Dans l’obscurité révélatrice de Michel Graniou : une plongée dans l’essence même de la photographie

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Présentation par Michel Graniou de "Camera Obscura" ©Alessandro Legros

Au musée de la Photographie Charles Nègre, l’exposition « Camera Obscura » rend hommage à plus de quarante ans de création de Michel Graniou. Avec soixante-dix tirages argentiques exposés, le photographe niçois nous invite à pénétrer dans l’univers mystérieux de la chambre noire, cet outil ancestral qui fut le premier appareil photographique de l’histoire.

Dès l’entrée du musée de la photo Charles Nègre, Graniou propose au visiteur une expérience immersive : franchir symboliquement le diaphragme d’un objectif pour rejoindre l’intérieur d’une camera obscura. C’est là que se joue toute la poésie de son œuvre. La lumière traverse l’orifice, impressionne la surface photosensible et révèle le sujet. On est impressionnés par cette écriture avec la lumière, tel est l’objectif de l’exposition, et l’étymologie même du mot photographie.

Entre naturalia, artificialia et mirabilia : un cabinet de curiosités contemporain

L’exposition s’articule autour de trois grandes thématiques inspirées des cabinets de curiosités anciens :

  • les naturalia, issus des trois règnes naturels
  • les artificialia, créations humaines et objets façonnés
  • les mirabilia, merveilles rares et formes admirables de la nature.

A travers ces ensembles, Michel Graniou explore des motifs récurrents qui traversent toute son œuvre : la mort, le passage du temps, mais aussi la vie et la jeunesse. Dans de nombreux clichés le sablier rappelle le temps qui s’écoule, la tête de mort fait écho aux vanités classiques, tandis que les fleurs, présentes et délicates, incarnent la jeunesse, la fragilité et la renaissance. Cette triade symbolique, profondément ancrée dans l’histoire des arts, structure la lecture de l’exposition et donne chaque image une portée méditative.

 Sa pratique photographique, résolument artisanale, repose sur des procédés anciens : gomme bichromatée, palladium, cyanotype ou encore collodion humide. La lenteur volontaire de ces techniques fait partie de sa démarche : contemplation, méditation et attention au détail.

Dans l’obscurité révélatrice de Michel Graniou : une plongée dans l’essence même de la photographie
Michel Graniou présentant son matériel pour réaliser ses photographies. ©Alessandro Legros

Symboles, vanités et équilibre : une esthétique de la contemplation

Dans les salles, des lions en pierre, des colonnes de bois, des fleurs enrubannées ou encore une longue dent de narval se répondent dans un jeu d’échos. Ces objets évoquent tour à tour la vie, la mort, et l’ambivalence propre aux vanités, où la beauté côtoie l’éphémère. La tension entre ce qui naît et ce qui disparaît traverse l’ensemble de l’exposition.

Graniou attache également une importance particulière à la symétrie, qu’il considère comme une structure fondamentale de son langage visuel. Elle organise l’espace, stabilise les compositions et confère à ses images une dimension presque cérémonielle. La symétrie, chez lui, n’est pas un simple effet : c’est une manière de révéler l’équilibre secret des choses, leur part immobile dans un monde mouvant.

Dans l’obscurité révélatrice de Michel Graniou : une plongée dans l’essence même de la photographie
Alpes Maritimes. Tirage sur papier baryté au clorobromure d’argent © Michel Graniou

Un voyage dans le temps et dans l’art

C’est toute une histoire de la photographie que Graniou met en scène, depuis la camera obscura de Nicéphore Niépce jusqu’aux pratiques argentiques les plus exigeantes. Né à Nice en 1955, formé très jeune à la photographie, l’artiste n’a jamais cédé entièrement aux sirènes du numérique. Il défend une image construite lentement, dans la rigueur du laboratoire et la magie des réactions chimiques.

Son goût pour les sciences naturelles influence durablement ses sujets, et ses années passées à documenter le patrimoine architectural des Alpes-Maritimes renforcent son approche méticuleuse. Depuis 1996, il est représenté par la Galerie Chave à Vence. L’exposition niçoise marque un double anniversaire : ses soixante-dix ans, mais aussi les quarante ans de sa première exposition à la galerie Mossa.

Dans l’obscurité révélatrice de Michel Graniou : une plongée dans l’essence même de la photographie
Présentation de son « monument », le  » Mausolée » ©Alessandro Legros

Un art mystique de la lumière

« Un tel art photographique relève de l’expérience mystique », écrit Jean-Paul Potron dans le texte qui accompagne l’exposition. À travers l’alchimie du papier argentique, Graniou célèbre « les noces d’argent, d’or ou de platine entre la lumière et l’œil du photographe. » Chaque image apparaît ainsi comme une matière vivante, issue d’un dialogue silencieux entre le visible et l’invisible.

Avec « Camera Obscura », Michel Graniou ne se contente pas de montrer des objets : il révèle ce que la lumière fait advenir. L’exposition, riche d’une grande portée symbolique, invite le visiteur à ralentir, à observer et à redécouvrir la beauté fragile du monde.

Infos pratiques:

Exposition: Michel Graniou, CAMERA OBSCURA

Lieu: musée de la photographie Charles Nègre

Dates : du 22 novembre 2025 au 22 février 2026.

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