coeur, absolu souverain même au paradis, impose sa loi humaine. Vendredi 4 juin, en la Cathédrale de Monaco, celui de la cantatrice italienne Denia Mazzola Gavazzeni battait à l’unisson avec celui de Jules Massenet, l’auteur de cette « Eve », mystère biblique en trois parties composé en 1875. Intitulé « naissance de la femme », le premier chapitre de cet oratorio initialement destiné au registre ecclésial glisse inexorablement vers la passion romanesque de deux amants. Une fois planté le décor musical digne d’un « Mors et Vita », le ténor Giuseppe Veneziano, magnifique récitant dont la neutralité lyrique ne nuit nullement à la puissance vocale et à la diction parfaite annonce « l’apparition d’une femme resplendissante de beauté ». Il appelle l’homme à « se lever ». Découvrant ce « séduisant mystère », Adam, interprété par le baryton Massimiliano Fichera dont la belle et saisissante voix mâle tend vers celle d’une basse modulée, loue le Créateur par « qui s’achève ici l’oeuvre divin ».
Denia Mazzola GavazzeniLe superbe duo sensuel entre Adam et Eve où le coeur de la soprano Denia Mazzola Gavazzeni s’ouvre, telle l’héroïne de Saint-Saëns, à la voix de son partenaire, signe déjà l’exacerbation enflammée du « Manon », opéra qui assurera une éternelle célébrité au compositeur français, lauréat du Grand Prix de Rome en 1863, vingt-quatre ans après celui décerné à Charles Gounod: « dans ta forte main, je sens trembler ma main » susurre Eve dans un élan amoureux. En 1884, Manon murmurera avec douceur au Chevalier des Grieux : « N’est-ce plus ma main que cette main presse ? ». Au rythme des cordes qui s’accélère, l’Orchestre Philharmonique de Nice et le Choeur de l’Opéra de Nice, dans une harmonie magistralement initiée par l’exigeant chef Daniela Agiman, substituent la joie intense à la majesté, l’humain au divin, malgré le son inquiétant du cor, regard lointain mais attentif.
Au cours des deuxième et troisième parties, la « tentation » et la « faute », la soprano italienne, après s’être retournée vers le choeur qui l’invite, avec force et pressantes incantations, à s’approcher de « l’arbre de la science dont le fruit est l’amour » -on notera l’inversion du mot final par rapport à la partition qui permet une vocalisation encore plus tentatrice- Eve découvre le « désir » et « prend possession de la terre », accompagnée par d’éclatantes percussions. Complètement abandonnée à sa jouissance édénique, la soprano s’approche de l’extase vocale, va rechercher au plus profond de ses possibilités techniques, ses aigus les plus vibrants. L’émouvant duo final, dédié « à l’amour, père de la vie » est déjà du pur « Manon »: « Ne t’enfuis pas de mes bras languissants ». Embrasement voluptueux des deux voix puis de celle, plus implorante, de Denia Mazzola Gavazzeni lorsque vient l’interrompre un grinçant Dies Irae, repris comme un leitmotiv décliné de la sanction du Tout Puissant et de la chute originelle. Ultime clin d’oeil de Jules Massenet au maître Hector Berlioz.
Pour « la neuvième année de son existence », avait rappelé en introduction le père Philippe Blanc, le Festival de Musique sacrée proposait cette « oeuvre créée en 1875, année de la pose de la première pierre sur laquelle allait s’édifier la Cathédrale de Monaco ». La faute d’Eve, la performance de Denia Mazzola Gavazzeni en témoigne, semble déjà pardonnée!
NB: L’association culturelle Ab Harmonia Onlus, née de la volonté de Denia Mazzola Gavazzeni, vise conjointement à redécouvrir des oeuvres et des compositions oubliées et à développer une activité humanitaire, notamment des concerts lyriques gratuits dans les lieux de souffrance ou de privation de liberté. Depuis septembre 2009, après Paris et Milan, la Principauté accueille les actions de Ab Harmonia Onlus. https://www.abharmoniaeonlus.eu/
Photos: Patrick Gauthey
Denia Mazzola Gavazzeni
Denia Mazzola Gavazzeni
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