« Inter urinas et faeces nascimur » expliquait le philosophe Porphyre, cité par Sigmund Freud dans sa « deuxième théorie sexuelle infantile » afin d’illustrer l’origine cloacale du corps. Le corps n’est rien. Discipliné, physiquement entraîné, soumis à l’intensité de l’effort, mais aussi approché, séduit, touché, en étroite symbiose avec celui d’un autre, il irradie de puissance et de beauté. On comprend que l’énigme du corps fascine la chorégraphe néerlandaise d’origine hongroise Krisztina de Châtel, connue pour avoir déjà travaillé avec les éboueurs des Pays Bas. Ce corps, elle sait le convaincre sans le forcer. Elle peut l’émouvoir sans l’affaiblir. Pour finalement le faire triompher. Un message symbolique fort, véritable fil rouge subtilement agencé dès la première scène de sa production au Monaco Dance Forum: elle y associait, en création mondiale, les Sapeurs Pompiers de Monaco, le Dansgroep Amsterdam et les Ballets de Monte Carlo.
Sous une lumière blafarde, des membres épars puis des corps entiers s’extirpent péniblement de poubelles placées au coeur même de la scène. Lentement, les danseurs se dénouent, semblent reprendre goût à la vie. Après une entrée en fanfare, sirène hurlante, les pompiers se figent, immobiles, aussi intangibles que leur devise, piliers autour desquels s’agitent ces silhouettes frêles et chancelantes. La mort n’est plus qu’un souvenir. La pulsion vitale s’affirme. Belle introduction, en forme d’hommage, à ceux dont le métier est sauver celle des autres. Au péril de la leur. Si, dans un premier temps, les danseurs professionnels s’adossent, au sens propre comme au sens figuré, aux corps sculptés, s’il étayent leurs évolutions sur la virilité passivée des soldats du feu, ces derniers se laissent peu à peu amadouer, séduire. Certains avec un large sourire de satisfaction, d’autres sous contrôle. Tous finissent par réagir aux incitations ludiques, aux invitations tendres de leurs partenaires. Chacun selon son tempérament, dûment respecté par la directrice artistique: les uns jettent un regard, d’autres esquissent un geste, les plus audacieux initient un pas de deux. On devine aisément leur anxiété: leurs mouvements prudents, empreints d’une retenue pudique mais dénués de toute gaucherie, trahissent leur angoisse de maltraiter des corps graciles, comme une crainte de briser des bibelots précieux. Tensions perceptibles que la chorégraphe exploite et restitue avec un sens aigu de l’esthétisme.
Apothéose: les différentes véhicules d’intervention et les danseurs entament une sorte de va-et-vient incertain, esquisse d’un rapport de forces doublé d’un duo amoureux: l’humain aux prises avec la machine. Magnifiques dynamiques qui frôlent, malgré la présence massive de la matérialité mécanique, l’épopée dramaturgique. Combat hugolien digne de « Quatre-vingt treize » au cours duquel la « fourmi l’emporte sur le mastodonte ». La danse des casques montre en outre la créativité, l’originalité de la chorégraphe. Celle-ci repère le « moment chorégraphique » par excellence, là où on l’attend le moins, et sait le mettre en exergue: quatre soldats du feu enroulent deux par deux les lances à incendie dans une impressionnante simultanéité physique qu’aucun fléchage millimétré au sol ne parviendrait à égaler. Sans jamais tomber, fort heureusement, dans la « chippendalisation » des musculatures disponibles, Krisztina de Châtel offre pour terminer une kyrielle de figures purement gymniques, alliant puissance, agilité et humour. Des manoeuvres avec la grande échelle signent, personne ne s’en étonnera, le bouquet final de ce feu d’artifices corporel.
Interprètes: Andreas Kuck, Swantje Schaüble (Dansgroep Amsterdam), Sivan Blitzova, Ediz Erguc, Vanessa Henriques, Beatriz Uhalte (Ballets de Monte Carlo), Manuel Amonos, Maxime Boesch, Eric Briano, Gildas Brunel, Jean-Philippe Dol, Fabrice Matje, Fred Unternaehr (Sapeurs Pompiers de Monaco).
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