L’isba de Valrose à Nice retenue par le Loto du patrimoine

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Une maison russe atypique sur le domaine de Valrose va bénéficier d’un soutien financier pour sa restauration de la part de la fondation patrimoine porté par Stéphane Bern.

L’isba du domaine de Valrose, nichée au cœur du campus universitaire de Nice, a été sélectionnée par la Mission Patrimoine portée par Stéphane Bern. Elle est le seul site des Alpes-Maritimes retenu pour le Loto du patrimoine 2025. Sa restauration, estimée à plus de 750 000 euros, va enfin pouvoir être envisagée.

L’histoire de cette isba commence dans les années 1870. Le baron Paul Von Derwies, homme d’affaires russe, commande une maison traditionnelle en bois sur ses terres d’Ukraine. La construction est ensuite démontée, transportée par train depuis Kiev, puis reconstruite dans son domaine niçois. L’édifice devient un lieu de réception. Les invités découvrent, au milieu des jardins de la colline de Cimiez, une habitation typique des campagnes russes.

L’isba se distingue par son architecture en rondins de sapin assemblés et décorés de motifs sculptés. Des inscriptions en vieux cyrillique ornent la façade. Elle est installée à proximité du château de Valrose, construit par le baron et réputé pour ses fêtes mondaines. Mais, depuis cette époque, la maison n’a jamais fait l’objet d’une restauration complète. Le bois, exposé aux intempéries, s’est lentement dégradé.

Classée monument historique en 1991, l’isba est aujourd’hui fragilisée. Son toit en ardoise et sa structure menacent sa stabilité. Les visites ne sont plus possibles, et l’université ne dispose pas des fonds nécessaires pour en assurer la sauvegarde.

Le Loto du patrimoine en renfort

Le projet a été présenté par la Fondation du patrimoine et retenu par le comité de sélection de la Mission Bern. Pour la dixième fois, un site maralpin est inscrit dans cette opération nationale. Après la maison Matisse à Vence, le Fort Royal de l’île Sainte-Marguerite ou encore la citadelle de Villefranche, c’est au tour de l’isba de Valrose de bénéficier d’un soutien.

« Il y a du travail, explique Franck Blanc, directeur du développement durable des sites de l’université. C’est désormais sa structure qui est touchée, ses fondements. Il y a urgence. » L’évaluation des besoins fait apparaître un budget d’au moins 750 000 euros. L’université ne peut assumer seule un tel montant. Les recettes issues du Loto du patrimoine devraient permettre de lancer les premiers travaux.

Jacques Joncour, délégué départemental de la Fondation du patrimoine, confirme l’importance de cette sélection : « la fondation du patrimoine tenait absolument à soutenir l’isba parce que c’est déjà un patrimoine exceptionnel et qui est surtout en grand péril. C’était véritablement indispensable d’intervenir d’autant plus que le financement est difficile à boucler. »

Vers une nouvelle vie pour l’isba

La restauration devrait débuter fin 2025 pour une durée d’un an. Clémence de Sorbier, architecte des Bâtiments de France, rappelle que « les rondins qui constituent la structure du bâtiment proviennent du domaine du baron dans son pays. Ils ont été démontés morceau par morceau et numérotés pour être remontés ici à Nice. » Les travaux viseront à préserver ces matériaux anciens tout en restituant certains éléments décoratifs disparus, comme les balustrades ou les galeries de faîtage.

Une fois rénovée, l’isba accueillera les bureaux destinés aux étudiants internationaux. Franck Blanc se réjouit de cette perspective : « nous allons pouvoir envisager de lancer les premiers travaux d’urgence assez vite. Ensuite, l’isba va retrouver vie et surtout, nous pourrons la rouvrir à une vie universitaire tournée vers l’accueil et l’international. On a plein de projets pour elle ! »

Cette restauration s’inscrit dans un plan plus large de valorisation du domaine de Valrose. En février 2024, le lac, les ponts et le kiosque ont été restaurés grâce aux fonds de l’université et de mécènes privés. L’ouverture régulière du parc au public permet déjà de faire découvrir ce patrimoine, inscrit dans le périmètre classé au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Un témoin de l’histoire de la Riviera

L’isba n’est pas seulement un bâtiment pittoresque. Elle incarne un épisode de l’histoire de Nice au XIXe siècle, lorsque la Riviera attire noblesse et artistes européens. Le baron Von Derwies, riche industriel et mécène, y installe un lieu de culture et de sociabilité. Le château de Valrose et son isba deviennent un rendez-vous mondain, jusqu’à la mort tragique du baron et de sa fille en 1881.

Aujourd’hui, la maison est un vestige rare en France d’un habitat traditionnel slave. Elle symbolise aussi les échanges culturels qui marquent la Côte d’Azur depuis plus de 150 ans.

La sélection par le Loto du patrimoine vient donc rappeler que la préservation des monuments ne se limite pas aux châteaux ou aux églises. Les édifices plus modestes, mais tout aussi singuliers, méritent d’être sauvegardés.

Préserver et transmettre

Le chantier de l’isba de Valrose sera suivi avec attention par l’université et les acteurs du patrimoine. Une collecte privée a également été lancée pour compléter le financement. L’objectif est clair : éviter une perte définitive et transmettre aux générations futures un témoin original de l’histoire locale.

Comme le souligne Dominique Larédo, historienne à l’université : « cette isba a été conçue en Ukraine puis démontée et remontée à Nice. » Une phrase qui résume l’étonnant voyage d’une maison paysanne, transportée à plus de deux mille kilomètres, et devenue partie intégrante du paysage universitaire niçois.

À l’heure où le patrimoine bâti est confronté à des menaces multiples, l’exemple de l’isba de Valrose montre que des initiatives collectives peuvent redonner vie à des lieux en danger. Le Loto du patrimoine en sera, une fois encore, le déclencheur.

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