Orques de Marineland : l’EAAM alerte sur un risque pour la survie des animaux

La décision du Gouvernement sur le devenir des orques et des dauphins de Marineland d’Antibes suscite une vive inquiétude au sein de la communauté professionnelle des mammifères aquatiques. L’Association européenne pour les mammifères aquatiques (EAAM) critique un choix jugé opaque, non fondé sur un débat scientifique contradictoire, et alerte sur les conséquences possibles pour les deux orques Wikie et Keijo.

L’annonce du ministère de la Transition écologique sur l’avenir des cétacés de Marineland marque une nouvelle étape dans un dossier ancien. Le Gouvernement a formalisé ses décisions après plusieurs mois d’analyses techniques, d’inspections administratives et d’échanges avec différents acteurs. L’objectif affiché repose sur le bien-être animal, la sécurité et le respect du cadre légal.

Pour les deux orques encore présentes à Antibes, la destination est désormais arrêtée. Wikie et Keijo sont destinées à rejoindre le Whale Sanctuary Project, un sanctuaire marin situé en Nouvelle-Écosse, au Canada. Le transfert est envisagé à l’été 2026. Le ministère rappelle que l’autorité scientifique espagnole a refusé un transfert vers le Loro Parque de Tenerife. Une poursuite de l’exploitation des orques à des fins de spectacle est jugée incompatible avec la législation française.

Cette orientation a provoqué une réaction immédiate de l’Association européenne pour les mammifères aquatiques. Dans un communiqué, l’EAAM fait part d’une « profonde inquiétude pour leur survie. » L’annonce ministérielle aurait été apprise « avec effarement. » L’association dénonce « un choix opaque et idéologique. »

Une absence de débat scientifique dénoncée

L’EAAM est une association professionnelle européenne. Depuis plus de cinquante ans, cette structure réunit des vétérinaires, biologistes, éthologues, chercheurs et soigneurs spécialisés dans les mammifères aquatiques, en milieu naturel ou en institutions zoologiques. L’organisation rappelle que les établissements hébergeant des cétacés s’appuient sur des équipes pluridisciplinaires et participent à la recherche scientifique ainsi qu’à la protection des espèces en milieu naturel.

Dans son communiqué, l’EAAM souligne que l’ensemble des recours judiciaires intentés ces dernières années par des associations animalistes contre les parcs zoologiques hébergeant des cétacés avaient été rejetés. Ces décisions avaient confirmé, selon l’association, la conformité des établissements aux cadres réglementaires et scientifiques en vigueur à l’époque. L’EAAM rappelle également que l’approche des professionnels s’était voulue constructive, avec une volonté d’ouverture envers les autorités et les associations, en s’appuyant sur des faits vérifiables et sur les connaissances scientifiques disponibles.

L’association affirme que plusieurs solutions « réalistes, techniquement viables et immédiatement opérationnelles » auraient été écartées par les autorités. Ces choix seraient motivés par une volonté de ne pas contrarier certaines associations animalistes impliquées dans les discussions. L’EAAM estime qu’aucun de ses experts, ni aucun expert français reconnu des orques, n’aurait été consulté dans le processus décisionnel. La décision est décrite comme prise « dans une absence totale de transparence et sans débat scientifique contradictoire. »

Une critique frontale du modèle des sanctuaires

Le communiqué de l’EAAM remet également en question le modèle des sanctuaires marins. L’association indique que ce modèle présente des limites importantes pour les cétacés. Une expérience passée est citée. Le placement de deux bélugas en Islande en 2019 est évoqué comme un exemple d’échec. Après plusieurs années d’annonces et d’appels aux dons, le projet serait aujourd’hui à l’arrêt. Les animaux concernés seraient maintenus dans un bassin sous hangar, accessible au public contre un droit d’entrée.

Selon l’EAAM, cette situation démontre qu’un sanctuaire ne constitue pas, une garantie de bien-être pour des cétacés. Le projet canadien est décrit comme relevant davantage de la communication que d’une réalité opérationnelle. L’association évoque un projet annoncé depuis 2015, sans chantier réellement démarré, avec des contraintes foncières et environnementales non résolues.

Face à ce constat, l’EAAM affirme qu’« une seule option cohérente et responsable reste désormais possible » pour Wikie et Keijo. Le communiqué évoque un transfert vers une structure zoologique accréditée, capable de répondre aux besoins réels de ces individus. Plusieurs critères sont mis en avant. Une vie sociale plus riche et adaptée à l’espèce. Une prise en charge par des équipes reconnues pour leur expertise animalière, vétérinaire et éthologique. Un environnement adapté à l’histoire et aux besoins biologiques des orques. Une participation à des programmes concrets de conservation des cétacés en milieu naturel.

Des décisions gouvernementales maintenues

Malgré ces critiques, la ligne de l’État reste inchangée. Le ministère de la Transition écologique confirme que les décisions reposent sur les inspections de la DREAL, sur des expertises scientifiques et sur le cadre législatif issu de la loi de 2021. Pour les dauphins, aucun transfert vers l’Espagne n’est retenu. Les douze animaux resteront temporairement à Antibes, dans l’attente de l’ouverture d’un centre porté par le ZooParc de Beauval. Les bassins actuels sont considérés comme compatibles avec un accueil transitoire.

Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la Transition écologique, assume cette orientation. « L’État agit de manière responsable et cohérente. Après avoir examiné toutes les options, nous prenons aujourd’hui les décisions nécessaires pour garantir le bien-être des animaux. Les dauphins ne partiront pas en Espagne, où ils pourraient être à nouveau exploités. Quant aux orques, leur place est au sanctuaire de Nouvelle-Écosse : c’est la seule solution éthique, crédible et conforme au droit. Notre rôle est de protéger ces animaux et de poser les bases d’un modèle exemplaire de transition vers les sanctuaires marins ».

La direction de Marineland, de son côté, dénonce une « urgence absolue » et évoque un « danger de mort imminent. » L’EAAM partage une inquiétude forte, mais conteste le choix du sanctuaire. Le dossier des orques de Marineland continue ainsi de cristalliser des visions opposées du bien-être animal, de la science et des solutions envisageables à court terme.

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